Actes du Ve congrès international de psychologie, tenu à Rome du 26 au 30 avril 1905, p. 507-509 (communication des auteurs présentée par le Dr H. Beaunis)
1906
Aux sources de l’invention de ces deux auteurs, ‘l’Échelle métrique de l’intelligence’, liée notamment aux débuts de la scolarité pour tous. Échelle qui sera assez vite utilisée outre-Atlantique (et déformée) via les ‘tests de quotient intellectuel (QI)’.
Alfred Binet (1857-1911) est un savant aussi célèbre que méconnu. Si son nom est resté inscrit dans l’histoire, avec celui de Théodore Simon (1873-1961), pour la création de la première Échelle métrique de l’intelligence, on en sait souvent peu sur sa vie, sa carrière et son travail. On ignore même souvent tout des conditions de création de son fameux test, précurseur de celui du Quotient Intellectuel, ainsi que des enjeux de ses développements.
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en novembre 1904, le ministre de l’Instruction publique Joseph Chaumié (1849-1919) institue par arrêté une Commission « chargée d’étudier la question des enfants anormaux »
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la méthode psychologique, la plus importante et la plus directe des trois, visait directement l’établissement d’une « échelle métrique de l’intelligence »; échelle qui permettait « non pas à proprement parler la mesure de l’intelligence, mais un classement, une hiérarchie des intelligences diverses »
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Binet et Simon pouvaient ainsi affirmer avoir démontré « qu’il est possible de constater d’une manière précise, vraiment scientifique, le niveau mental d’une intelligence, de comparer ce niveau au niveau normal, et d’en conclure par conséquent de combien d’années un enfant est arriéré »
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très rapidement l’échelle métrique de l’intelligence va connaître un succès international. Découvrant les travaux de Binet et notamment l’échelle métrique, Goddard, bien que d’abord sceptique sur son utilité, s’attacha, dès son retour aux États-Unis, à l’utiliser sur les enfants de son école. Il fut alors surpris de constater la coïncidence des résultats obtenus avec ses propres observations et diagnostics
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Mais si l’échelle métrique inventée par Binet et Simon a connu un tel engouement et un tel développement aux États-Unis, c’est au prix d’un certain nombre de transformations et d’adaptations. En effet, rapidement après son introduction sur le territoire américain, l’échelle va quitter le cadre de l’évaluation des enfants pour devenir un outil généralisé d’évaluation des populations dont les principes vont s’éloigner des ambitions et des exigences de Binet.
[ci-dessus extraits de l’article d’Alexandre Klein]
Après un doctorat en philosophie et histoire des sciences soutenu à l’Université de Lorraine en 2012 et portant sur la subjectivité dans la médecine contemporaine, Alexandre Klein a réalisé un postdoctorat à l’Université d’Ottawa (2013-2016), portant sur l’histoire de la désinstitutionnalisation psychiatrique au Québec. Il est aujourd’hui postdoctorant au département des sciences historiques de l’Université Laval à Québec, où il codirige un projet sur l’histoire du nursing psychiatrique dans la province de Québec. Il travaille en outre depuis 2008 à l’édition des archives du psychologue Alfred Binet et dirige, depuis 2012, le réseau de recherche Historiens de la santé qu’il a créé.
Alfred Binet (1857-1911) est un savant aussi célèbre que méconnu. Si son nom est resté inscrit dans l’histoire, avec celui de Théodore Simon (1873-1961), pour la création de la première Échelle métrique de l’intelligence, on en sait souvent peu sur sa vie, sa carrière et son travail. On ignore même souvent tout des conditions de création de son fameux test, précurseur de celui du Quotient Intellectuel, ainsi que des enjeux de ses développements. Pourtant, depuis sa mort prématurée en 1911, et plus encore au cours des deux dernières décennies, les travaux sur la vie, l’œuvre et les archives de ce psychologue français se sont multipliés, révélant à la fois les conditions exactes de création de cette fameuse Échelle, et surtout, au-delà, une œuvre vaste, plurielle et diversifiée qui joua un rôle majeur dans la fondation de la psychologie scientifique.
Figure 1 : Photographie d’Alfred Binet (WikiCommons, source inconnue).
C’est pour détailler ces deux facettes d’Alfred Binet – celle d’inventeur de la première échelle métrique d’intelligence et celle d’acteur majeur de l’établissement de la science psychologique –, mais aussi pour dépasser le paradoxe qui en fait à la fois le plus célèbre et peut-être le moins connu des psychologues, que nous nous proposons ici de revenir sur un texte aussi essentiel qu’anecdotique de son œuvre : son intervention au congrès international de psychologie de Rome en avril 1905. C’est en effet à cette occasion qu’il présente, pour la toute première fois, une nouvelle méthode d’étude de l’intelligence humaine dans laquelle figurait sa future échelle métrique, mais c’est également l’un de ses textes les moins importants peut-être, relativement à la création de l’Échelle ou même à son œuvre de psychologue. Il ne se rendit d’ailleurs même pas en personne à Rome pour le présenter. Ainsi, ce court texte de deux pages et demie incarne à lui seul l’essence de la figure binetienne et de sa réception par l’histoire des sciences, et nous permet donc un accès aussi original que singulier à l’œuvre du psychologue.
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Pour mener à bien cette étude, nous reviendrons tout d’abord sur la vie et la formation de Binet[1] afin de comprendre comment un avocat a pu en venir à se passionner pour la psychopédagogie. Nous nous attarderons ensuite sur la communication de Rome, en la mettant notamment en perspective avec une série d’articles, complémentaires, publiés par Binet la même année dans L’Année psychologique. Nous pourrons ainsi cerner les conditions d’apparition de ce projet de mesure de l’intelligence, et en préciser le contenu exact avant d’aborder son évolution (l’Échelle connait en effet deux autres versions en 1908 et 1911), ainsi que son devenir après la mort de Binet. Nous serons finalement en mesure de restituer l’Échelle métrique de l’intelligence dans son contexte historique et scientifique, tout en offrant un aperçu de l’œuvre plurielle d’Alfred Binet et sur son rôle dans l’histoire de la psychologie scientifique.
Alfred Binet, un savant curieux
Alfred Binet est né le 8 juillet 1857 à Nice, alors encore sous concordat italien, d’une mère artiste peintre (Moïna Allard) et d’un père médecin (Édouard Binet). En 1868, après la séparation de ses parents, il rejoint Paris avec sa mère pour poursuivre sa scolarité qu’il achèvera au Lycée Louis-le-Grand. Il s’engage ensuite dans des études de droit, obtient sa licence en 1878, puis débute son stage obligatoire d’avocat qu’il achèvera six ans plus tard. Le 19 février 1884, il apparaît ainsi pour la première fois au tableau des avocats du Barreau de Paris. Mais le 5 décembre de la même année, il écrit au Bâtonnier pour lui annoncer que des « circonstances indépendantes de [s]a volonté » le forcent « à regret » à « renoncer à [s]a profession d’avocat[2] ». Il faut dire que pendant ses six années de stage obligatoire, Binet a eu l’occasion de découvrir de nouveaux horizons et de développer de nouveaux intérêts. À la Bibliothèque Nationale de France qu’il fréquente assidument dès la fin des années 1870, il se familiarise avec les psychologies anglaise et allemande, alors popularisées par Théodule Ribot (1839-1916), et se passionne pour les travaux d’Hippolyte Taine (1828-1893) et de John Stuart Mill (1806-1873). Au début des années 1880, il rencontre par l’intermédiaire d’un ancien camarade de Louis-le-Grand, un certain Joseph Babinski (1857-1932), le médecin Charles Féré (1852-1907), qui l’introduit à l’hôpital de la Salpêtrière. Il y suit les enseignements du neurologue Jean-Martin Charcot (1825-1893)[3], alors au seuil de la consécration, et se forme à l’hypnose et à la psychopathologie des hystériques. Le 14 août 1884, c’est encore en tant qu’avocat au Barreau de Paris que Binet épouse Laure Balbiani (1857-1922), la fille du professeur d’embryologie au Collège de France Édouard Gérard Balbiani (1825-1899). Ils auront deux filles : Madeleine, née en 1885, et Alice, née en 1887. Pendant ce temps, Binet entame, sous la direction de son beau-père, des études de sciences biologiques qui le conduiront à soutenir, en 1894, une thèse de doctorat sur le système nerveux sous-intestinal des insectes.
