« De toute façon, c'est trop compliqué pour des humains ; j'aurais préféré ne jamais avoir entendu parler de physique ». C'est en ces termes que s'exprimait le physicien suisse Wolfgang Pauli (1900-1958) devant les problèmes posés par la désintégration radioactive des noyaux atomiques. Ces propos précédaient de quelques mois la lettre expédiée par Pauli à ses collègues physiciens, lettre de laquelle est partie l'aventure des neutrinos, ces particules insaisissables qui bombardent la Terre en permanence et qui, chaque seconde, traversent notre corps par millions de milliards.
Figure 1 : Surnommé le « fléau de Dieu » en raison de son esprit critique mais inspiré, le physicien Wolfgang Pauli reçut le prix Nobel de physique en 1945.
Pénurie d’énergie
L’histoire du neutrino débute au tournant du siècle dernier, peu après la découverte de la radioactivité par Henri Becquerel, en 1896. Les noyaux radioactifs se désintègrent spontanément en un noyau plus stable grâce à l’éjection d’une particule : particule α (noyau d’hélium) dans le cas de la radioactivité α, électron dans le cas de la radioactivité β
(1). Mais alors que la particule α emportait l'intégralité de l’énergie libérée par la réaction, les électrons, éjectés avec des vitesses très variées, n'en emportaient qu'une partie. Les expériences effectuées par les Allemands Lise Meitner et Otto Hahn dès 1911, puis par l’Anglais James Chadwick à partir de 1914, avec une version primitive du compteur Geiger, avaient montré que leur énergie prenait n’importe quelle valeur entre zéro et la valeur attendue.
Figure 2 : Spectre de répartition des électrons observés lors de la radioactivité β d’un noyau de bismuth. Les électrons émis par radioactivité β emportent des énergies variables, comprises entre zéro et la valeur attendue : en abscisse, l’énergie cinétique observée ; en ordonnée, le nombre d’électrons émis (image de G. Neary, Roy. Phys. Soc, A175, 71, 1940). La barre bleue (ajoutée à l’image originelle) représente l’énergie « attendue » – différence des énergies entre le noyau de départ Bi210 (anciennement radium E) et celui d’arrivée Po210 (famille radioactive de l’uranium 238 et du radium).
Ce spectre continu d’énergie représentait un véritable casse-tête pour les physiciens. Lise Meitner l'avait d'abord mis sur le compte d’un ralentissement inhomogène des électrons dans la source radioactive. Selon elle, l'énergie perdue avait été convertie en chaleur. Malheureusement, des mesures calorimétriques ultra-précises, réalisées en 1927, avaient montré qu'il n'en était rien. Si bien que des personnalités de premier plan, comme le Danois Niels Bohr, en étaient venues à remettre en question le principe de conservation de l’énergie, au niveau atomique tout du moins.
L'idée de Pauli
Seul celui qui ose gagne. Wolfgang Pauli
Le physicien suisse d’origine autrichienne Wolfgang Pauli, professeur à l’École polytechnique de Zürich, ne partageait pas l’opinion de Bohr. Filleul d'Ernst Mach et fils spirituel d'Einstein, Pauli s’était déjà taillé une solide réputation dans le domaine de la mécanique quantique en formulant en 1925 le principe d’exclusion qui porte son nom et selon lequel deux électrons d’un même atome ne peuvent coexister dans le même état.
Pour sauver la conservation de l’énergie et sortir la physique de l’impasse où elle se trouvait, Pauli avait imaginé une solution originale : et si l’énergie manquante était emportée par une petite particule neutre, de masse infinitésimale, voire nulle, et donc quasi impossible à détecter par les voies habituelles ? Ne souhaitant pas communiquer officiellement cette hypothèse audacieuse, Pauli glissa celle-ci dans une lettre datée du 4 décembre 1930 et adressée aux « Mesdames et Messieurs radioactifs », autrement dit à ses collègues physiciens et physiciennes qui devaient se réunir à Tübingen, en Allemagne. Et pour montrer le peu de sérieux que lui-même accordait à son idée, Pauli embrayait sur le motif de son absence au congrès : un bal mondain auquel il avait été convié. L’année suivante, en juin 1931, lors d’une conférence donnée à Pasadena, en Californie, Pauli se risqua à exposer en public son idée de particule fantôme, baptisée « neutron » en raison de son absence de charge électrique – ce qu’on appelle aujourd’hui neutron ne sera découvert que l’année suivante. Mais il refusa catégoriquement que le texte de l'allocution fût imprimé et diffusé.
