« The Historical Roots of Our Ecologic Crisis », Science, New Series, Vol. 155, No. 3767 (Mar. 10, 1967), pp. 1203-1207
1967
Ce texte de 1967 du médiéviste américain, volontiers provocateur, rend la civilisation chrétienne responsable du désastre écologique actuel (déjà perceptible… il y a 50 ans). Il nous paraît important de le présenter ici, sous la plume elle aussi acérée du biologiste B. Swynghedauw.
On doit à Lynn T. White Jr (1907-1987), professeur d’histoire médiévale à l’Université de Los Angeles, ce qui est sans doute la seule citation de saint François d’Assise (1181-1226) dans le journal Science. L’article de 1967 est devenu célèbre, cité plus de 5 000 fois, repris et commenté par d’innombrables auteurs car il rend la chrétienté, ou la christianisation de l’Occident, responsable du désastre écologique qui se dessine en ce moment. L’auteur conclut son papier – sur un ton un peu humoristique, mais pas tant… – en proposant saint François comme patron des écologistes, ce qui fut fait en 1979.
Bernard Swynghedauw est docteur en médecine, ancien interne des Hôpitaux de Paris, docteur ès-sciences, directeur de recherches émérite à l’INSERM. Membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine, il est « past-president » de la Federation of European Physiological Societies (FEPS). Il continue ses recherches à l’U342 INSERM-Hôpital Lariboisière Paris.
On doit à Lynn T. White Jr (1907-1987), professeur d’histoire médiévale à l’université de Los Angeles, ce qui est sans doute la seule citation du grand saint franciscain de Gubbio dans le journal Science[1]. L’article est devenu célèbre, cité plus de 5 000 fois, repris et commenté par d’innombrables auteurs[2] car il rend la chrétienté, ou la christianisation de l’Occident, responsable du désastre écologique qui se dessine en ce moment. L’auteur conclut son papier – sur un ton un peu humoristique, mais pas tant… – en proposant saint François d’Assise (1181-1226) comme patron des écologistes, ce qui fut fait en 1979.
Figure 1 : François d'Assise prêchant aux oiseaux, par Giotto (1267-1337) (Musée du Louvre, détail du retable : François d’Assise recevant les stigmates)
Quelques mots d’abord sur le raisonnement qui a conduit le grand médiéviste californien à une telle conclusion et sur le parcours du non moins grand saint François ; on essaiera ensuite de situer ces conclusions dans le contexte qui les ont rendues célèbres, pour terminer en tentant d’élargir le débat aux problèmes écologiques majeurs et très graves auxquels l’humanité se trouve confrontée en 2018.
Et l’homme, dans tout ça ?
L’article de Lynn White commence par placer l’homme au centre de son écosystème. Tout comme le polype des coraux, l’homme a façonné son environnement – même sur un plan purement génétique. Le chien, le mouton, l’oie par exemple, qui vivent avec l’homme depuis si longtemps, ont façonné leur génome ou leur épigénome pour s’adapter à un environnement – nutritionnel notamment – qui leur a été imposé par leur seigneur et maître, l’homme. Ceci commence maintenant à être bien documenté, certainement mieux qu’au moment où White a publié son article[3]. Mais la différence, et le fait majeur concernant les coraux, c’est que le responsable de leur destruction c’est bien l’homme lui-même[4]… Un écosystème, comme celui dans lequel vivent les coraux, est un tout interdépendant !
White évoque aussi le barrage d’Assouan qui a transformé radicalement les écosystèmes d’un pays. On pourrait donner un autre exemple… tout aussi égyptien, le canal de Suez (inauguré en 1869). Qui oserait décrire les incroyables conséquences purement écologiques de cet ouvrage ? Ferdinand de Lesseps (1805-1894) n’y avait probablement pas pensé à l’époque, puisque, comme nous le rappelle White lui-même, le terme écologie[5] est apparu pour la première fois dans la langue anglaise en 1873, 4 ans après l’inauguration du canal. L’origine du terme est quelque peu discutée, les Allemands en attribuant la paternité à Ernst Haeckel, biologiste allemand darwiniste qui l’aurait inventé en 1866 ; mais la date de naissance reste bien à peu près la même. Lesseps avait peut-être pensé aux conséquences écologiques de son projet, mais ce que l’on peut facilement dire c’est que ce n’était pas dans l’air du temps, le terme écologie lui-même venant à peine de naître !