Figure 2 : Le fameux tableau (1887) ‘Une leçon clinique à la Salpêtrière’, tableau d’André Brouillet (1857-1914). La patiente, Blanche Wittman, est soutenue par Joseph Babinski, lors de la leçon de Jean-Martin Charcot. Charles Féré apparaît assi, au milieu du tableau, avec sa longue barbe.
Mais pendant la décennie 1880, son intérêt se porte avant tout sur la psychopathologie. Binet étudie les hystériques de la Salpêtrière – dont la célèbre Blanche Wittmann (1859-1913) –, travaille sur la suggestion et les hallucinations et perfectionne la technique du transfert par aimant. En 1886, il publie un premier recueil de ses travaux intitulé La psychologie du raisonnement, puis l’année suivante un deuxième, en collaboration avec son ami Charles Féré, intitulé Le magnétisme animal et qu’il dédie à Charcot. En 1888, il fait finalement paraître ses Études de psychologie expérimentale où il reprend ses travaux tant biologiques que psychopathologiques, notamment son célèbre essai sur le fétichisme dans l’amour[4] publié l’année précédente dans la Revue Philosophique de la France et de l’Étranger dirigée par Ribot. En 1890, il présente ses premiers travaux sur la perception et l’intelligence des enfants, signe de son progressif détachement des problématiques purement psychopathologiques de la Salpêtrière. Mais il faut attendre 1891 pour que la carrière et la vie de Binet prennent un tournant décisif. C’est cette année-là qu’il croise, sur le quai de la gare de Rouen, le physiologiste Henry-Étienne Beaunis (1830-1921), éminent membre de l’École de Nancy qui s’opposait alors, autour de la question de l’hypnose et de la suggestion, à l’École de la Salpêtrière[5]. Celui-ci lui propose de rejoindre, à titre bénévole, son nouveau Laboratoire de psychologie physiologique ouvert à la Sorbonne en 1889 et rattaché à l’École Pratique des Hautes Études. Binet saisit sans hésiter cette nouvelle opportunité.
Tout en poursuivant sa collaboration avec Charcot, notamment autour de la question des calculateurs prodiges, ainsi que son travail de thèse sur la physiologie des insectes, Binet passe, au début de la décennie 1890, de plus en plus de temps au Laboratoire de la Sorbonne, au point de rapidement s’y imposer comme un élément essentiel. De simple préparateur bénévole, il est ainsi nommé dès 1892 directeur adjoint de ce laboratoire où il poursuit ses recherches sur les calculateurs prodiges Jacques Inaudi (1867-1950) et Diamanti, tout en engageant, avec Beaunis, mais aussi Jean Philippe (1862-1931), chef des travaux, ou Jules Courtier (1860-1938), chef adjoint, de nouvelles investigations sur l’audition colorée, la création artistique, la mémoire ou les temps de réaction. En juin 1894, il publie le résultat de ses recherches sur les joueurs d’échecs et les calculateurs prodiges qu’il dédie non pas à Charcot, pourtant mort l’année précédente, mais à Beaunis. Il faut dire que ce dernier est en passe de prendre sa retraite. Le 1er janvier 1895, Binet est ainsi officiellement nommé, à sa place, à la direction de ce laboratoire installé dans un petit appartement situé tout en haut de l’immeuble faisant l’angle entre la rue Saint-Jacques et la rue des Écoles. Il avait soutenu quelques mois plus tôt son doctorat de sciences naturelles et c’était déjà sans Beaunis, mais avec la majorité les membres du laboratoire – Courtier, Philippe et un élève nommé Victor Henri (1872-1940) – qu’il publiait en avril 1894 une Introduction à la psychologie expérimentale présentant les travaux menés dans ces locaux. Mais succession ne veut pas pour autant dire remplacement. On retrouve ainsi Beaunis à la direction, avec Binet, du premier volume de L’Année psychologique paru en 1895, journal dont Binet a eu l’idée l’année précédente pour remplacer le trop onéreux et pas assez ambitieux Bulletin du laboratoire – et qui se présente alors comme la première revue internationale entièrement consacrée à la psychologie expérimentale[9]. À la tête de son laboratoire et de sa propre revue, Binet a les mains libres, et ce bien que les financements lui manquent et que l’impossibilité pour son laboratoire de décerner des diplômes réduise drastiquement le nombre de ses élèves. Il peut alors explorer pleinement cette psychologie expérimentale normale qu’il entend pratiquer et faire reconnaitre comme science à part entière et dont il établit dès 1896 le programme sous le titre de « psychologie individuelle[10] ». Il multiplie donc les recherches et les objets d’étude pour tenter de comprendre et de décrire le fonctionnement des facultés supérieures de l’esprit humain que sont l’intelligence, la mémoire ou l’imagination. En 1898, il inaugure une « Bibliothèque de pédagogie et de psychologie » chez l’éditeur Schleicher en publiant avec Victor Henri un ouvrage sur la fatigue intellectuelle dans lequel il explore de nouveaux moyens d’approche de la vie psychique.
Figure 4 : L’ouvrage La Fatigue intellectuelle (1898)
Il poursuit également un autre projet éditorial, démarré l’année précédente, mais qui ne durera pas : la publication d’une autre revue intitulée L’Intermédiaire des biologistes et consacrée aux travaux de physiologie, de zoologie, de botanique et de psychologie[11]. Ses travaux portent alors pour beaucoup sur les apports et les limites de l’anthropométrie et des mesures physiques dans l’étude psychologique, notamment chez les enfants. Le volume de L’Année psychologique paru en 1898 contient ainsi 18 articles à ce sujet signés par Binet et l’un de ses élèves, venu de Roumanie, Nicolae Vaschide (1874-1907).
Au tournant du siècle, Binet fait finalement paraître, dans la bibliothèque qu’il a créée chez l’éditeur Schleicher, un ouvrage sur la suggestibilité dans lequel il affirme définitivement sa séparation avec l’hypnotisme et l’école de Charcot. Il y confirme au contraire son intérêt nouveau pour l’étude de la psychologie des enfants et pour la pédagogie, autant que sa volonté de cerner les méthodes aptes à mesurer, explorer et comprendre les fonctions supérieures de l’esprit (l’anthropométrie qu’il continue alors à investiguer ayant pour l’instant montré de nombreuses limites). C’est à cette même période qu’il débute une étude sur l’intelligence[12], dont les deux principaux sujets sont ses propres filles. Séparées de seulement dix-huit mois, ayant reçu une même éducation et vivant dans un même milieu, elles offrent en effet une occasion d’étude comparative rare. Pour cette enquête, dont les résultats paraîtront en 1903 sous le titre d’Étude expérimentale de l’intelligence, Binet multiplie les approches et les outils, faisant réaliser à ses filles toutes sortes d’exercices, plus ou moins complexes, afin d’étudier leur idéation, leur mémoire, leur temps de réaction, leur audition, leur capacité d’abstraction, ou leur sensibilité. Au cours de la même période, Binet fait également passer certains de ces tests à de jeunes écoliers parisiens. Il faut dire qu’il fait partie, depuis 1900, de la nouvelle Société Libre pour l’Étude Psychologique de l’Enfant (SLEPE), fondée en 1899 par Ferdinand Buisson (1841-1932), professeur de pédagogie à la Sorbonne. Comme à son habitude, Binet s’est rapidement rendu indispensable au sein de cette nouvelle structure réunissant principalement des pédagogues et des instituteurs, au point de s’en voir confier dès 1901 la présidence. Délaissant alors progressivement son laboratoire de la Sorbonne pour les écoles parisiennes, Binet mène, avec les membres de la SLEPE, de nombreuses recherches visant à établir les bases d’une pédagogie scientifique fondée sur les apports de la psychologie expérimentale. Pour ce faire, il crée rapidement, mais non sans rencontrer de résistances au sein de la Société, des commissions dédiées à l’étude des principales problématiques auxquelles cette psychopédagogie expérimentale pourrait éventuellement apporter des solutions. Composées chacune d’une dizaine de membres « motivés et volontaires à l’étude d’un problème déterminé[13] », elles sont au nombre de six en 1903. L’une d’entr’elles est dédiée à un problème qui est au cœur des préoccupations de Binet, comme de la Société et de plusieurs de ses membres : les enfants anormaux.