Sauver les statistiques à tout prix
Outre la sauvegarde du principe de conservation de l'énergie, l’introduction de la particule fantôme de Pauli résolvait le problème des statistiques, c'est-à-dire des lois décrivant, dans le cadre de la mécanique quantique, les comportements d’ensemble de particules microscopiques. Les protons et les électrons, seuls constituants de l'atome alors connus, avaient été rangés parmi les fermions car obéissant à la statistique de Fermi-Dirac selon laquelle leur moment cinétique de spin
(2) ne pouvait être que demi-entier. Les photons qui constituaient la lumière suivaient quant à eux la statistique de Bose-Einstein qui leur attribuait un spin entier. Un consensus s'était par ailleurs établi autour du modèle atomique du physicien néo-zélandais Ernest Rutherford :
Z électrons négatifs en mouvement autour d'un noyau dense constitué de A protons positifs et de
(A-Z) électrons, ceci afin de sauvegarder la neutralité électrique de l'ensemble. La présence d'électrons dans le noyau ne choquait pas, la radioactivité β libérant précisément des électrons !
Là où le bât blessait était qu’en additionnant les moments magnétiques de spin des A protons et des (A-Z) électrons, le spin total du noyau devait être demi-entier dès lors que 2A-Z était impair. Or un noyau comme l’azote, qui renfermait 14 protons et (14-7) électrons, soit 21 particules en tout, possédait un spin entier ! De même que le lithium 6, dont le noyau était censé posséder 6 protons et 3 électrons ! L’ajout dans le noyau d’un « neutron » de Pauli, classé parmi les fermions et donc doté d'un spin demi-entier, résolvait élégamment le problème en palliant la « mauvaise » statistique.
Où le « neutron » devient neutrino
En janvier 1932, quelques mois après l'intervention de Pauli, Frédéric et Irène Joliot-Curie soumettaient une cible de béryllium au bombardement de particules α, obtenant un rayonnement très pénétrant, capable d'arracher des protons aux substances hydrogénées. Les deux physiciens pensaient se trouver en présence de photons γ mais, la même année, James Chadwick montra que ce rayonnement issu des noyaux de béryllium était constitué de particules neutres, de masse voisine de celle du proton
(3). L’existence dans les noyaux atomiques de ces nouvelles entités, baptisées neutrons elles aussi, conduisait à une révision complète du modèle atomique. S’inspirant d’une idée de l’Italien Ettore Majorana (1906-1938), le physicien allemand Werner Heisenberg suggéra que le noyau était constitué de
Z protons et de
A-Z neutrons. La charge des
Z électrons en mouvement autour du noyau était compensée par celle des
Z protons. Dès lors il n'y avait plus aucune raison de supposer l’existence d’électrons dans le noyau pour assurer la neutralité électrique de l’atome. Ni d'y introduire la particule fantôme de Pauli pour obtenir un spin entier et « sauver les statistiques » : les noyaux d’azote et le lithium comprenaient bien un nombre pair de fermions, 14 dans le premier cas (7 protons et 7 neutrons) et 6 dans le second (3 protons et 3 neutrons).
Figure 3 : Le congrès Solvay de 1933 (22-29 octobre 1933, Bruxelles). Ce sera le dernier congrès avant la Seconde Guerre mondiale. Pour citer quelques-uns des savants évoqués dans cet article : à gauche Irène Joliot-Curie est assise entre Schrödinger et Bohr, son mari est debout derrière elle, sa mère Marie Curie étant assise à l’angle formé par la table. L’autre femme présente, à droite, est Lise Meitner, entre Louis de Broglie et Chadwick (à l’extrême-droite, assis). Enrico Fermi est debout, à droite de Bohr (et debout à gauche de Bohr on trouve Heisenberg). Wolfgang Pauli est debout au centre, légèrement décalé à droite, avec un costume trois pièces gris clair apparent.
En 1933, le Congrès de Solvay de Bruxelles, consacré à la découverte du neutron, entérina la carte d’identité du noyau. Le physicien italien Enrico Fermi à qui l'on avait demandé à cette occasion si le neutron de Chadwick était le même que celui de Pauli, avait répondu : « Non, le neutron de Pauli est beaucoup plus petit : c’est un neutrino. ». Le « neutron » de Pauli devint donc le neutrino, mot qui signifie « petit neutre » en italien. L’année suivante, Fermi, qui avait d'emblée adhéré aux vues de Pauli, écrivait un article où il exposait et développait une théorie expliquant la radioactivité β par l’intervention d’une force nucléaire nouvelle, de faible intensité et de portée réduite : l’interaction faible. Celle-ci se traduisait par la conversion d’un neutron en proton via l’émission d’un électron et d’un neutrino. L’article de Fermi, refusé par la revue britannique Nature au motif qu’il contenait des « spéculations trop éloignées de la réalité physique », parut dans une revue italienne de moindre renommée avant d’être publié en allemand dans le numéro de mars 1934 du périodique Zeitschrift für Physik.
Figure 4 : Wolfgang Pauli, Werner Heisenberg, Enrico Fermi, sur le lac de Côme. (© Usual Archives, F.D. Rasetti , AIP Emilio Segré)
À l'affût du neutrino
La quantité de réel la plus ténue jamais imaginée par un être humain.
