« Considérations philosophiques sur les sciences et les savants », article en trois livraisons du Producteur, 1825, t1, pp. 289-305, 348-374, 450-469.
1825
Loi des trois états (théologique/ philosophique/ positif) dans le premier article. Échelle encyclopédique des six sciences dans le second article. Dans le troisième article, plus spécialement commenté ici, Comte est semble-t-il le premier, et pendant longtemps le seul philosophe, à avoir pris acte de ce que les savants formaient désormais une nouvelle classe sociale.
Le texte du Producteur comprend trois parties, correspondant chacune à l'une des trois livraisons. Après avoir traité, dans la première, de la loi des trois états (théologique/métaphysique/positif), le texte s'arrête sur l'état auquel l'humanité est parvenue en Europe, à savoir l'état positif ou scientifique. C'est l'occasion de mettre en place le second des deux piliers sur lesquels repose la philosophie positive, à savoir la classification des six sciences encore appelée échelle encyclopédique.
Dans le troisième article, Comte est semble-t-il en 1825 le premier, et pendant longtemps le seul philosophe, à avoir pris acte de ce que les savants formaient désormais une nouvelle classe sociale. Il double ce constat par une proposition : à l'avenir, les savants sont appeler à occuper la place laissée vacante par la décadence du clergé et à exercer le nouveau pouvoir spirituel.
Né en 1944, ancien élève de l'ENS de Saint Cloud (1963-68), agrégé de philosophie (1967), Docteur de 3ème cycle (1980, Paris1), Habilitation à diriger des recherches (1997, Paris 4), Michel Bourdeau a été chercheur au CNRS, au CAMS (Centre d’Analyse et de Mathématique Sociale, EHESS-CNRS-Paris4), avant d’être à l’IHPST. À partir de 1998, il travaille sur la philosophie d’Auguste Comte, dont il est un des spécialistes mondiaux. Auteur de nombreux ouvrages, il est directeur de recherche émérite au CNRS (page IHPST).
1825. Saint-Simon est mort le 19 mai. Soucieux de continuer à faire vivre sa pensée, ses disciples, Olinde Rodrigues, Enfantin, s’empressent de fonder un nouveau périodique, Le Producteur, qui vient prendre la suite des diverses publications éphémères (L’Industrie (1817), Le Politique (1819), L’Organisateur (1819), Le système industriel (1821), Le catéchisme des industriels (1823)), qui permettaient alors d’échapper à la censure. Pour en assurer le succès, ils sollicitent Auguste Comte qui, bien qu’il ait rompu depuis 1824 avec le maître, continue à passer pour saint-simonien. L'intéressé accepte, sans grand enthousiasme, poussé dit-il par des besoins financiers. Il vient d'épouser Caroline Massin, qui n’est pas encore devenue « l’indigne épouse », et a maintenant charge de famille. Intellectuellement, il a déjà derrière lui le Plan des travaux nécessaires pour réorganiser la société, publié en 1822 ; mais celui-ci est resté inachevé. La seconde édition, en 1824, lui a offert l'occasion d'ajouter un développement sur Condorcet et la philosophie de l'histoire, et de préciser ainsi la marche à suivre par la suite, mais la seconde partie annoncée reste à écrire et Comte peine tant à le faire qu’il finira par y renoncer définitivement.
Si l'on veut bien faire abstraction des quelques pages ajoutées en 1824, Comte n'a donc rien publié entre 1822 et 1825 et ces Considérations, publiées en trois livraisons, viennent rompre un silence de trois ans. Que l'opuscule de 1822 soit, comme Comte ne cessera de le dire, fondamental au sens fort du terme, le fait est incontestable ; mais sur ce fondement, l’écrit reproduit ici commence la construction de l’édifice projeté. En particulier, pour un épistémologue, les présentes Considérations constituent sans doute le plus intéressant des autres écrits de jeunesse, en ce qu'elles jettent, sur la science et les savants, un éclairage profondément nouveau[1].