La commission Bourgeois
Cette commission ne va pas tarder à prendre position dans un débat qui agite alors la société française, celui sur le dépistage et la scolarisation des « arriérés ». Le 29 janvier 1904, elle émet en effet un avis exprimant son souhait que : 1) les enfants des écoles primaires réfractaires à l’enseignement, l’éducation ou la discipline soient soumis à un examen médico-pédagogique avant d’être renvoyés ; 2) qu’ils soient, si reconnus comme « anormaux perfectibles », rassemblés dans une classe spéciale annexée à l’école ou dans un établissement spécialisé ; 3) qu’une classe spéciale soit, pour l’exemple, ouverte à Paris[14]. Pour faire entendre cette voix, trois membres de la commission entament auprès des pouvoirs publics des démarches qui vont rapidement aboutir puisqu’en novembre 1904, le ministre de l’Instruction publique Joseph Chaumié (1849-1919) institue par arrêté une Commission « chargée d’étudier la question des enfants anormaux ». Il en confie la présidence à Léon Bourgeois (1851-1925), ancien président du Conseil des ministres, et invite Binet et d’autres membres de la SLEPE à y siéger.
Figure 5 : L’homme politique Léon Bourgeois, qui terminera sa carrière comme président du Sénat en 1921-1922.
Officiellement installée le 1er décembre 1904, la commission[15] se donne pour première tâche de recenser les enfants anormaux. Pour ce faire, elle confie à Binet le soin de rédiger, avec le Dr Désiré-Magloire Bourneville (1840-1909), un questionnaire à l’attention des directeurs et instituteurs des écoles du pays. Néanmoins se pose rapidement le problème des critères de détermination de l’anormalité qui étaient alors assez flous : on distinguait mal les « idiots » des « imbéciles » ou des « débiles » et on s’entendait alors difficilement sur le sens de la notion d’« arriération mentale ». Pour se soustraire à ces difficultés, Binet va proposer une définition simple et provisoire de l’anormal (« tout enfant qui ne peut profiter dans la mesure moyenne de l’enseignement donné par les méthodes de l’école commune[16] ») ainsi qu’une classification schématique regroupant cinq catégories : les aveugles, les sourds-muets, les anormaux médicaux, les arriérés et les instables. Malheureusement, les résultats de la consultation sont décevants et la commission ne parvient pas à en tirer de conclusions sérieuses : il est encore trop difficile d’identifier et donc de différencier les cas – il manque un outil de diagnostic fiable. La commission va alors demander à Binet de déterminer une méthode qui permette de dépister efficacement les « arriérés » et les « instables ». C’est ainsi que va naître l’Échelle métrique de l’intelligence. Mettant à profit les travaux qu’il mène à ce sujet depuis les années 1890, et notamment, depuis 1899 dans le cadre de sa collaboration avec Théodore Simon (dont la thèse de médecine soutenue en 1900 et réalisée en collaboration avec Binet portait sur l’étude céphalométrique de 300 garçons arriérés de la colonie de Perray-Vaucluse où il réalisait son internat), Binet ne mettra que six mois à produire ce nouvel outil en étudiant les enfants hospitalisés dans le service du Dr Jules Voisin (1844-1920) à la Salpêtrière et ceux scolarisés dans différentes écoles parisiennes. En avril 1905, il est donc à même de présenter ses nouvelles méthodes de diagnostic différentiel des anormaux, résultat de quinze années de recherches.
Figure 6 : Vue de la colonie de Perray-Vaucluse. Cet établissement, ouvert en 1869, est situé à Sainte-Geneviève-des -Bois (aujourd’hui Essonne) et existe toujours.
L’Échelle métrique de l’intelligence et ses versions
Le texte de Rome
Pourtant, le 28 avril 1905, ni Binet, qui considère les congrès comme « vaines parlottes[17] », ni Simon ne sont à Rome pour présenter leurs « Méthodes nouvelles pour diagnostiquer l’idiotie, l’imbécilité et la débilité mentale ». C’est Henry Beaunis qui se charge de donner lecture de leur texte de deux pages et demie[18] devant l’assemblée de la troisième session du Ve Congrès international de psychologie présidée par le professeur Enrico Morselli (1852-1929). Il commence par rappeler qu’en France, la question de l’éducation et de l’instruction des enfants arriérés et instables a conduit de nombreux chercheurs à se pencher sur ces problèmes, et que c’est dans ce contexte de demande sociale que les deux auteurs de cette note ont engagé leurs recherches sur la distinction des enfants normaux et anormaux et sur les moyens de la déterminer au mieux. Il fait ensuite mention de la rareté des outils à disposition, précisant qu’on ne trouvait jusqu’alors dans les travaux sur l’idiotie « que des définitions très vagues sur les différents degrés d’infériorité mentale[19] », et que rien ne permettait donc d’évaluer et de différencier clairement l’idiotie, de l’imbécilité et de la débilité. Les paliers et les différences n’étaient, dans ces travaux, marqués que par des jugements qualificatifs des plus subjectifs (« l’attention est meilleure, le jugement est plus sûr, les sens sont moins obnubilés ») qui n’assuraient pas une pratique sûre et effective. D’ailleurs, le Dr Emmery Blin (1863-1930), médecin à la Colonie Perray-Vaucluse où Simon avait fait son internat, avait constaté qu’un même enfant pouvait faire l’objet de trois diagnostics différents (idiot pour l’un, débile pour l’autre, dégénéré pour le troisième) selon le médecin qui l’avait pris en charge.
Pour pallier cette situation, les deux auteurs avaient donc décidé d’étudier la question « d’après nature » en allant observer des enfants normaux et anormaux dans des écoles primaires parisiennes et dans le service du Dr Voisin à la Salpêtrière. Sur la base de ces observations, ils ont développé une « méthode de diagnostic différentiel » qui doit d’une part servir à identifier clairement les enfants idiots, imbéciles ou débiles, et d’autre part permettre aux « Commissions qui [se] prononceront sur l’admission des enfants dans les écoles spéciales[20] » de distinguer avec exactitude les enfants normaux et des enfants anormaux. Cette méthode de diagnostic différentiel est composée de trois parties distinctes, mais complémentaires : une psychologique, une pédagogique et une médicale.
Figure 7 : Théodore Simon (1873-1961), ca 1907. Ce médecin aliéniste fut le créateur de l’Échelle métrique avec Binet, et l’auteur avec lui de nombreux articles (courtoisie Société Binet-Simon).