Fred Reines
Pourquoi tardait-on tant à mettre en évidence ces neutrinos, « qu'on aurait dû voir si réellement ils existaient » ? Leur masse faible, voire nulle, les rendait difficiles à intercepter. Leur neutralité électrique les rendait insensibles à l’action d'un champ électrique ou d'un champ magnétique, si bien qu'ils se faufilaient partout. Les calculs établissaient que des neutrinos d'énergie moyenne pouvaient traverser des épaisseurs d’une centaine d’années-lumière avec seulement 50% de chances d'être absorbés.
Pour espérer en capturer quelques-uns, il fallait disposer d’importantes sources de neutrinos. Les choses ne commencèrent à évoluer que dans les années cinquante, avec les premiers essais nucléaires. Après avoir un temps caressé l’espoir de détecter les neutrinos émis en abondance lors de l’explosion des bombes atomiques, les Américains Clyde Cowan (1919-1974) et Frederick Reines (1918-1998) se rabattirent sur les réacteurs nucléaires civils. Après un premier essai à Hanford, dans l’état de Washington, en 1953, le projet dit Poltergeist se concrétisa par l’installation d’un réservoir de 400 litres d’eau additionnée de chlorure de cadmium, à proximité immédiate de la centrale nucléaire de Savannah River, en Caroline du Sud. D'après les calculs effectués par Cowan et Reines, une collision entre un neutrino et un proton d'une molécule d'eau produisait un électron positif, ou positon, et un neutron. Le positon s’annihilait immédiatement avec un électron en produisant deux photons gamma. Le neutron, quant à lui, subissait des collisions sur les noyaux légers avant d’être capturé par un atome de cadmium, grand absorbeur de neutrons, couramment utilisé dans les barres de contrôle des réacteurs nucléaires. Au bout de quelques microsecondes, le cadmium à son tour émettait un photon gamma en se désexcitant. Au total, les scintillateurs organiques liquides, sensibles au rayonnement gamma, produisaient trois minuscules éclairs, que des tubes photomultiplicateurs transformaient en impulsions électriques. À la grande satisfaction de Reines et Cowan, la nouvelle version de l’appareil, moins sensible au bruit de fond que celle de Hanford, détectait des neutrinos, à un rythme de 2 à 3 par heure. On expédia un télégramme portant la bonne nouvelle à Pauli et à Fermi. On était en 1956 : Pauli avait gagné, mais on ignorait encore tout de la masse du neutrino.
Figure 5 : Fred Reines (à g.) et Clyde Cowan (à dr.) lors de l’expérience Hanford en 1953 (photo University of California at Irvine). Reines reçut le prix Nobel de physique en 1995 pour la découverte du neutrino (Cowan était mort en 1974).
Je ne crois pas que Dieu soit gaucher (Wolfgang Pauli)
Dans les années 1930, le physicien anglais Paul Dirac avait suggéré l'existence d'antimatière faisant pendant à la matière. Selon Dirac, toutes les particules possédaient une antiparticule, de même masse qu'elles, mais de spin et de charge opposés. Dès lors qu'une particule rencontre son antiparticule, celles-ci s’annihilent mutuellement, produisant du rayonnement sous forme de deux photons gamma, renvoyés dos-à-dos. L’antiparticule de l’électron e- est le positon e+, découvert en 1932 par l’Américain Carl Anderson. L’antiparticule du neutrino ν est l’antineutrino . La radioactivité naturelle β-, qui concerne les noyaux ayant trop de neutrons, se traduit par la transformation d'un neutron en proton via l’émission d’un électron et d’un antineutrino. La radioactivité artificielle (4) β+, découverte en 1934 par Irène et Frédéric Joliot-Curie et qui affecte les noyaux ayant un surplus de protons, se matérialise par la transformation d'un proton en neutron via l’émission d’un positon et d’un neutrino. Dans ses expériences, Reines avait mis en évidence l’antineutrino, qui diffère du neutrino par son spin ou hélicité, c’est-à-dire le sens de rotation de la particule en mouvement. Jusqu’ici on a toujours observé des neutrinos gauches et des antineutrinos droits, ce qui viole le principe de parité, selon lequel tout phénomène physique existe en deux versions, images l’une de l’autre dans un « miroir ». À moins que le neutrino ne soit sa propre antiparticule, hypothèse suggérée par l’énigmatique physicien italien Ettore Majorana. Pour en avoir le cœur net, les physiciens des particules se penchent sur un type rare de radioactivité, la double désintégration β, qui se traduit par l’émission de deux électrons et de deux antineutrinos. Si le neutrino était sa propre antiparticule, il existerait des cas où les deux antineutrinos s’annihileraient. Les expériences NEMO, dont la dernière en date, NEMO3 à Modane, vient d’être arrêtée le 11 janvier 2011, ont examiné des centaines de millions d’événements. En pure perte jusqu’ici !