L’homme est bien malade de lui-même, pour reprendre le titre de notre ouvrage[6], qui fait le point sur les conséquences médicales du changement climatique pris comme marqueur – disons plutôt biomarqueur – des aspects délétères de l’activité humaine. Avec André Lebeau[7], il faut bien considérer notre écosystème comme étant l’ensemble de notre planète et pas seulement notre jardin, notre département ou notre pays natal. Cette globalisation planétaire est elle-même la conséquence des innombrables flux qui sillonnent la Terre de plus en plus vite. La liste en est longue : flux des échanges commerciaux, des services et des transports, flux financiers, flux dans les échanges d’informations, flux des populations, mais aussi, de ce fait, flux des bactéries et des virus. C’est ce que l’on appelle maintenant « la Grande Accélération[8] ». L’illustration fournie par Alexander Federau[9] est particulièrement évocatrice ; il établit un parallèle entre l’augmentation récente de la population mondiale, celle du PIB et celles de la population urbaine, de l’extinction des espèces, de l’accroissement d’un certain nombre d’indicateurs – nombre de téléphones, de restaurants McDonald’s…
Le début de l’histoire
White fait allusion, déjà, à la pollution[10] générée par les dépôts d’ordures, de plastiques, devenus presque géologiques, le fog londonien qu’il prédit devoir diffuser au monde entier (voir de nos jours la Chine !) ; mais aussi la bombe à hydrogène… Cependant, en bon historien, il propose de chercher d’abord quel a été le primum movens de ce désastre écologique. Ce regard historique, médiéviste, est particulièrement nouveau à l’époque.
La thèse, devenue fameuse, de White, c’est que la religion chrétienne est la plus anthropocentriste des religions, en contraste radical avec la plupart des autres religions (asiatiques en particulier) et de l’animisme. Le christianisme, même en 2018, même pour les plus athées, est le socle de notre culture occidentale, et l’on peut effectivement dire que l’analyse faite par White de notre histoire et surtout de l’histoire de l’Europe est fort juste. Les premiers versets de la Bible sont en effet peu ambigus (Genèse 1, §27 & §28) :
Dieu crée Adam à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa. Dieu les bénit et leur dit : soyez féconds, multipliez, emplissez la terre, et soumettez-là ; dominez sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui rampent sur la terre. Dieu dit : Je vous donne toutes les herbes portant semence… ce sera votre nourriture.
On peut y ajouter plusieurs paraboles de l’Évangile. Le tout est difficile à accepter de nos jours pour ceux qui ont une fibre écologique, même ténue. Nous serons bientôt 10 milliards et toujours enfermés sur une Terre non extensible, l’enfermement planétaire est une réalité [voir Lebeau, 2008, op. cit.], pas une idée théologique ; par contre la fécondité, le refus militant des moyens contraceptifs sont bien des idées chrétiennes, catholiques surtout, qui ont influencé des générations et portent une certaine responsabilité dans notre bilan démographique.
Comme le dit White, la chrétienté est une foi complexe, mais il ne faut pas masquer le procès de Galilée sous un monceau de considérations théologiques ou philosophiques : ce procès est une réalité historique. Isaac Newton (1642-1727) a, très heureusement, échappé à la Sainte Église : anglican, né en Grande Bretagne, directeur de la Monnaie, il était protégé, et fut enterré à Westminster – ce qui n’est pas vraiment la fosse commune ! Darwin, un autre génie britannique tout aussi déterminant, a eu une histoire analogue.
La fin de l’article de Lynn White est encore plus surprenante, l’auteur y suggérant que la solution au désastre écologique naissant ne se trouve pas dans pas dans la science ou la technique, mais dans plus de religieux, et propose saint François d’Assise, fondateur de l’ordre franciscain, comme patron de l’écologie. Après une jeunesse très dissipée, François d’Assise se convertit et fonda l’ordre mineur des Franciscains. Pauvre d’entre les pauvres, il est à l’origine d’une des légendes les plus poétiques de l’histoire religieuse, celle du loup de Gubbio, ce loup féroce qui dévastait la campagne autour de cette ravissante petite ville italienne et qui fut « converti » par le grand saint.