La première, la méthode psychologique, est, selon ses auteurs, la plus importante, car l’idiotie, l’imbécilité et la débilité sont avant tout caractérisées par une déficience intellectuelle et non par quelques tares physiologiques. Tout comme, précisent Binet et Simon en se référant explicitement aux travaux du criminologue italien Cesare Lombroso (1835-1909), le criminel ne peut être identifié par des données anthropométriques ou des constantes physiques, mais se qualifie par des tendances psychologiques, c’est la psychologie (et non l’anthropométrie) « qui doit avant tout fournir les signes caractéristiques et différentiels de l’idiot, de l’imbécile et du débile[21] ». La méthode psychologique va donc comme suit : elle se compose d’une suite d’épreuves bien précises et de difficulté croissante incluant l’ensemble des manifestations intellectuelles depuis la plus élémentaire qui est, selon les deux auteurs, la fixation du regard sur un objet en mouvement. Ainsi, les différents enfants arriérés peuvent être définis en fonction des épreuves qu’ils parviennent ou non à accomplir. L’idiot est ainsi « le sujet incapable de reconnaître des objets familiers […] qu’on lui nomme, et qu’on place devant lui, ou les détails familiers d’une image qu’on place devant ses yeux en les nommant[22] ». Il ne dépasse donc pas, de ce fait, le stade d’un enfant de deux ans. L’imbécile est lui dans l’incapacité d’effectuer certaines tâches simples comme répéter 6 chiffres, trouver des rimes, ou répéter une phrase de 15 mots entendue une seule fois, comme peuvent le faire des enfants de plus de cinq ans. Le débile, enfin, est un « sujet incapable de trouver une réponse intelligente à une question abstraite », son niveau est celui d’un enfant de 9 ans. Pour les autres enfants, comme ceux rencontrés dans les écoles, il faut, affirment Binet et Simon, tenir compte de leur âge pour distinguer les normaux des anormaux. Ces derniers auront en effet un retard, entre leur âge effectif et le niveau de leur capacité intellectuelle, d’au moins deux ans. Ainsi, la méthode psychologique, qui constitue la part la plus importante de la méthode de diagnostic différentiel des enfants anormaux et arriérés, est une échelle métrique de l’intelligence. Elle ne peut toutefois être utilisée seule, et doit être associée à deux autres méthodes, certes de moindre importance, mais néanmoins incontournables.
La méthode pédagogique consiste, elle, à étudier la somme de connaissances possédée par un enfant pour voir s’il entre dans la moyenne des enfants de son âge, puis à s’intéresser à sa scolarité pour préciser si des absences pourraient expliquer son retard. Elle permet ainsi de distinguer l’arriéré, qui « avec une scolarité suffisante, présente une instruction en retard de 2 ans sur les enfants normaux du même âge », de l’ignorant dont le retard est dû à une scolarité « tout à fait défectueuse ».
Enfin, la méthode médicale, « la plus longue et la plus laborieuse », consiste pour sa part à mesurer les fonctions physiologiques, à relever les « maladies concomitantes » et les traces de dégénérescence qui pourraient affecter l’enfant, puis à comparer les déficiences physiologiques constatées à la moyenne des tares et des déficiences relevées chez les normaux ou chez les anormaux en construisant des tableaux de comparaison. Elle vient finalement contrebalancer les examens psychologique et pédagogique. En effet, un problème de myopie ou de surdité par exemple pourrait aisément fausser la scolarité ou les tests psychologiques qui nécessitent une bonne vue pour analyser les images et une bonne audition pour entendre les phrases ou les suites de chiffres énoncées. C’est à ce titre que le diagnostic différentiel des enfants anormaux, et en leur sein, des idiots, des imbéciles, des débiles et des arriérés nécessite la combinaison des trois méthodes. D’ailleurs, affirment Binet et Simon en conclusion de leur texte, les premiers essais d’applications de ces méthodes dans les écoles parisiennes ont déjà donné des « résultats satisfaisants ».
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La séance de questions qui eut lieu à la suite de cette communication vit intervenir des spécialités du diagnostic des anormaux, comme le neurologue français Paul Sollier (1861-1933), auteur en 1891 d’une Psychologie de l’idiot et de l’imbécile, et de fins connaisseurs du travail de Binet dont le psychologue italien Giulio Cesare Ferrari (1867-1932) qui était déjà depuis plusieurs années un élève de Binet[23], ou Henri Piéron (1881-1964), un ancien étudiant du Laboratoire de la Sorbonne parti poursuivre sa formation auprès d’Édouard Toulouse (1865-1947) à Villejuif[24]. Si l’on n’a malheureusement pas connaissance de la nature des échanges qui s’y déroulèrent, il est certain que plusieurs des possibles questions posées sur les trois méthodes de diagnostic – et notamment sur la fabrication de cette échelle d’intelligence – furent résolues lorsque parut, en juillet 1905, le nouveau volume de L’Année psychologique. Celui-ci contenait en effet trois articles de Binet et Simon, couvrant plus de 170 pages, qui revenaient en détail sur cette triple méthode de diagnostic différentiel et marquaient la naissance officielle de l’Échelle métrique de l’intelligence.
Figure 8 : La revue L’Année psychologique (créée par Binet), de 1894 à nos jours.
Les articles de L’Année psychologique
Le premier article[25] était consacré aux raisons ayant conduit à la création de la méthode de diagnostic différentiel des anormaux. Il revenait tout d’abord sur la création de la commission Bourgeois, puis sur le manque de clarté des définitions des notions d’imbécillité, d’idiotie et de débilité et sur les difficultés que cela engendrait dans la pratique aliéniste et pédagogique. Les auteurs insistaient sur le fait qu’une simple unification ne pouvait suffire et qu’il fallait surtout fournir une méthode d’examen claire pour que tous s’entendissent, non tant sur la définition, mais sur la différence entre un imbécile, un idiot et un débile. Ce qui faisait défaut, ainsi que les auteurs le démontraient ensuite au cours d’une étude historique passant en revue les travaux de Jean-Étienne Esquirol (1772-1840), de Bourneville, de Voisin, de Sollier, puis de Blin et de son élève Henry Damaye (1876-1952), c’est « une base de précise de diagnostic différentiel » (p. 168).
Le second article reprenait et détaillait les trois méthodes, psychologique, pédagogique et médicale, permettant de diagnostiquer le niveau intellectuel des anormaux. Il explicitait, alors pour la première fois, le fait que la méthode psychologique, la plus importante et la plus directe des trois, visait directement l’établissement d’une « échelle métrique de l’intelligence[26] »; échelle qui permettait « non pas à proprement parler la mesure de l’intelligence […], mais un classement, une hiérarchie des intelligences diverses[27] » à un instant T. Puis, il décrivait précisément cette échelle et son usage. Après avoir précisé les conditions de déroulement du test, insistant notamment sur le silence du lieu et l’attitude rassurante et bienveillante de l’expérimentateur, les deux auteurs décrivaient en détail la série de 30 épreuves, de la plus élémentaire à la plus complexe, à laquelle le sujet devait se soumettre :
Ils détaillaient ensuite la manière de noter les réponses à ces épreuves, ainsi que leurs causes, dans le tableau de suivi. Le reste de l’article était finalement consacré à un rapide exposé de la méthode pédagogique et de la méthode médicale.
Enfin, le troisième et dernier article visait à montrer « comment ces méthodes se comportent quand elles sont aux prises avec les faits[28] ». Il s’attachait en fait plus spécifiquement à l’application de la méthode psychologique, l’échelle métrique de l’intelligence, à des enfants normaux de trois, cinq, puis sept à onze ans, à des anormaux hospitalisés, idiots, imbéciles et débiles, et enfin à des anormaux d’école primaire (trois débiles de huit à treize ans). Il décrivait ainsi précisément les cas étudiés et les recherches menées avec l’aide de l’Échelle métrique de l’intelligence dans les écoles parisiennes et à la Salpêtrière. En conclusion, Binet et Simon pouvaient ainsi affirmer avoir démontré « qu’il est possible de constater d’une manière précise, vraiment scientifique, le niveau mental d’une intelligence, de comparer ce niveau au niveau normal, et d’en conclure par conséquent de combien d’années un enfant est arriéré[29] ».