La famille des neutrinos s’agrandit
En postulant l'existence du neutrino, Pauli ne soupçonnait pas que celui-ci pût exister en plusieurs versions. En 1936, quatre ans après la découverte de l'électron positif, ou positon, l’Américain Carl Anderson récidivait en détectant le muon dans les gerbes de particules engendrées par l'arrivée des rayons cosmiques dans la haute atmosphère. Le muon fut rangé dans la famille des leptons, avec l’électron dont il est une variante plus lourde et moins stable. La radioactivité β- produisait des neutrinos électroniques, associés à l’électron. La désintégration des muons cosmiques suggérait donc l’existence d’une nouvelle variété de neutrinos, associés au muon. En 1962, le neutrino muonique était mis en évidence au laboratoire de Brookhaven, à New-York. Il fallut ensuite patienter jusqu'en 2000 pour que soit détecté, au laboratoire Fermi de Chicago, le neutrino tauique, dont on avait soupçonné l'existence suite à la découverte d’un troisième lepton, le tau, sorte d’électron superlourd. Le neutrino tauique est la douzième et dernière particule élémentaire du modèle standard de l’architecture de la matière. Selon cette théorie, la matière est constituée de douze briques fondamentales : six quarks et six leptons, qui sont l'électron, le muon, le tau et leurs neutrinos associés. Les neutrinos interviennent notamment dans les réactions de production et de destruction des leptons, via l'interaction faible.
Figure 6 : Première observation mondiale d’un neutrino dans une chambre à bulles à hydrogène liquide, au Laboratoire d’Argonne, au sud-ouest de Chicago, en 1970. Un neutrino (muonique) est impliqué dans la réaction de production d’un muon par collision avec un proton (© Argonne, National Laboratory).
L'énigme des neutrinos solaires
Non contents de se décliner en trois variétés (ou saveurs, électronique, muonique et tauique), les neutrinos peuvent muer et passer d'une forme à l'autre, propriété mise en évidence grâce aux neutrinos solaires, dont la pénurie a taraudé la communauté scientifique pendant une bonne trentaine d’années.
Dès 1920, l'astrophysicien anglais Arthur Eddington avait suggéré que l’énergie des étoiles était d’origine nucléaire. En 1938 Hans Bethe proposait un modèle de réactions de fusion transformant l'hydrogène en hélium. Ce cycle de réactions, appelé « proton-proton », car amorcé par la fusion de deux noyaux d'hydrogène, produit un nombre impressionnant de neutrinos qui traversent indemnes la matière solaire, contrairement aux photons qui se dégradent en passant de l’intérieur à l’extérieur de l'astre, oubliant ainsi leur origine. Les neutrinos nous livrent un message intact des conditions physiques, de température notamment, qui règnent au centre du Soleil. Mais bien que notre planète en reçoive, chaque seconde, soixante-six milliards par centimètre carré, leur absence d’interaction avec la matière rend leur capture malaisée. Pour tenter d'en détecter quelques-uns, Raymond Davis (1914-2006, prix Nobel de physique 2002), du Brookhaven National Laboratory de New-York et John Bahcall (1934-2005), de l'Institut de Princeton, imaginèrent, dans les années soixante, une gigantesque citerne taillée dans la roche d'une mine d’or abandonnée du Dakota du Sud, à Homestake, à 1,5 kilomètre de profondeur, loin du bruit de fond des particules cosmiques. La citerne, entourée d’eau destinée à absorber les rayonnements parasites, fut remplie de 400 000 litres de perchlorétylène, liquide de nettoyage riche en atomes de chlore. Environ une fois par jour, un neutrino interagissait avec un atome de chlore 37, transformant un de ses neutrons en proton, selon le processus
créant de l'argon 37, détectable par sa radioactivité gamma. Mais, après plus de vingt ans de fonctionnement, le dispositif persistait à ne donner qu'un tiers des neutrinos prévus par le modèle de structure interne du Soleil. À la consternation générale, deux tiers des neutrinos manquaient à l’appel ! À partir des années 1990, les détecteurs « Alsace-Lorraine », dans lesquels du gallium 71 se transformait en germanium 71, opération requérant moins d’énergie que le passage du chlore à l’argon, affichaient un déficit de 40 % pour les neutrinos solaires de basse énergie, créés lors de la première étape du cycle « proton-proton ». Les détecteurs Cerenkov leur emboîtèrent le pas. Contrairement à leurs prédécesseurs, qui se bornaient à compter les neutrinos, ces détecteurs nouvelle génération donnaient accès à l'énergie des neutrinos et à leur direction incidente, permettant ainsi de vérifier leur provenance. Les neutrinos solaires y interagissaient avec les protons de l’eau en émettant un électron de vitesse supérieure à celle de la lumière dans l'eau. Ce phénomène, baptisé effet Cerenkov, se traduisait par l'émission d'un cône lumineux bleuté, équivalent optique du cône de Mach engendré par un avion en vol supersonique.