Figure 2 : Le Loup d'Aggubio (1877), par le peintre Luc-Olivier Merson (1846-1920) ; Musée des Beaux-Arts de Lille (Wikimedia Commons). On remarquera la sainte auréole autour de la tête du loup.
Frère loup, comme l’appelait François, est devenu, tout au moins selon Lynn White, un symbole écologique ; sachant que François d’Assise est plutôt maintenant pour l’Église un symbole de l’œcuménisme, proclamé officiellement saint patron des écologistes le 29 novembre 1979 par le pape Jean-Paul II. Le poverello nous ouvre peut-être la voie d’une économie plus économe, d’une sobriété heureuse pour reprendre le titre du livre de Pierre Rabhi[11] – livre précurseur ou utopique, comme ce grand saint ?
Le désastre écologique en préparation
Peut-être pas au moment où Lynn White écrit son papier, mais à présent, il est sûr qu’il y a, après la COP21 (novembre 2015), urgence, probablement à quelques années près[12]. Si nous ne faisons rien dans les années qui viennent, il est plus que probable que nous nous acheminions vers des températures de l’ordre de 40°C en été en France ; et qu’il y aura d’ici une vingtaine d’années une élévation du niveau de la mer de l’ordre du mètre, aux conséquences désastreuses. Les Hollandais ou les Dunkerquois s’en tireront peut-être compte tenu de leur niveau de vie, mais qu’en est-il du Bengladesh où plus 100 millions d’habitants vivent déjà au ras des flots, et qui n’ont pas un sou ? Une nation entière, un vrai paradis, les Kiribati (anciennes îles Gilbert) dans le Pacifique, se voit régulièrement immergée à chaque tempête et la population doit songer à s’établir ailleurs, aux îles Fidji. Les migrants qui attendent Porte de la Chapelle à Paris se multiplieront exponentiellement par un facteur imprévisible ; et ce problème qui perturbe pourtant déjà tant la Communauté Européenne prendra une ampleur insoupçonnée. Les alertes de la communauté scientifique n’ont pourtant pas manqué. Le désastre écologique est à notre porte, et il est clairement d’origine humaine.
Le réchauffement (sols, océans, glaciers ; 2,3 W/m2) n’est plus contestable (0,8°C depuis 1870), ni contesté par la quasi-totalité des climatologues. Il est dû surtout au CO2 (280 ppm en 1870, 388 en 2009) ; d’autres gaz sont impliqués mais ils sont, comme le méthane, moins abondants ou comme la vapeur d’eau, trop volatils.
L’augmentation du CO2 est due à l’activité humaine : preuves isotopiques (effet Suess), différences de chaleur selon l’altitude.
Elle s’accompagne d’une réduction des surfaces glaciaires (de 10%), d’une élévation du niveau de la mer (3,4 mm/an depuis 1992), d’une acidification des océans (-0,1 unité pH depuis 10 ans) et d’un accroissement de la gravité des événements extrêmes (cyclones, inondations et sécheresses).
Le réchauffement climatique s’accompagne aussi d’une réduction de la biodiversité des métazoaires (les êtres vivants pluricellulaires) et de profondes modifications des biodiversités microscopiques.
La documentation disponible actuellement est très remarquable : c’est celle du GIEC[13], un véritable modèle scientifique d’analyse et de méta-analyse. Le Groupement compte plus de 2 500 scientifiques, d’origines diverses : surtout des climatologues, qui analysent périodiquement les milliers de publications scientifiques sur le climat et ses évolutions. Il publie tous les 4-5 ans un Rapport, à la fois le plus documenté du monde sur ce sujet et le plus critiqué, et qui fait autorité. Le dernier rapport (le sixième), en 2017, est aisément disponible sur internet en français. Notons qu’en 1967, lorsqu’est paru l’article de White, la situation n’était pas du tout celle que nous connaissons et parler de désastre écologique à l’époque témoignait pour le moins d’une certaine intuition.