La fin de la commission
La commission Bourgeois sembla en tout cas satisfaite de ce nouvel outil puisque dès la fin 1905, et à la lumière de ces recherches, elle acheva ses travaux en émettant une recommandation sur la création de classes annexes et d’écoles autonomes « de perfectionnement », selon la formule choisie par Binet pour sa neutralité et son optimisme, pour prendre en charge les enfants anormaux[30]. Sa voix fut entendue puisque ces vœux furent repris dans un projet de loi déposé par Aristide Briand (1862-1932) en juin 1907. Enfin, le 15 avril 1909, la loi instaurant la possibilité de créer ces structures fut promulguée, avant d’être complétée le 25 août de la même année par un décret instituant le certificat d’aptitude à l’enseignement des enfants arriérés, un diplôme destiné aux instituteurs candidats à travailler dans ces nouvelles classes annexes ou écoles de perfectionnement. Entre temps, Binet et Simon avaient fait paraître, dès 1907, un Guide pour l’admission des Enfants anormaux dans les classes de Perfectionnement[31], préfacé par Léon Bourgeois et détaillant les résultats des travaux de la commission. Il donnait notamment des définitions de l’enfant anormal, de l’arriéré et de l’instable, précisait le rôle de l’instituteur, de l’inspecteur primaire et du médecin dans l’application des examens pédagogique et médical des anormaux, avant de rendre compte des résultats des premières enquêtes menées à ce sujet et de détailler les rendements scolaire et social de ces nouvelles écoles de perfectionnement. Il faut dire que, suite à la parution de l’Échelle métrique de l’intelligence, Binet et Simon avaient activement poursuivi leurs investigations en vue d’améliorer ce premier travail qui, même s’il était le fruit de plusieurs années de recherches[32], était à leurs yeux encore imparfait, rempli « [d]es erreurs inévitables d’un premier travail, qui est tout de tâtonnement[33] ».
Pour ce faire, Binet avait ouvert, à l’automne 1905, dans une école de la rue Granges-aux-Belles à Paris, et avec la complicité de son directeur Victor Vaney (1859-1938), un Laboratoire-École[34], afin de mettre en relation davantage encore l’Échelle métrique de l’intelligence avec les faits, et d’en améliorer tant le contenu que l’usage. Il avait également sollicité les avis de collègues psychologues et pédagogues, les invitant à utiliser sa méthode de diagnostic et à lui rendre compte de leurs impressions. C’est ainsi que le pédagogue belge Ovide Decroly (1871-1932) avait fait paraître dès 1906, avec sa collègue Julia Degand, une contribution critique[35] sur l’échelle métrique de l’intelligence. C’est ce qui permit à Binet et Simon de faire paraître, en 1908, une nouvelle version, plus aboutie, de cette dernière.
Figure 9 : Binet (à dr.) et Simon (à g.) dans le laboratoire-école de la rue Grange-Aux-Belles, ca 1907 (courtoisie Société Binet-Simon).
L’échelle de 1908 et sa reprise de 1911
C’est sous le titre « Le développement de l’intelligence chez l’enfant » que fut publiée, en tête du volume de L’Année psychologique de juillet 1908, cette nouvelle version de l’échelle. L’article de plus de 90 pages reprenait le même objectif, mais s’organisait différemment de ceux de 1905. Il s’inscrivait dans un programme d’étude vaste que les deux hommes définissaient en ces termes : « tout d’abord chercher à connaitre la loi du développement intellectuel des enfants, et à imaginer une méthode permettant de doser leur intelligence ; en second lieu, nous étudierons la diversité de leurs aptitudes intellectuelles[36] ». Mais au lieu de présenter à nouveau la série des épreuves, en se contentant d’apporter des détails sur leur usage, ou d’en signaler de nouvelles, Binet et Simon choisirent d’y présenter leur échelle selon les âges de l’enfant, de 3 à 13 ans. À chaque âge correspondait une série d’épreuves et de résultats attendus, permettant ainsi d’évaluer l’enfant en fonction de la moyenne des enfants de son âge. On pouvait donc définir des niveaux intellectuels correspondant à des âges, autrement dit un âge mental propre à chaque enfant. Le changement était majeur, puisque, comme le résume Serge Nicolas : « L’instrument grossier de dépistage est devenu un test qui permet de faire une hiérarchie parmi les enfants normaux[37] ».
C’est cette même forme que reprendra la troisième et ultime version de l’échelle parue en 1911 dans le Bulletin de la SLEPE. Cette publication ne présentant que le test, sans autre appareil théorique, il faut chercher dans un autre article de Binet, signé seul celui-ci et paru la même année dans L’Année psychologique, les raisons de cette troisième version. Binet y explique que la version de 1908 a fait l’objet d’éloges autant que de critiques, citant notamment les travaux des Américains Henry H. Goddard (1866-1957) et Guy Montrose Whipple (1876-1941) et que certains points devaient donc être améliorés. Il précise alors comment certaines épreuves ont été modifiées, d’autres ajoutées ou retirées. Le résultat de ces modifications est une échelle uniformisée présentant, pour chaque âge, cinq épreuves[38] :
6 ans. 10 ans.
Distinguer matin et soir. Ordonner 5 poids.
Définir par l’usage. Copier dessin de mémoire.
Copier losange. Critique de phrases absurdes.
Compter 13 sous simples. Comprendre des questions difficiles.
Comparer 2 figures esthétiques. Loger 3 mots en 2 phrases.
7 ans. 12 ans.
Main droite. Oreille gauche. Résister à une suggestion de lignes.
Décrire une gravure. Loger 3 mots en une phrase.
Exécuter 3 commissions. Dire plus de 60 mots en 3 minutes.
Compter 9 sous simples et doubles. Définir trois mots abstraits
Nommer 4 couleurs. Comprendre une phrase désarticulée
8 ans. 15 ans.
Comparer 8 objets de souvenir. Répéter 7 chiffres.
Compter de 20 à 0. Trouver 3 rimes.
Indiquer lacunes de figures. Répéter une phrase de 26 syllabes
Donner la date du jour. Interpréter une gravure.
Répéter 5 chiffres. Résoudre un problème de faits divers.
9 ans. Adulte.
Rendre 20 sous. Comprendre un découpage.
Définir supérieurement l’usage. Construire un triangle.
Reconnaitre les 9 pièces de notre Distinguer des mots abstraits.
Monnaie. Résumer la pensée d’Hervieu.
Résoudre la question du Président
Énumérer les mois.
Comprendre les questions faciles.
La mort prématurée de Binet, en octobre 1911, fera de cette troisième version, pourtant assez peu différente de celle de 1908, la version de référence. Elle sera d’ailleurs réimprimée avec quelques modifications, en 1917, sous la forme d’un petit ouvrage qui fera l’objet de plusieurs rééditions et de nombreuses traductions à travers le monde. Car très rapidement l’échelle métrique de l’intelligence va connaître un succès international. Dès sa parution, l’échelle a fait, nous l’avons signalé, l’objet de travaux, d’usages et de critiques de la part de psychologues et de pédagogues allemands[39], anglais[40], belges[41] ou italiens[42]. Mais c’est certainement aux États-Unis qu’elle va connaître la plus importante réception et le destin le plus singulier.
La réception américaine et l’invention du QI
Parvenu de l’autre côté de l’Atlantique dès 1906, le volume de L’Année psychologique contenant les trois articles fondateurs de 1905 ne rencontra pas, au départ, un vif succès auprès des psychologues américains. Peu d’entre eux y portèrent effectivement attention. Il fallut attendre 1908 et la venue en Europe du psychologue Henry H. Goddard, directeur de la Vineland Training School for Backward and Feebleminded Children dans le New Jersey, pour que les choses changent. Découvrant les travaux de Binet et notamment l’échelle métrique à travers les travaux de Decroly auquel il est venu rendre visite, Goddard, bien que d’abord sceptique sur son utilité, s’attacha, dès son retour aux États-Unis, à l’utiliser sur les enfants de son école. Il fut alors surpris de constater la coïncidence des résultats obtenus avec ses propres observations et diagnostics, et se décida donc à publier, dès la fin de l’année 1908, un article au sujet des tests de 1905 dans le journal de son école The Training School Bulletin[43].