Pour s'en convaincre, il convient d'aller directement à la troisième livraison, consacrée à ce que Comte propose d'appeler l’histoire politique des savants. Comme la conclusion de la seconde livraison le faisait déjà valoir :
Les considérations présentées ici conduisent naturellement à envisager les sciences sous un nouveau point de vue.
Elles ne sont pas seulement, à mes yeux, la base rationnelle de l'action de l'homme sur la nature [...] Considérées dans l'avenir, elles seront, une fois systématisées, la base spirituelle permanente de l'ordre social, autant que durera sur le globe l'activité de notre espèce [p. 372-373 ; c’est moi qui souligne]
Figure 1 : Buste d’Auguste Comte (1798-1857), par le sculpteur Antoine Étex (1808-1888) (Maison Auguste Comte, Paris VIe ; WikiCommons auteur Alexandre Moatti).
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De par sa formation d'ingénieur, le jeune polytechnicien savait fort bien qu'aux yeux de ses contemporains, la valeur de la science résidait avant tout dans les applications qui en sont faites ; et la maxime science d'où prévoyance, prévoyance d'où action, montre qu'il était attentif aux problèmes posés par l’articulation de la théorie et de la pratique. L'idée que la science pourrait également servir de base spirituelle à l'ordre social semble bien, en revanche, lui être propre et il en a d'ailleurs parfaitement conscience.
L'apport de Comte à l'épistémologie est double. Tout d'abord, il est le premier à avoir clairement dégagé le concept de philosophie d'une science[2]. Il y a chez Kant une philosophie des mathématiques, une philosophie de la physique, mais qui songerait à chercher la première dans une esthétique transcendantale, la seconde dans une analytique des principes ? À l'époque où Comte publie lui un Cours de philosophie positive, Mill publie un Système de logique, et Bolzano une Théorie de la science mais, dans ces deux ouvrages, il n’y a rien de comparable à la belle ordonnance où les six sciences fondamentales sont passées tour à tour en revue. Ces Considérations interdisent toutefois de borner à ce premier aspect l'apport de l’épistémologie positive : comme l'indique leur titre, il n'y est pas seulement question de la science mais aussi des savants. Depuis toujours la philosophie s'est intéressée aux sciences mais jamais jusqu’à présent elle ne s’était intéressée à la cité savante, sinon de façon sporadique et accessoire. Dit en d'autres termes, c’est déjà, en 1825, le point de vue sociologique dont la théorie sera faite dans les Conclusions générales du Cours.
Dans une telle décision, il y a lieu de distinguer deux composantes : Comte est semble-t-il le premier, et pendant longtemps le seul philosophe, à avoir pris acte de ce que les savants formaient désormais une nouvelle classe sociale. La réorganisation de l'enseignement scientifique par le gouvernement révolutionnaire et la demande concomitante liée aux progrès de l'industrialisation avaient en effet conduit à donner aux savants une place désormais déterminante dans la vie sociale. Mais Comte double ce constat par une proposition : à l'avenir, les savants sont appeler à occuper la place laissée vacante par la décadence du clergé et à exercer le nouveau pouvoir spirituel. Si, sur ce dernier point, comme d'ailleurs sur le précédent, le jeune polytechnicien est tributaire de Saint-Simon qui, dès 1803, avait proposé d'instituer un Conseil de Newton, il donne à ces idées un développement systématique qu'on chercherait en vain chez l’ancien aristocrate. C'est ainsi que la troisième livraison retrace, conformément à la loi des trois états qui faisait de la théologie l'ancêtre lointain de la science, la généalogie qui mène du prêtre au savant.
Figure 2 : Page de garde du Producteur, premier volume, dans lequel figurent les trois articles de Comte (Le Producteur paraît de 1825 à 1826 – image Gallica/BnF).
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Si l'histoire politique des savants constitue l'apport spécifique de ces Considérations, elle n'est abordée toutefois que dans la dernière partie et, pour comprendre comment un tel projet a pu être conçu, il convient de remonter jusqu'à la loi des trois états. Celle-ci en effet n'est pas seulement ce que Comte a toujours donné comme sa principale contribution à l'histoire de la pensée, comme la découverte d'où tout découle ; elle constitue aussi le point de départ conforme à la méthode fixée en 1824, qui nous enjoint, dans l'étude des phénomènes organisés, de procéder du général au particulier[3]. Dans le monde social, le général, c’est en effet la marche de l’humanité considérée dans son ensemble et, s'il doit y avoir une science sociale, c'est que cette marche n'est pas livrée à l'arbitraire ou, pour parler comme Comte, que l'humanité marche par une impulsion propre.