Pendant des années le doute était de mise, les climato-sceptiques de droite comme de gauche avaient le verbe haut. Depuis c’est, tout au moins en Europe, le silence radio. On se souvient probablement d’un dialogue mémorable entre un ministre, sûr de lui, Claude Allègre, et une jeune climatologue – devenue depuis présidente du GIEC – Valérie Masson-Delmotte. L’ancien ministre, malgré sa suffisance, s’était fait contrer de belle manière.
Le débat pro/anti effet de serre (les climato-sceptiques) a empoisonné la vie scientifique ces dernières années ; il n’a pourtant plus guère de raisons d’être [voir A. Lebeau, op. cit, et l’essai percutant du journaliste de Libération, Sylvestre Huet, L’Imposteur, c’est lui. Réponse à Claude Allègre, Stock, 2010 ; voir aussi le point de vue plus global sur ce type de pseudoscience tel qu’il est exprimé par exemple par Noami Oreskes, Merchants of doubt. How a handful of scientists obscured the truth on issues from tobacco smoke to global warming, Bloomsbury Press, 2010]. Ce dernier ouvrage dénonce de façon limpide les mécanismes au moyen desquels « les lobbys industriels, à coups de milliards de dollars, ont élaboré une stratégie destinée à éviter toute réglementation de santé publique ou environnementale qui aurait pu nuire à leurs intérêts » en niant en bloc « les preuves scientifiques de la dangerosité du tabac, du DDT… et, aujourd’hui, du réchauffement climatique ». Faut-il rappeler aussi que le président élu d’un grand pays, premier pollueur de la planète, s’est déclaré climato-sceptique ? Les exemples français d’une telle stratégie existent également.
Les avis, comme ceux du GIEC, de Valérie Masson-Delmotte (Climat : le vrai et le faux, Le Pommier, 2011), de J.-P. Dupuy (Dans l’œil du cyclone, Cerisy, Carnets nord 2008) ou d’Edouard Bard au Collège de France (voir le site du CDF) font maintenant consensus. Des solutions réalisables ont été récemment proposées (Jean Jouzel et al. Pour éviter le chaos climatique et financier. Odile Jacob, 2017 ; Naomi Klein. Tout peut changer. Capitalisme et changement climatique, Actes Sud Lux, 2014[14]). Les climatosceptiques portent et porteront aux yeux de nos enfants la lourde responsabilité d’avoir induit le doute dans l’esprit du grand public et d’avoir retardé d’autant les décisions qui s’imposent à nos politiques, d’autant qu’il y a urgence. Comme le dit fort bien Gilles Ramstein à la fin de son beau livre (Voyage à travers les climats de la terre, Odile Jacob, 2015) : « Il y a de fausses bonnes réponses à cette question, du type : s’il faut s’adapter…, on s’adaptera. » Notre passé regorge de contre-exemples. Le plus connu est celui donné par Jared Diamond (Effondrement : Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie. Gallimard, 2006), à propos de la disparition de la civilisation de l’île de Pâques lorsque fut coupé le dernier arbre.
L’auteur fait lui-même le tour des endroits les plus pollués du monde, la principale découverte étant le Pacifique, au centre duquel il découvre un véritable 8e continent fait de déchets plastiques.
1. Sous le soleil de Tchernobyl. Une journée au pays des merveilles radioactives
2. Le Grand Nord Noir : les mines de sable bitumineux de l’Alberta
3. Raffineville. Port Arthur (Texas): l’invention du pétrole
4. Le 8e continent. Naviguer vers la Grande Plaque de déchets du Pacifique
5. Sojarmageddon. La déforestation amazonienne (source mondiale du soja)
6. A la recherche du Charbonnier au Triste Visage. Charbon, déchets électroniques et autres trésors de la Chine
7. Le dieu des eaux usées. En aval de la rivière la plus polluée de l’Inde
Les grandes religions, catholique, protestante, islamique, juive, ont toutes abordé le problème, mais elles l’ont fait en utilisant leur langage, leur foi, leurs credo, sans rapport avec la raison ou la conviction scientifique. La conviction scientifique est par essence toujours baignée par le doute, pas la foi. Lorsqu’on considère la Bible comme ce qu’elle est, à savoir un simple document très ancien – donc peu fiable –, précieux mais absolument pas scientifique, il n’en reste pas grand-chose. Le réchauffement climatique est une réalité mesurable qui est un risque planétaire : il n’est pas nécessaire d’avoir la foi pour y croire.