Figure 10 : Le psychologue américain Henry Goddard (1866-1957) (WikiCommons)
À mesure de son utilisation, Goddard était convaincu de la pertinence de l’échelle métrique. En janvier 1910, il fit ainsi paraître, toujours dans le périodique de son institution, la première traduction, réalisée par Élisabeth S. Kite (1864-1954), de l’échelle de 1908, standardisée pour l’usage américain[44]. Il précédait ainsi de quelques mois seulement la publication de la traduction d’Edmund B. Huey (1870-1913)[45], directeur du département de psychologie clinique à la Lincoln State School and Colony dans l’Illinois où l’échelle était également activement utilisée depuis qu’il l’avait découverte lors d’un voyage à Paris[46]– et imposait ainsi sa version comme version de référence. Elle restera d’ailleurs la plus utilisée aux États-Unis, même après la publication par Binet de la version de 1911[47] traduite dès l’année suivante par Clara Harrison Town (1874-?)[48]. En 1916, lorsque Goddard publia finalement la traduction établie par Kite des textes fondateurs de 1905, 1908 et 1911 parus dans L’Année psychologique[49], il affirmait avoir déjà distribué plus de 22000 exemplaires de sa traduction de 1910[50]. Il était en effet parvenu, en quelques années seulement, à imposer à la fois le test de Binet et Simon comme un outil psychologique incontournable et Vineland comme le principal centre de pratique, d’apprentissage et de promotion de l’échelle métrique aux États-Unis. En 1914, on comptait ainsi plus de 254 titres se référant à l’échelle métrique aux États-Unis. Mais à mesure que les recherches se multipliaient, des critiques et des propositions d’améliorations virent le jour.
Le Binet-Stanford
En 1912, Lewis Madison Terman (1877-1956), alors professeur associé d’éducation à Stanford University, publia avec l’un de ses étudiants gradués une étude expérimentale sur les tests de Binet dans le Journal of Educational Psychology[51]. L’ambition de cette série de quatre articles était claire et affichée dès le titre : il s’agissait d’une tentative de révision et d’extension de l’échelle métrique. Elle annonçait l’ouvrage que Terman publia seul en 1916, The Measurement of Intelligence, et dans lequel il proposait une nouvelle échelle nommée Stanford-Binet. Cette dernière qui s’étendait jusqu’aux « adultes supérieurs » contenait désormais 90 tâches (et non plus 54 comme celle de Binet en 1911). Reprenant l’expression de « quotient d’intelligence » proposée en 1912 par le psychologue allemand William Stern (1871-1938) pour décrire le rapport de l’âge mental à l’âge chronologique[52], Terman multipliait ce quotient, qu’il avait abrégé sous la forme « QI », par 100 pour éviter les fractions. Il avait ainsi forgé le premier « test de QI ». Son échelle connut un vif succès, au point de devenir le standard de tous les autres tests psychologiques qui se devaient d’y être corrélés pour affirmer leur crédibilité. Devenue la référence de la mesure d’intelligence aux États-Unis, elle ne connut une révision qu’en 1937, de la main de Terman lui-même[53]. Entre temps, les tests d’intelligence avaient eu le temps de se populariser, notamment grâce à la campagne de tests menée sur plus d’un million et demi de conscrits en 1917, à l’initiative du président de l’American Psychological Association de l’époque, Robert M. Yerkes (1876-1956). Au sortir de la guerre, de nombreuses institutions, que ce soit des universités ou des entreprises, utilisaient ainsi les tests d’intelligence pour assurer leur recrutement.
Les conditions d’un succès
Mais si l’échelle métrique inventée par Binet et Simon a connu un tel engouement et un tel développement aux États-Unis, c’est au prix d’un certain nombre de transformations et d’adaptations. En effet, rapidement après son introduction sur le territoire américain, l’échelle va quitter le cadre de l’évaluation des enfants pour devenir un outil généralisé d’évaluation des populations dont les principes vont s’éloigner des ambitions et des exigences de Binet. Dès 1910, Goddard avait ainsi adapté, à la demande de l’administration américaine, les tests de Binet et Simon afin de pouvoir identifier les déficients mentaux parmi les immigrants arrivant à Ellis Island. Dans ce cas, comme dans celui de l’évaluation des futurs soldats, une standardisation des tests et de leur passation s’avérait indispensable. Là où Binet préconisait du temps, de la patience et d’infimes précautions cliniques pour faire passer aux enfants son test dans les meilleures conditions, les psychologues américains vont eux produire des tests normalisés, pouvant être passés rapidement par un très grand nombre d’individus, de manière quasi automatique. Pour ce faire, ils vont notamment quantifier (c’est aussi l’un des objectifs du QI) les réponses aux épreuves de manière à pouvoir les analyser au moyen d’outils statistiques, automatisant et standardisant ainsi les tests d’une manière très efficace. Le niveau intellectuel évalué par Binet en termes d’années fut ainsi remplacé par un score qui correspond au total de points obtenus au passage d’un grand nombre d’épreuves. Si l’évaluation qualitative passait ainsi à la trappe (et avec elle une conception pluridimensionnelle de l’intelligence), cette quantification des tests d’intelligence permettait une comparaison plus aisée des individus entre eux, qui servait les intérêts héréditaristes et eugénistes de psychologues américains[54]. Une chose est sûre, désormais, le test d’intelligence ne s’inscrivait plus tant dans un contexte de recherche scientifique que dans un contexte d’usage social et l’utilisation des tests d’intelligence n’impliquait plus nécessairement une réflexion sur la définition et le sens de cette notion complexe. Le test était devenu un outil utilisable indépendamment de toute réflexion sur l’objet qu’il entendait mesurer[55].
Le destin de l’échelle métrique en France
Pendant que les tests de Binet et Simon connaissaient un succès d’ampleur sur le continent américain[56], la France leur réservait un tout autre accueil. L’échelle métrique a en effet été assez peu utilisée et plutôt mal accueillie dans son pays d’origine. Tout d’abord elle n’a, de manière assez surprenante, pas été utilisée par ses auteurs dans le cadre de la sélection pour les classes de perfectionnement si ce n’est pour trancher quelques cas litigieux. Le guide pour l’admission des enfants anormaux dans les classes de perfectionnement, que Binet et Simon font paraître en 1907 sous le titre Les Enfants anormaux, est en effet centré sur l’examen médical et l’examen pédagogique. L’examen psychologique n’y apparait, rapidement, que comme une partie de l’examen pédagogique à réaliser par l’inspecteur primaire. L’échelle métrique est bien citée dans le chapitre 2 sur la psychologie des anormaux, mais c’est seulement comme un instrument de recherche permettant de fixer les aptitudes les plus fréquentes des anormaux. Autrement dit, elle n’est pas utilisée dans ce guide comme une épreuve fondamentale permettant la sélection pour l’entrée en classe de perfectionnement, alors même qu’elle avait été créée pour dépister les arriérés.
Figure 11 : Réédition contemporaine (L’Harmatta, Encyclopédie psychologique, 2008) de l’ouvrage Les Enfants anormaux de Binet et Simon (1907).
Michel Huteau[57] explique que si Binet et Simon ont minimisé le rôle de l’échelle dans leur guide, c’est parce qu’ils n’étaient pas satisfaits de la première version de 1905, mais aussi parce qu’ils se seraient rendu compte qu’il était irréaliste de demander aux inspecteurs de faire passer cette épreuve longue, complexe et nécessitant une formation psychologique. En outre, ils entendaient ainsi apaiser les débats qui avaient pris naissance avec le corps médical. Au final, il faudra finalement attendre les années 1960, et la révision du test Binet-Simon pour que l’échelle joue un rôle plus important dans la sélection pour les classes de perfectionnement. Il faut dire qu’entre-temps, l’échelle métrique fit, en France, l’objet de plus de critiques que d’éloges.