Figure 7 : Image du Soleil en neutrinos, prise à travers la Terre, avec un temps de pose de 503,8 jours (Institute for Cosmic Ray Research, Tokyo). Alors qu’il faut plusieurs dizaines de milliers d’années aux photons pour s’évader du cœur du Soleil, les neutrinos ne mettent pas plus de deux secondes pour émerger de l’astre, révélant en temps réel, ou presque, les conditions physiques régnant en son centre. Le flux de neutrinos augmente du bleu au rouge, mettant en évidence l’intense production de neutrinos issus des réactions de fusion thermonucléaire au cœur du Soleil. La faible définition de l’image, qui couvre un huitième du ciel, fait que le Soleil apparaît nettement plus gros qu’en lumière photonique.
Les métamorphoses des neutrinos
Les seuls neutrinos détectables dans les expériences radiochimiques des débuts étaient les neutrinos électroniques. Mais, les neutrinos issus des réactions thermonucléaires du Soleil appartenant précisément à cette catégorie, on voyait mal comment expliquer le déficit enregistré. Le désaccord provenait-il de l’imperfection des modèles solaires théoriques ou de propriétés inconnues des neutrinos ? Bahcall résumait la situation en affirmant que « quelque chose clochait dans le Soleil, ou dans les neutrinos, ou alors dans ce que les chercheurs croyaient savoir d'eux ».
Le physicien soviétique d’origine italienne Bruno Pontecorvo (1913-1993), qui avait fait ses premières armes aux États-Unis, puis en Angleterre où il fut soupçonné d’être un agent du KGB, fut parmi les premiers à émettre l’idée que les neutrinos pouvaient changer de nature. En 1969, sous la houlette de Pontecorvo, un groupe de physiciens de l'Académie des sciences d'URSS développait une théorie selon laquelle, au cours de leur périple vers la Terre, un certain nombre de neutrinos électroniques de haute énergie s’étaient transformés en neutrinos muoniques, de plus basse énergie et donc indétectables dans les expériences du type de celle de Homestake. Les neutrinos pouvaient osciller d'un état à un autre : la probabilité d'une métamorphose était fonction de leur masse, de leur énergie et de la distance parcourue depuis leur formation. En 1985, les Soviétiques Stanislas Mikheyev et Alexei Smirnov allaient encore plus loin. S'inspirant des travaux de l'Américain Lincoln Wolfenstein, les deux hommes affirmaient que les oscillations étaient amplifiées en présence de matière. Selon leur théorie, dite SMW, la densité au centre du Soleil était suffisante pour que les deux tiers des neutrinos électroniques produits aient pu se changer en neutrinos muoniques dans la demi-seconde passée dans le cœur de l'astre. Sensibles à tous les types de neutrinos, les détecteurs de l’Observatoire de Sudbury, dans l’Ontario, au Canada, ont confirmé cette métamorphose dès 2001.
Figure 8 : Le détecteur Sudbury, sphère de 12m de diamètre. Grâce au réservoir d'eau lourde, les 9600 détecteurs de l'Observatoire de Sudbury, au Canada, détectent les trois saveurs de neutrinos. À droite, vue d’artiste de l’environnement physique : le détecteur est protégé des rayons cosmiques par la roche environnante (@SNO Observatoire de Sudbury).
La détection de neutrinos à Sudbury
Sudbury détecte tous les neutrinos solaires, grâce à de l’eau lourde c’est-à-dire de l’eau où l’hydrogène ordinaire est remplacé par du deutérium, dont le noyau comporte non seulement un proton, mais aussi un neutron. Quelque mille litres d’eau lourde ont été enterrés dans la mine désaffectée de Creighton, à plus de deux kilomètres de fond, dans une sphère d’acrylique de cinq centimètres d’épaisseur et de douze mètres de diamètre. Le réservoir a été immergé dans un bain d’eau légère ultra-pure, chargée d’absorber le rayonnement parasite émis par les roches avoisinantes, qui servent de blindage contre les rayons cosmiques. L'interaction par courant chargé (cf. figure 9), spécifique aux neutrinos électroniques, et la diffusion électronique se traduisent par l’émission de cônes de lumière Cerenkov, enregistrés par une dizaine de milliers de photomultiplicateurs insérés dans le plastique de cellules hexagonales.
Figure 9 :
Détection de neutrino électronique (méthode du courant chargé). Le neutrino rencontre le deutérium ; le neutron est transformé en proton, et le neutrino en électron – il devient ainsi détectable par effet Cerenkov (image Sudbury, Carleton University, Ottawa, Canada
(5))
L’interaction par courant neutre (cf. figure 9 bis) des trois sortes de neutrinos avec le deutérium libère le proton et neutron de celui-ci. Capturé par le chlore 35, le neutron conduit à la formation d'un noyau de chlore 36 qui émet un rayonnement gamma.
Figure 9bis : Détection de neutrino (méthode du courant neutre). Le neutrino rencontre le deutérium et, par un autre médiateur de l’interaction faible (le boson Z et non le boson W comme précédemment) sépare le proton et le neutron du deutérium. Le neutron interagit avec le 35Cl produisant des photons gamma (image Sudbury, Carleton University, Canada)
Le système détermine le taux l’énergie et la direction des neutrinos émis au cœur du Soleil. Il fonctionne presque continuellement et accumule des données depuis novembre 1999. La fréquence de détection ne dépassant guère un événement toutes les heures, plusieurs journées sont nécessaires pour collecter les données d’analyse.