Le texte comprend ainsi trois parties, correspondant chacune à l'une des trois livraisons. Après avoir traité, dans la première, de la loi des trois états, le texte s'arrête sur l'état auquel l'humanité est parvenue en Europe, à savoir l'état positif ou scientifique. C'est l'occasion de mettre en place le second des deux piliers sur lesquels repose la philosophie positive, à savoir la classification des sciences encore appelée échelle encyclopédique. À s'en tenir à ces deux premières parties, ces Considérations constituent le premier exposé systématique de ce à quoi la postérité réduit le plus souvent la pensée comtienne, et comme une préfiguration des deux premières leçons du Cours. Aussi y a-t-il lieu d'en dire quelques mots avant d'examiner plus en détail ce qui est dit dans la dernière partie.
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Figure 3 : Gustave d’Eichtal (Nancy 1804-Paris 1886), élève et correspondant de Comte (image WikiCommons).
C’est ainsi que le texte s’ouvre, de façon abrupte, sur un exposé de la loi des trois états. Dans la mesure où il est permis de la supposer déjà connue du lecteur, il suffira de s'en tenir à deux ou trois remarques. Tout d'abord, on mesure les progrès accomplis en trois ans car, si la loi était énoncée dès 1822, on se trouve cette fois en présence d'un exposé beaucoup plus élaboré, que Comte n'hésite pas à décrire comme une « démonstration directe[4] » et qui servira de matrice aux deux grands exposés du Cours (1e et 51e leçons). Entre temps en effet, G. d'Eichthal, que ses affaires conduisaient souvent en Allemagne, a fait découvrir Herder et Kant à Comte, qui sera tout particulièrement impressionné par la lecture de l’Essai sur l'histoire universelle, cité ici p. 365-366. Il y trouve une confirmation des vues qu'il avait développées auparavant et en profite pour approfondir sa conception de la philosophie de l'histoire, puisées auparavant exclusivement chez Condorcet. On notera, en second lieu, la première apparition du couple inévitable, indispensable, dont Comte fera par la suite un usage systématique et qui exprime les deux aspects de la nécessité : d'une part un mécanisme auquel il serait vain de chercher à se soustraire, de l'autre une sorte de finalité immanente qui réintroduit tacitement l'idée d'un but à atteindre. Particulièrement remarquable est l'argument invoqué pour expliquer la nécessité de l'état initial, car il montre le fossé qui sépare le positivisme de l'empirisme de la tabula rasa. Contrairement à ce que soutient l’empiriste, il est impossible d’observer sans théorie, sans hypothèse préalable, et c'est pourquoi, faute de disposer d’une meilleure théorie, l'esprit humain n’a d’autre issue, pour commencer, que de projeter sur le monde extérieur le seul mode de fonctionnement qui lui soit familier, à savoir le sien.
La marche de l'humanité une fois décrite dans son ensemble, la question qui se pose est : où en sommes-nous ? À l'aube du dix-neuvième siècle, l'Europe est entrée depuis un temps déjà dans l'ère positive mais il est clair qu'il subsiste encore bien des traces des états antérieurs. La question se transforme et devient : que reste-t-il à faire pour être enfin pleinement dans l'état positif ?