Les critiques des médecins
Fondée sur une critique sévère des classifications et définitions des aliénistes, l’Échelle métrique d’intelligence a d’emblée rencontré une résistance forte de la part du corps médical qui voyait d’un mauvais œil un psychologue et un jeune psychiatre remettre en question tant leurs travaux que leur monopole. Il faut dire que Binet et Simon n’avaient pas ménagé leurs critiques, n’hésitant pas associer la pratique clinique des médecins à un « empirisme grossier » que l’on nomme tact médical et qui cache « l’ignorance, le laisser-aller et la présomption[58] ». Ils ont également, nous l’avons vu, consacré l’ensemble de leur premier article de 1905 dans L’Année psychologique à montrer la faiblesse et l’inutilité de tous les systèmes explicatifs développés par les aliénistes dont ceux de leurs contemporains Sollier et Blin. En voulant défendre le rôle de la psychologie dans le diagnostic des anormaux, Binet et Simon se sont donc opposés frontalement aux médecins. À cet égard, le conflit le plus célèbre reste certainement celui qui opposa, dès les débuts de la commission Bourgeois, Binet à Bourneville. Tandis que le psychologue militait pour la création de classes de perfectionnement comme annexes de l’école, le médecin, défendant le rôle des aliénistes, considérait avant tout ces nouvelles structures comme des annexes de l’asile. Le conflit fut aussi radical que violent, au point que le Guide de 1907 en porte encore les traces. On y voit en effet apparaître, chose surprenante pour un guide pratique, des attaques explicites contre le travail mené par Bourneville à Bicêtre[59]. Mais Binet et Simon ne s’étaient pas mis à dos que les médecins. Une partie des psychologues, incluant ceux qui allaient devenir les piliers de la psychologie française, étaient en profond désaccord avec Binet et contribuèrent donc au mauvais accueil réservé à son Échelle.
L’opposition des psychologues
Face au Laboratoire de psychologie physiologique de la Sorbonne que dirigeait Binet, le psychologue Édouard Toulouse (1865-1947) avait créé en 1897 un Laboratoire de psychologie expérimentale à Villejuif, au sud de Paris. Mieux équipé et plus dynamique que celui de Binet, il avait rapidement attiré plusieurs de ses élèves, dont Vaschide et Piéron, qui avaient dès lors perdu, aux yeux du créateur de l’Échelle, toute considération[60]. Mais l’opposition entre les deux structures de recherche relevait surtout de la théorie, Toulouse défendant un associationnisme psychologique que Binet avait dépassé pour privilégier l’étude des fonctions supérieures de l’esprit à celles des seules sensations (l’associationnisme faisant découler, par association, toutes les fonctions psychologiques des sensations). C’est ce qui explique que l’Échelle métrique n’ait pas suscité de vif intérêt dans l’équipe de Villejuif, alors même qu’elle avait fait paraître l’année précédente (1904) un recueil de tests psychologiques intitulé Technique de psychologie expérimentale. Les deux groupes avaient des postures épistémologiques opposées qui les empêchaient de collaborer et favorisaient le rejet par les uns du travail des autres. Ainsi, Binet ne fera que très peu référence à la Technique, si ce n’est pour en affirmer le caractère « suranné », tandis que l’équipe de Villejuif ne cita pas l’Échelle dans la réédition de sa Technique parue en 1911. Or, à la mort de Binet, c’est Piéron, son ancien élève et fidèle disciple de Toulouse qui reprendra tant le Laboratoire de la Sorbonne que L’Année psychologique, avant devenir l’un des plus importants psychologues français du xxe siècle en créant l’Institut de psychologie et en entrant au Collège de France. Il contribuera ainsi à faire oublier la psychologie exploratoire, globale et centrée sur l’étude des fonctions supérieures de Binet au profit d’une psychologie scientifique élémentariste, positiviste et à l’épistémologie des plus réductionnistes[61]. Seule la SLEPE, devenue Société Alfred Binet en 1917, et son président Théodore Simon continueront à faire connaître l’Échelle métrique de l’intelligence et à valoriser ses apports auprès des instituteurs français et du monde de l’éducation, notamment à travers des formations, des rééditions multiples[62] et la publication d’études dans son bulletin mensuel.
Les Nouvelles Échelles Métriques de l’Intelligence
Si Simon fut en effet le gardien de la mémoire et du travail de son ami Binet, il le fut à la manière d’un conservateur de musée, interdisant toute modification de l’Échelle de 1911 et refusant même que l’on attribue à tout autre test ou version de ce test le nom de Binet-Simon. C’est pour cette raison que le psychologue René Zazzo (1910-1995) intitula Nouvelle Échelle Métrique de l’Intelligence (NEMI), la version révisée du test Binet-Simon qu’il fit paraitre[63] en 1966. Ce travail avait commencé en 1946, avec la rectification de courbes de développement d’enfants arriérés que Lucie-Renée Bonnis avait réalisée en 1926 pour son doctorat sur la base du test Binet-Simon. Il s’était poursuivi en 1948-1949 par la réalisation d’un réétalonnage du test sur 550 enfants de 3 à 12 ans testés dans des écoles parisiennes. Suite à ce travail d’ampleur, Zazzo avait constaté le trop bas niveau de certaines épreuves, ainsi que l’affaiblissement de la sensibilité du test après 10 ans, ce qui le conduisit à envisager une amélioration du test, notamment les épreuves concernant les enfants de 10 à 14 ans. S’inspirant des tests américains dont le Binet-Stanford et la Wechsler Intelligence Scale for Children[64], il proposa de nouvelles épreuves abstraites et conceptuelles fondées sur la généralisation de subtests, ces sous-tests internes au test général et qui permettent de mesurer des aptitudes spécifiques à partir de tâches particulières. Le succès de la NEMI fut immédiat en France, particulièrement auprès des psychologues scolaires. C’est ce qui explique qu’à la fin du xxe siècle, l’éditeur de la NEMI sollicita le psychologue Georges Cognet pour réactualiser cette échelle et l’adapter aux enfants de l’époque qui n’étaient plus ceux des années 1960. En partenariat avec Bianca Zazzo (1915-2007), la femme du créateur de la NEMI – elle-même psychologue –, Cognet travailla donc à l’adaptation de l’échelle de 1966. La NEMI-2 parut finalement quelques semaines avant le décès de Mme Zazzo en janvier 2007[65]. Tout en se fondant sur les processus mentaux définis par Binet[66], la NEMI-2 rompait totalement avec l’esprit des échelles précédentes en proposant un ensemble composite de tests formant sept épreuves (dont quatre obligatoires), qui ne se présentent plus en fonction de l’âge des enfants. Les mêmes épreuves sont désormais offertes à des enfants d’âge différents, renouvelant, cent ans après Binet, les modalités de l’étude de l’intelligence.
Conclusion
En créant une Échelle métrique de l’intelligence, Binet et Simon entendaient tant contribuer à l’évolution d’une science de l’esprit en pleine formation que faire œuvre d’utilité sociale en répondant au problème très concret de la scolarisation des enfants anormaux. Le succès de leur outil a démontré qu’ils comblaient ici un vrai manque et qu’ils étaient parvenus à mettre sur pied un instrument efficace d’étude scientifique des fonctions supérieures de l’esprit. De ce point de vue, nul doute qu’ils ont participé à faire entrer la psychologie dans une ère nouvelle, tant en termes de scientificité qu’en termes d’objet d’étude et de champ d’application. Pour autant, l’Échelle métrique de l’intelligence s’inscrivait avant tout dans un programme général de recherche qui visait à étudier dans son ensemble la vie de l’homme mental et à faire de cette psychologie normale une science à part entière, fondée sur un expérimentalisme propre et distinct tant de la psychopathologie et de son modèle médical, que de la philosophie et de son subjectivisme introspectif. Bref, elle était partie prenante de l’œuvre plurielle, foisonnante et originale qui fut celle de Binet. Or, son succès mondial, comme son « rejet » français, s’est fait au prix d’un abandon des principes épistémologiques, mais aussi éthiques qui animaient Binet et qui déterminèrent son œuvre. Si cet état de fait n’a eu, en France, que des conséquences sur la définition du domaine psychologique et sur l’évolution de ses méthodes, il a eu, ailleurs dans le monde et notamment aux États-Unis, des conséquences bien plus importantes en termes de respect des droits et de la dignité de la personne. À une heure où la psychologie, comme les sociétés occidentales, semble se chercher, vacillant pour ce faire d’un extrême à l’autre, il semblait bon de rappeler que si Binet croyait effectivement en une utilité sociale directe et effective de la science de l’esprit – utilité dont il entendait notamment faire la preuve avec son Échelle –, c’était bien pour lutter contre les discriminations sociales attachées à la pauvreté, la maladie ou ce qu’on nomme aujourd’hui le handicap et pour contribuer à ce rêve qui animait la Belle Époque, celui de mettre la science au service de l’amélioration de la société humaine.