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Les neutrinos électroniques ne sont pas les seuls à pouvoir changer d'identité en cours de route. Dès 1998, le détecteur Super-Kamiokande, au Japon, enregistrait un déficit de neutrinos atmosphériques de type muonique. Les neutrinos muoniques sont produits quand les protons des rayons cosmiques percutent les noyaux d’azote ou d’oxygène des hautes couches de l’atmosphère. Le choc produit, entre autres, des particules nommées pions, ou mésons π, qui se désintègrent en un muon et un neutrino muonique :
ou
. Instable, le muon se désintègre à son tour, produisant un électron, un neutrino électronique et un neutrino muonique (ou leurs antiparticules) :
ou
. Au bilan, deux fois plus de neutrinos muoniques qu’électroniques sont produits.
Figure 10 : Un proton émanant d’un rayon cosmique percute une molécule atmosphérique. Apparaît ici un pion π+qui se désintègre en un muon μ+ et un neutrino muonique νμ. Le muon μ+ à son tour produit un neutrino électronique νe accompagné d’un antineutrino muonique (© Instituto nazionale di Fisica nucleare INFN-Notizie).
La Terre étant transparente aux neutrinos, les détecteurs enregistrent non seulement les neutrinos descendants, produits dans l'atmosphère immédiatement au-dessus du détecteur, mais aussi les neutrinos montants, produits aux antipodes. Les détecteurs de Super-Kamiokande ont fait état d'un rapport de deux entre les neutrinos muoniques et électroniques descendants, mais d'un rapport de un seulement entre les neutrinos muoniques et électroniques montants. Là encore une transformation s'était opérée, interprétée comme une oscillation du neutrino muonique vers le neutrino tauique. Les neutrinos muoniques ascendants, qui avaient parcouru mille fois plus de chemin que leurs confrères, se convertissaient en neutrinos tauiques, non détectés à Kamiokande.
La possibilité d'une telle transformation a été confirmée le 31 mai 2010, par le détecteur OPERA, installé dans le tunnel du Gran Sasso, près de Rome. OPERA, qui recueille les neutrinos en provenance des accélérateurs du CERN de Genève, est parvenu à surprendre un neutrino muonique en pleine mutation, montrant sa transformation directe en neutrino tauique. L'événement, qui couronnait plus de trois années de fonctionnement et l'envoi de milliards de milliards de neutrinos du CERN vers le Gran Sasso, confirmait que la masse du neutrino n'était pas nulle. En effet, le modèle standard de la physique des particules interdit à une particule de masse nulle d’osciller entre plusieurs états. Une particule de masse nulle se déplaçant à la vitesse de la lumière, le temps s'arrête pour elle, ce qui implique qu'elle ne peut se transformer, la durée d'une éventuelle mutation tendant vers l'infini. La probabilité d’oscillation entre deux saveurs de neutrinos dépend de la différence des carrés de leurs masses, ce qui permet d'établir une limite inférieure à la masse de chacun d'eux.
Les neutrinos, messagers du cosmos
Les particules du rayonnement cosmique sont rapidement arrêtées ou déviées par les champs magnétiques intergalactiques. Le rayonnement électromagnétique, quant à lui, s'échappe difficilement des régions denses de l'Univers. Les neutrinos, au contraire, se déplacent dans toute l'étendue de celui-ci. Témoins de la vie ou de la mort des étoiles, ils sont émis non seulement dans les réactions thermonucléaires au sein des étoiles, mais aussi lors de processus cataclysmiques violents : agonies d’étoiles avalées par des trous noirs géants, échanges de matière dans les étoiles binaires, jets de noyaux actifs des galaxies... Ce fut ainsi que, le 23 février 1987, au Japon et aux USA, les pièges à neutrinos détectèrent une courte rafale de 19 neutrinos issus de l'explosion de la supernova SN1987A, une supergéante bleue du Grand Nuage de Magellan, une galaxie située à 170 000 années-lumière de la Terre. Cette averse de neutrinos (11 en 12,5 secondes à Kamiokande et 8 en 6 secondes à l’IMB de Cleveland) avait précédé l'observation visuelle de quelques heures. L'explosion, qui s'était produite à l'aube de l'humanité, avait produit en tout 1058 neutrinos, dont 30 millions de milliards traversèrent le détecteur de Cleveland. Véritable aubaine pour les astrophysiciens, l'événement couronnait vingt ans de recherches théoriques sur le rôle des neutrinos dans les explosions stellaires. Il confortait la compréhension du phénomène d’effondrement du cœur de fer d'étoiles massives qui, en fin de vie, à court de combustible, se contractent jusqu’à ce que les protons et les électrons fusionnent en neutrons avec émission de neutrinos selon la réaction
. La matière en chute rebondit ensuite créant une onde de choc qui, en compagnie des premiers neutrinos émis, tente de se frayer un chemin à travers les couches internes encore en effondrement. Lorsque l’onde atteint la surface de l’astre, de l’énergie lumineuse est libérée, mais l’essentiel de l’énergie gravitationnelle perdue est convertie en énergie thermique à l’intérieur de l’étoile à neutrons qui s’est formée. Lorsque celle-ci se refroidit, l’énergie est emportée par des neutrinos et antineutrinos, issus notamment de la conversion de paires électron-positon en paires neutrino-antineutrino :
. Les premiers neutrinos nous parviennent avant même la lumière, avec des vitesses dépendant de leur masse et de leur énergie. L'étalement dans le temps du signal neutrino observé à Cleveland et à Kamiokande a permis de fixer une limite supérieure de 15 eV à l'énergie de masse E = mc2 des neutrinos. Bien que sujette à de lourdes incertitudes, ne serait-ce qu'en raison du faible nombre de neutrinos détectés, la méthode procurait un ordre de grandeur intéressant pour l'époque.