La réponse est claire : constituer la science sociale. Mais, pour s’assurer que tel est bien le cas, il convient de passer au préalable en revue les différentes sciences. Cette nouvelle partie commence donc par un exposé rapide de la classification des sciences. Comte y rappelle que
Nos diverses conceptions sont successivement devenues positives, dans le même ordre qu'elles avaient suivi pour devenir d'abord théologiques, et plus tard métaphysiques. Cet ordre est celui du degré de facilité que présente l'étude des phénomènes correspondants. Il est déterminé par leur complication plus ou moins grande, par leur indépendance plus ou moins entière, par leur degré de spécialité. [p. 350]
La série des six sciences fondamentales constituant une des contributions les plus durables de l'épistémologie positiviste, on peut cette fois encore la supposer connue du lecteur et il suffira de souligner le rapport étroit existant entre l'échelle encyclopédique et la loi des trois états ou, si l'on préfère, entre l'ordre de dépendance dogmatique et l'ordre de succession historique : en raison des liens de dépendance qu'elles entretiennent, les sciences deviennent positives dans l'ordre décrit par la loi de classement et c'est pourquoi celle-ci donne la clé de l'histoire des sciences. C'est ainsi par exemple que la biologie n'est devenue positive qu'au tout début du dix-neuvième siècle, avec Bichat, peu après que la chimie en eut fait autant, grâce à Lavoisier. Pour que le système de nos connaissances soit complet, il ne reste donc plus qu'à constituer ce qui, en 1825, s'appelle encore non pas sociologie mais physique sociale.
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Avant de préciser ce qu'il faut entendre par là, il convient toutefois d'opérer un retour réflexif sur le Plan de 1822 et de se défaire d'une erreur qui avait engagé Comte dans une mauvaise direction.
Il me semble aujourd'hui, écrivait-il le 2 avril 1825 à G. d'Eichthal, que le vice réel de cet exposé général est de faire arriver la question des personnes avant d'avoir entièrement traité celle des choses, c'est-à-dire les savants et la science. Si vous le regardez encore sur l'ouvrage, vous serez, je crois, de mon avis. Il résulte de cette exposition une importance exagérée qu'on semble attacher au personnel, ce qui altère la conception fondamentale. Le remède est donc de rétablir l'ordre naturel en ne parlant de l'intervention des savants qu'après avoir établi le caractère scientifique de la politique. [CG t.1, p. 160]
En 1822, Comte n'avait pas réussi à atteindre le but qu’il s'était fixé : hisser la politique au rang des sciences d'observation, faute notamment d'avoir adopté la méthode qui aurait pu y conduire. Si les Considérations de 1825 marquent un progrès dans cette direction, c'est que, comme l'indique leur titre, elles respectent l'ordre à suivre. Certes, ce sont les savants qui font exister la science ; il n’en faut pas moins commencer par réfléchir sur la nature de celle-ci et établir le caractère scientifique d’une discipline avant d'examiner le rôle à confier à ceux qui la pratiquent.
La constitution d’une science sociale passe ainsi au premier plan. Le texte insiste sur les conditions de son apparition : pourquoi maintenant ? C’est-à-dire à la fois : pourquoi pas avant ? et : pourquoi est-ce aujourd’hui indispensable ? Toutefois, on retiendra plutôt ce qui est dit de la nature de la physique sociale et de sa relation avec la politique, car Comte continue à vouloir une politique qui soit scientifique – position qu’il abandonnera par la suite pour faire de la politique un art, au sens aristotélicien, l’art de gouverner, qui s’appuie sur la science sociale comme l’art médical s’appuie sur la science biologique. À cet égard, il apparaît que la science sociale se réduit essentiellement à une théorie du progrès, ce que Comte appellera dynamique sociale, et que nous appellerions plus volontiers philosophie de l’histoire :
Elle se propose directement d'expliquer, avec le plus de précision possible, le grand phénomène du développement de l'espèce humaine, envisagé dans toutes ses parties essentielles ; c'est-à-dire de découvrir par quel enchaînement nécessaire de transformations successives le genre humain, en partant d'un état à peine supérieur à celui des sociétés de grands singes, a été conduit graduellement au point où il se trouve aujourd'hui dans l'Europe civilisée. L'esprit de cette science consiste surtout à voir, dans l'étude approfondie du passé, la véritable explication du présent et la manifestation générale de l'avenir.