Le changement climatique n’est pas le seul en cause, il est associé à de nombreuses autres manifestations d’origine humaine aux effets délétères. Au réchauffement climatique s’ajoutent d’innombrables pollutions [Marano et al. 2015 op. cit.]. La liste est interminable et… pas terminée. Il faut bien dire que face à ce risque, l’attitude d’une partie actuelle de la Chrétienté paraît un peu surréaliste. Il n’est plus temps de disserter sur des données historiques. La situation actuelle est autrement plus préoccupante et nécessite des actions, des engagements, d’une toute autre ampleur, forcément politiques.
L’Encyclique papale [Laudato si’ ; publiée le 18 juin 2015] qui aborde la dimension écologique sous un angle véritablement planétaire, est certainement un document religieux sérieux et très complet sur le sujet. L’analyse de la situation climatique y est exemplaire, bien que le texte n’ait rien de scientifique ; tout se passe comme si les affirmations sur le climat, pourtant scientifiques, dont il est truffé, allaient de soi…. puisque c’est le Pape qui les émet. Ce texte, long, sans références scientifiques ou simplement laïques (si l’on excepte Paul Ricoeur – dont on peut se demander ce qu’il fait là), fait aussi état de considérations de nature historique ou théologique souvent éloignées du sujet. L’appel au grand public est fort louable ; mais pas un mot sur le climato-scepticisme et surtout sur l’urgence absolue. L’hymne, cité, de saint François d’Assise, dans lequel il loue le Seigneur de tenir à notre disposition le soleil, la lune et les étoiles, le vent, l’air, les nuages, « frère feu » et « sœur eau », est certes d’une grande beauté, mais un peu éloigné de la réalité qui est la nôtre en ce moment.
L’encyclique papale est néanmoins importante par sa diffusion, mais aussi car elle souligne avec une grande force et dans un langage accessible au milliard de chrétiens – mais aussi aux non-chrétiens – que « la Terre est un héritage commun universel » qu’il nous faut tous respecter, en ce sens il correspond bien au message de White ; cependant il n’y a aucune allusion à la réduction globale de notre consommation – option politique trop engageante pour un pape.
On aurait envie d’opposer à ce grand morceau de théologie, finalement assez vague et sans suggestions pratiques, le livre collectif dirigé par Jacques Mistral (Le climat va-t-il changer le capitalisme. La grande mutation du XXIe siècle. Eyrolles 2015), les propos de Pierre Larrouturou et le livre qu’il a écrit avec Jean Jouzel (op.cit.), les ouvrages de Naomi Klein (op.cit.), ou le livre percutant et si documenté d’Andreas Malm, L’anthropocène contre l’histoire. Le réchauffement climatique à l’ère du capital (La Fabrique éditions, 2017). Les solutions proposées n’y sont peut-être pas suffisantes : mais il en est de « scandaleusement simples », pour reprendre les termes de Jean Jouzel. Inverser la courbe des émissions de gaz à effet de serre demande un effort et des moyens financiers qui finalement sont de même importance que ceux que nous avons bien su mettre en œuvre lors de la dernière grande crise boursière. Le lien entre réchauffement climatique et capitalisme est réaliste, ancré dans la réalité financière, économique, politique. La réponse des économistes au changement climatique et à ses conséquences s’articule autour du prix du carbone et à la transition vers une nouvelle économie bas-carbone qui devrait être la grande mutation de notre siècle. Le coût est très vraisemblablement inférieur au coût de la relance de l’économie réalisé par la Banque Centrale Européenne il y a peu.
Les dernières canicules ont au moins permis à tout un chacun de percevoir la réalité de ce que les scientifiques du GIEC annoncent depuis déjà bien des années. La théologie ne contredit heureusement pas ces prévisions, bien au contraire – disons que c’est un plus ; et le diagnostic de Lynn White peut constituer un appui, certes ténu, à la compréhension de ce qui est le grand problème de notre siècle.