Figure 11 : Fin d’une superstar. L’étoile massive Sanduleak (20 fois la masse du Soleil) avant (image centrale) et après (image de gauche) son explosion en supernova SN1987A (© Anglo-Australian Observatory, Eastwood, Australie, images David Malin). Certaines étoiles massives terminent leur vie sous forme de supernova, avant d’évoluer en étoile à neutrons ou trou noir. L’essentiel de l’énergie gravitationnelle libérée lors de l’effondrement du cœur de l’étoile est emportée par les neutrinos. Sur l’image de droite (Kamiokande, Japon), on observe le pic de neutrinos (à 0 sec.) dû à l’explosion. Le trait rouge marque la limite inférieure de l’énergie retenue, montrant que l’on a comptabilisé onze neutrinos. L'étalement dans le temps du signal enregistré a permis, compte tenu de leur énergie, de fixer une limite supérieure à la masse des neutrinos.
Des télescopes qui ont la tête en bas
Tapi dans les profondeurs marines, à 40 kilomètres au large de Toulon, par 2500 mètres de fond, le télescope à neutrinos Antarès a pour mission de détecter les neutrinos de forte énergie (de l’ordre du PeV, voire plus) émis lors des cataclysmes stellaires. Opérationnel depuis 2006, Antarès n'est pas un véritable télescope, en ce sens qu'il ne possède pas de miroir optique, mais seulement une batterie de détecteurs Cerenkov, couplés à des photomultiplicateurs. Un réseau de 900 photodétecteurs équipent 12 lignes de 350 mètres de haut et délimitent un volume de 20 millions de tonnes d'eau. Les capteurs scrutent le ciel de l'hémisphère Sud à travers la Terre qui sert de cible pour les neutrinos muoniques de haute énergie en provenance du Cosmos. La majorité d'entre eux devraient traverser le globe de part en part, mais quelques-uns d'entre eux pourraient interagir avec les atomes de la croûte terrestre juste avant d'arriver dans le milieu marin, créant des muons repérables par effet Cerenkov. Les muons parasites d'origine atmosphérique, quant à eux, ont été filtrés par la Terre qui fait office de blindage naturel.
Figure 12 : Observatoire ANTARES en rade de Toulon. Un étage (unité de base) d’une ligne de détection avec ses trois modules optiques et l’électronique associée. Les sphères de verre renferment chacune un photomultiplicateur qui détecte la lumière Cerenkov émise par les particules. Sur la figure on remarque le cône bleuté lié au passage de l’une d’entre elles.
Moins instable que l'Océan, la banquise, elle aussi, sert de piège à neutrinos. Au pôle Sud, le « télescope » Icecube, mis en service le 18 décembre 2010, dispose de 5000 photomultiplicateurs. Cette structure d'un kilomètre cube de volume sensible est enchâssée dans une calotte glaciaire, à un kilomètre de profondeur. La glace ne contient ni organismes bioluminescents ni isotopes radioactifs naturels. De plus, elle présente la clarté et la transparence du cristal car la pression y est si forte que toutes les bulles d'air ont été expulsées. Braqué vers le ciel boréal, Icecube pourrait aussi détecter des Wimps, hypothétiques particules massives sensibles à l’interaction faible tout comme les neutrinos.
La matière noire et la masse des neutrinos
Dès les années 30, l'astronome suisse Fritz Zwicky avait soupçonné l'existence d'énormes quantités de matière cachée dans l'Univers. Les vitesses de rotation des galaxies spirales du Grand Amas de la Chevelure de Bérénice, mesurées par effet Doppler, s'étaient avérées anormalement élevées. La masse visible des disques lumineux était nettement trop faible pour assurer la stabilité de l'ensemble et empêcher l'évasion des galaxies. D'où l'hypothèse d'une abondante quantité de matière cachée, dite noire, concentrée dans le halo sombre qui entourait les galaxies. Dans les années soixante-dix, l’astrophysicienne américaine Vera Rubin parvenait à une conclusion similaire en mesurant la vitesse de rotation des étoiles dans la galaxie d’Andromède. Au lieu de décroître en s'éloignant du centre, la vitesse des étoiles restait constante alors que le champ gravitationnel créé par la densité de matière visible diminuait.