L’articulation avec la politique en découle immédiatement puisqu’elle permet de
mettre en évidence, d'après les lois naturelles de la civilisation combinées avec l'observation immédiate, les diverses tendances propres à chaque époque. Ces résultats généraux deviennent, à leur tour, le point de départ positif des travaux de l'homme d'État, qui n'ont plus ainsi d'autre objet réel que de découvrir et d'instituer les formes pratiques correspondantes à ces données fondamentales, afin d'éviter, ou du moins d'adoucir autant que possible, les crises plus ou moins graves que détermine un développement spontané, quand il n'a pas été prévu.
Une fois déterminée la nature de la science sociale, la troisième livraison peut en explorer les conséquences pour l'histoire politique des savants. Elle se résume à la série : prêtre, philosophe, savant, qui double la loi des trois états et témoigne des progrès dans la division du travail intellectuel. Tout comme la science est fille de la métaphysique, par son caractère abstrait, et petite-fille de la théologie, dont elle poursuit la volonté explicatrice, le savant est le petit-fils du prêtre. Dans les anciennes théocraties, la classe sacerdotale remplissait simultanément les trois fonctions et il a fallu attendre les Grecs pour voir surgir tout d’abord une classe d’hommes voués à la seule existence philosophique, puis les premiers savants au sens moderne du terme, dont Archimède fournit déjà « le type parfait » (n. 10). — il est d’autant plus surprenant de constater que l’itinéraire de Comte a consisté à parcourir à rebours le chemin ici décrit. L’ancien polytechnicien finira grand-prêtre autoproclamé de la religion de l’Humanité et, à partir de 1848, se flattera d’avoir, dans le Cours, transformé la science en philosophie pour ensuite, dans le Système, transformer la philosophie en religion. Pour éviter tout contresens, on se souviendra toutefois que Comte a définitivement rompu le lien étroit qui, encore pour nous aujourd’hui, unit religion et théologie.
En 1825, Comte n’en est toutefois pas encore là. Il se contente de proposer
une troisième organisation du corps scientifique, qui correspond à l'état positif de la philosophie, comme l'organisation grecque à son état métaphysique, et comme l'organisation égyptienne ou asiatique à son état théologique. Les savants, parvenus enfin à construire leur philosophie propre, s'incorporeront de nouveau à la société pour en être les directeurs spirituels, suivant un mode absolument différent du mode théocratique. [p. 463]
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Annoncées dans les dernières lignes du texte, les Considérations sur le pouvoir spirituel seront publiées quelques mois plus tard dans le même Producteur. La crise cérébrale de Comte en 1826 viendra interrompre brutalement et durablement son activité et ce n’est qu’après avoir terminé le Cours, en 1842, qu’il pourra revenir à l’élaboration de la politique positive. Quant à la proposition faite aux savants, inutile de dire qu’elle n’a guère connu de succès. Déjà la 46e leçon du Cours dénonce l’indifférence du monde académique, à quoi viendront s’ajouter peu après des démêlés personnels avec les institutions scientifiques. Ayant renoncé à gagner les savants à la cause du positivisme, Comte se tournera vers les prolétaires puis, déçu par l’attitude de ceux-ci après 1848, finira par lancer, en 1855, un Appel aux conservateurs.
Les textes de jeunesse de Comte restent incontestablement parmi ce qu’il a écrit de meilleur. Sans préjuger de la question de l’unité de son œuvre, c’est là qu’on comprend le mieux ce qu’il a poursuivi toute sa vie et ils constituent à ce titre la meilleure introduction à sa pensée. On y voit bien par exemple que la science y est à la fois base et moyen, mais que le but est ailleurs : il est dans la politique.
[1]. Dans le but de montrer, contre ses détracteurs, l’unité de sa pensée, Comte a réédité cet opuscule, en compagnie de cinq autres, en appendice du dernier volume du Système de politique positive, en 1854. À cette occasion, le texte a été très légèrement modifié. D’ordinaire, c’est le texte de 1854, et non le texte original que nous donnons ici, qui est reproduit.
[2]. cf. la lettre à Valat du 24 novembre 1819, Corr. Gén. t.1, p. 59
[3]. Écrits de jeunesse, p. 318-320
[4]. Lettre à G. d'Eichthal, 24 novembre 1825, Corr. Gén. t.1, p. 172.
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