(décembre 2016)
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[1]. Sur la vie et de l’œuvre d’Alfred Binet, voir Klein et Thomine, 2014, ainsi que Andrieu et Klein, 2011. La liste de ses travaux, ainsi que des versions numériques de la majorité d’entre eux, sont accessibles en ligne.
[2]. Lettre d’Alfred Binet au bâtonnier Jules Le Berquier, 5 décembre 1884 (Klein, 2011, p. 43).
[3]. [NdÉ] Sur Charcot, voir analyse BibNum d’un de ses textes par Hélène Combis, décembre 2014 (en ligne).
[4]. En 1887, Binet fait paraître un article en deux parties dans la Revue philosophique de France et de l’étranger (p. 143-167 et 252-274) revenant sur les travaux de Charcot et Valentin Magnan (1835-1916) concernant le fétichisme, cette perversion qui conduit certains « dégénérés » à ressentir une excitation génitale intense à la vue de certains objets inanimés. Dépassant la simple exposition de cas et sortant du cadre purement psychopathologique, Binet montre que tout le monde est plus moins atteint d’une sorte de fétichisme dans l’amour et définit un petit fétichisme (normal) et un grand fétichisme (pathologique). Le fétichisme ne se distingue en effet de l’amour que par degré, tant l’amour est déjà une forme de fétichisme atténué. De plus, le fétichisme n’est pas inné, il est acquis, même si l’hérédité joue un rôle dans le développement du fétichisme pathologique. Ce nouveau regard va être au fondement des développements de la psychologie de l’amour et des travaux sur les perversions menés notamment par le psychiatre austro-hongrois Richard von Krafft-Ebing (1840-1902).
[5]. L’École de Nancy voyait dans l'hypnose un simple sommeil produit par la suggestion et susceptible d'applications thérapeutiques variées, alors que celle de la Salpêtrière considérait que l'hypnose est un état pathologique spécifique propre aux hystériques et permettant donc d’étudier cette pathologie. Bernheim, chef de file de l’École de Nancy, pensait que les effets de l’hypnose pouvaient tout aussi bien être obtenus à l'état de veille par la suggestion, selon une méthode qu'il désigna alors du nom de « psychothérapie ». À ce sujet, voir Serge Nicolas, 2004.
[6]. Binet, A. et Féré, Ch., 1885, « L’hypnotisme chez les hystériques », Revue Philosophique de la France et de l’Étranger, 19, janvier, p. 1-25.
[7]. Delbœuf, J., 1890, Le magnétisme animal, À propos d’une visite à l’école de Nancy, Paris, Félix Alcan.
[8]. Bernheim, H., 1885, « Notes et discussions - L’hypnotisme chez les hystériques », Revue Philosophique de la France et de l’Étranger, 19, p. 311-316.
[9]. La revue existe toujours. http://www.necplus.eu/action/displayJournal?jid=APY
[10]. Binet, et Henri, 1896 ; Binet, 1897.
[11]. A ce propos, voir, Andrieu, 2002.
[12]. Voir à ce propos Andrieu, 2011.
[13]. Avanzini, 1969, p. 61.
[14]. « Commission des anormaux », Bulletin de la SLEPE, n°15, février 1904, p. 407.
[15]. Sur l’histoire de cette commission, voir Vial et Hugon, 1998.
[16]. Binet et Simon, 1907, p. 61.
[17]. Lettre à/s d’Alfred Binet à Édouard Claparède, 25 février 1910 (Klein, 2011, p. 172).
[18]. Binet et Simon, 1905a.
[19]. Ibid., p. 507-508.
[20] Ibid., p. 508.
[21]. Ibid., p. 508.
[22]. Ibid., p. 509.
[23]. À ce propos, voir Zocchi, 2014.
[24]. Sur la vie et l’œuvre de Piéron, voir Gutierrez, Martin et Ouvrier-Bonnaz, 2016.
[25]. Binet et Simon, 1905b.
[26]. Binet et Simon, 1905c, p. 194.
[27]. Ibid., 194-195. Le terme métrique fait justement référence à cette possibilité de réaliser une mesure des degrés d’intelligence.
[28]. Binet et Simon, 1905d, p. 245.
[29]. Ibid., p. 336.
[30]. Travaux de la commission ministérielle des anormaux, Bulletin de la SLEPE, n°28, janvier 1906, p. 56-61.
[31]. Binet et Simon, 1907.
[32]. Nicolas et al. (2014) ont retracé l’origine de chaque épreuve, montrant qu’elles ont fait l’objet de recherches s’étalant sur dix voire quinze ans.
[33]. Binet et Simon, 1905c, p. 336.
[34]. À ce propos, voir Ouvrier-Bonnaz, 2011.
[35]. Decroly O. & Degand. Julia, « Les tests de Binet et Simon pour la mesure de l’intelligence. Contribution critique », Archives de psychologie, VI, juillet-août 1906, n° 21-22, p. 27-130.
[36]. Binet & Simon, 1908, p. 2.
[37]. Nicolas, 2005, p. 34.
[38]. Binet, 1911, p. 147.
[39]. Par exemple, Bobertag, 1911-1912.
[40]. Par exemple, Johnston, 1910.
[41]. Particulièrement, Decroly et Degand, 1906.
[42]. Par exemple, Trêves et Saffiotti, 1911.
[43]. Goddard, 1908.
[44]. Selon Kite, n.d., p. 23.
[45]. Huey, 1910.
[46]. Selon Popplestone et White McPherson, 1984, p. 244.
[47]. Davies, 1923.
[48]. Town, 1912.
[49]. Binet et Simon, 1916.
[50]. Goddard, 1916, p. 6.
[51]. Terman et Childs, 1912.
[52]. Stern, 1912.
[53]. Terman et Merril, 1937.
[54]. Henry H. Goddard et Clara Harrison Town, les principaux introducteurs des tests de Binet aux États-Unis étaient des eugénistes convaincus et reconnus. Voir à ce propos, Farreras, 2014, Zenderland, 1998 et Gould, 1981.
[55]. Martin, 1997, p. 49-66.
[56]. Leurs travaux ont fait également l’objet d’adaptation au Canada (et notamment au Québec), mais également aux États-Unis et au Brésil ; trois pays où Simon se rendra d’ailleurs en 1928 dans le cadre d’un voyage américain.
[57]. Huteau 2005, p. 49.
[58]. Binet et Simon, 1905b, p. 242-243.
[59]. Notamment p. 143, 181, 183 et 186.
[60]. Voir à ce propos, Huteau, 2008 et Klein, 2016.
[61]. Sur les oppositions théoriques et épistémologiques entre Binet et Piéron, voir Klein, 2016.
[62]. Serge Nicolas a identifié des éditions successives en 1921, 1926, 1938, 1947, 1951, 1954, 1959, 1961, 1965, 1966, 1972 (communication personnelle).
[63]. Zazzo, Gilly et Verba-Rad, 1966.
[64]. Créée par le psychologue américain David Wechsler (1896-1981) en 1949.
[65]. Cognet, 2006.
[66]. Cognet, 2011.
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