Selon les dernières estimations, le contenu masse-énergie de l'univers consisterait en 26% de matière (dont 83% de matière noire et 17% de matière ordinaire) et 74% d'énergie noire, composante majeure de l'Univers dont la nature échappe encore aux physiciens. Cette énergie latente, introduite en 1998 pour expliquer l'accélération récente de l'expansion de l’Univers, s’opposerait à l’effondrement de l’Univers. Dans les années quatre-vingts, les neutrinos ont été pressentis comme constituants potentiels de la matière noire mais les estimations ont rapidement montré que leur contribution n'excéderait pas quelques pour cent du total. En outre, loin de favoriser la concentration d'amas de matière, les neutrinos auraient plutôt tendance à rendre l'Univers plus homogène, par un effet de frottement lié à leur vitesse élevée. La cartographie Méga Z de la répartition des galaxies, réalisée en 3D à partir de l'Observatoire d'Apache Point à New Mexico, a permis aux astrophysiciens de mieux cerner la masse des neutrinos, via les concentrations plus ou moins importantes de la matière observée.
Figure 13 : Simulations de la répartition de matière baryonique (matière ordinaire) dans une tranche d'Univers (image Shankar Agarwal & Hume Feldman,University of Kansas, 2010). Cas de neutrinos de masse 1,9 eV (à gauche – cette valeur très élevée a été choisie dans cette simulation numérique pour accroître le contraste visuel) et cas de neutrinos de masse nulle (à droite). La matière est répartie de manière plus uniforme à gauche et le contraste des densités est moindre. Du bleu à l’orange, la densité de matière augmente de 10-31 à 10-28 g/cm3.
Sans oublier les neutrinos fossiles
Les calculs montrent qu'il existerait un fond cosmologique de neutrinos issus de la période chaude et dense ayant suivi le Big Bang. Fossiles de l'Univers, ces neutrinos se seraient évadés une seconde après le Big Bang. Au nombre de 330 par centimètre cube, toutes catégories confondues, ils rempliraient l'Univers. Leur faible énergie, de l’ordre du meV, fait qu’ils n’ont pas encore été détectés : la température neutrinique serait de 1,9 K, contre 2,9 K pour le rayonnement fossile micro-ondes détecté par Penzias et Wilson en 1965.
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Grâce à l'analyse de la distribution à grande échelle de 700 000 galaxies, Shaun Anthony Thomas, Ofer Lahav et Filipe Abdalla, de l’University College de Londres, ont annoncé en juin 2010 une nouvelle limite pour la somme des énergies de masse des neutrinos. Celle-ci s’est vue réduite à 0,28eV, soit plus de deux millions de fois moins que l’électron et quatre milliards de fois moins que le proton. Avec 0,01 fois la masse du proton, Pauli était loin de la réalité !
Difficile de faire mieux même si le projet Katrin (Karlsruhe Tritium Neutrino Experiment), prévu pour 2012, ambitionne la mesure directe de la masse du neutrino électronique via l’étude du spectre de l’émission bêta du tritium se désintégrant en hélium 3. La forme terminale du spectre en énergie des électrons dépend de la masse des neutrinos émis. Katrin devrait ainsi être à même de réduire la limite supérieure de l’énergie de masse du neutrino électronique à 0,2 eV. L’expérience reste toutefois délicate et nécessite un dispositif ultrasophistiqué. Mark Raizen et ses collègues de l’université d’Austin au Texas ont donc suggéré une autre alternative, à base d’atomes de tritium ultra-froids. À très basse température, l’électron émis par la désintégration β- resterait piégé sur une couche électronique de l'atome d’hélium 3 au lieu de s’échapper. La différence entre les énergies de masse de l'atome de tritium et de l'atome d'hélium ainsi créé donnerait accès directement à l'énergie de masse du neutrino. Malheureusement, les laboratoires ne disposent pas encore des technologies propres à refroidir le tritium aux quelques millionièmes de kelvins nécessaires pour concurrencer Katrin. Nul doute que le neutrino préservera le secret de sa masse pendant quelques années encore !
Mai 2011
(1) À la lumière des connaissances actuelles, la radioactivité α se traduit par une équation de type : . La radioactivité β- (pour les nucléides présentant un excès de neutrons) s’écrit sous la forme : , où e- est un électron et un antineutrino.
(2) Le spin, de l'anglais « tourner » est une forme de rotation propre aux objets quantiques. Le spin de l’électron, par exemple, joue un rôle important dans la propriété physique macroscopique du magnétisme.
(3) Le béryllium réagit avec l’hélium selon la réaction:
(4) Voir l’analyse BibNum par Pierre Radvanyi (avril 2009) de la conférence Nobel 1935 de F. Joliot.
(5) Pour aller plus loin sur les explications de ces réactions (en anglais), voir page de Carleton University (Ottawa, Canada).