(septembre 2018)
[1]. « The historical roots of our ecologic crisis », Science, 1967, 155, 1203-1207 (texte BibNum).
[2]. Voir : J. Arnould, Les racines historiques de notre crise écologique. Lettre à Lynn White et à ceux qui s’en réclament, Pardès 2005/2 (N° 39) p. 211-219, en ligne ; J.-C. Eslin, Le christianisme au défi de la nature, Éditions du Cerf, Paris, 2017 ; D. Bourg et Ph. Roche (dir.), Crise écologique, crise des valeurs ?: défis pour l’anthropologie et la spiritualité, Labor et Fides, 2010 ; la liste est loin d’être limitative, sans oublier bien entendu le pape François dans son encyclique Laudato si’. Sur la sauvegarde de notre maison commune (en ligne).
[3]. Voir Pan ZY et al. Selection signature in domesticated animals. Yi Chuan (Hereditas) 2016, 38, 1069-1080; et aussi Taberlet P. et al. Conservation genetics of cattle, sheep and goats. CR Biologies 2011, 34, 247-254.
[4]. Les causes en sont d’abord la pollution maritime, mais aussi et surtout le réchauffement climatique et marin et l’acidification des mers, le tout étant la conséquence directe de l’accumulation dans l’atmosphère de CO2 due aux activités de l’homme.
[5]. Du grec oikos (la maison), et logos (la science).
[6]. Bernard Swynghedauw, L’Homme malade de lui-même, Belin, 2015.
[7]. Auteur notamment de L’Enfermement planétaire, Gallimard, 2008, et de Les Horizons terrestres. Réflexions sur la survie de l’humanité, Gallimard, 2011.
[8]. Hibbard KA et al. Sustainability or collapse ? An integrated history and future of people on earth. Dahlen Worshop Report 96, Cambridge, MA : MIT Press 2077, 417-446 ; Steffen W et al. The Anthropocene: are humans now overwhelming the great forces of nature? AMJBIO. J Human Environ 2007, 36, 614-621
[9]. Pour une philosophie de l’Anthropocène. PUF, 2017, figures 10 et 11
[10]. Se référer au livre de F. Marano, R. Baroukin et D. Zmirou, Toxique ? Santé et environnement : de l’alerte à la décision, Buchet-Castel, 2015.
[11]. P. Rabhi, Vers la sobriété heureuse, Actes Sud, Babel essai, 2010.
[12]. Voir J.-M. Jancovici et A. Grandjean, C’est maintenant ! 3 ans pour sauver le monde, Seuil, 2009.
[13]. Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat ; Intergovernmental Panel on Climate Change - IPCC en anglais. Le GIEC a été créé en 1998 à la demande du G7 par le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) et l'organisation météorologique mondiale (OMM), sa mission est de rassembler les données socio-économiques et scientifiques qui permettent l'évaluation des risques climatiques engendrés par l'activité humaine et de proposer des solutions alternatives d'adaptation et de prévention à ces risques. Quelques références essentielles en plus des rapports du GIEC : Rockström J. « A safe operating space for humanity ». Nature 2009, 461, 472-5 ; Toussaint J.-F. et al. L’homme peut-il s’adapter à lui-même ? Editions Quae. Paris 2012 ; Fouillet A. et al. “Has the heat-related mortality response in France changed since the 2003 heat wave? A study of the 2006 heat wave”, Int J Epidemiol. 2008, 37, 309-317 ; Hansen et al. Assessing “dangerous climate change”: required reduction of carbon emissions to protect young people, future generations and nature. PLOS ONE. 2013, 8, e1648.
[14]. Ce livre fait l’objet d’une excellente analyse [dans le supplément Culture & Idées du Monde du 18 Avril 2015, p 7], « Naomi Klein, prose combat » : « le plus radical de ses livres, confirme son talent pour donner du sens à des phénomènes sociaux épars ». Elle y dénonce en particulier les menaces que font peser le « fascisme vert ». « La fenêtre est étroite pour traiter le problème du réchauffement, tant qu’il est encore temps, par des processus qui renforcent la démocratie plutôt qu’en y renonçant. »
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