Figure 1 : La couverture du Time Magazine du 20 juillet 1931, consacrée à Tesla à l’occasion de son 75e anniversaire (© Time Magazine, New York)
Nikola Tesla (1856-1943) est né en Croatie à Smilijan, dans l'Empire d'Autriche, quatrième des cinq enfants d'un prêtre orthodoxe serbe. Après ses études à l'Ecole Polytechnique de Graz et à l'Université de Prague, il travaille comme ingénieur à Budapest et à Paris, où il essaie de développer ses idées sur le courant alternatif et le moteur électrique à champ tournant, sans succès. En 1884, il émigre aux États-Unis où il vivra le reste de sa vie. Il entre dans la compagnie d'électricité fondée par Thomas Edison (1847-1931), mais ce dernier, ayant développé ses affaires exclusivement sur le courant continu, ne voit pas d'un bon œil les idées du jeune Serbe. Déçu, Tesla quitte Edison pour la société de George Westinghouse (1846-1914). C'est le moment où Edison et Westinghouse engagent une bataille acharnée pour développer un système de distribution d'électricité, que Westinghouse gagnera. Esprit créatif, Tesla est auteur ou contributeur de nombreuses inventions : moteur à induction, réseau de distribution de courant alternatif, radio, communications sans fil, robots télécommandés.
Quelques rappels d’électricité et de magnétisme
Un jour d'avril 1820, à Copenhague, lors d'une conférence donnée à des étudiants, le physicien danois Hans Christian Œrsted (1777-1851) connecte une batterie galvanique à un fil de platine placé juste au-dessus d'une boussole. Stupéfaits, les étudiants constatent que le courant électrique qui traverse le fil fait dévier l'aiguille de la boussole, de manière analogue au champ magnétique terrestre. Il existerait donc un lien entre les phénomènes électriques et magnétiques
(1).
Figure 2 : Expérience d'Œrsted. Lorsqu'on ferme le circuit (à droite), le courant électrique qui passe par le conducteur engendre un champ magnétique, qui interagit avec l'aiguille de la boussole et la fait dévier. L'aiguille s'oriente perpendiculairement au conducteur (© Ilarion Pavel).
Cette découverte n'est pas une conséquence heureuse du hasard, mais le fruit d'une longue recherche. Adepte de la
Naturphilosophie, Œrsted était persuadé que les divers phénomènes mécaniques, électriques, magnétiques et chimiques que l'on observe n'étaient que différentes manifestations d'une même force unitaire plus fondamentale. Œrsted a l'intuition d'utiliser pour ses expériences des cellules galvaniques
(2) et non, comme les autres physiciens, des machines électrostatiques ou des bouteilles de Leyde, dont les courants sont insuffisants pour mettre en évidence des phénomènes magnétiques. En effet, les machines électrostatiques produisent de hautes tensions mais de faibles courants, limités dans le temps. Les effets magnétiques étant proportionnels à l'intensité du courant, il est pratiquement impossible de les mettre en évidence avec ce type d'appareillage.
Quand François Arago présente en 1820 les résultats d'Œrsted à une réunion de l'Académie des Sciences à Paris, la découverte est reçue par la plupart des auditeurs avec réserve car on pensait, sous l'influence de Charles de Coulomb, qu'il n'y avait aucun lien entre les phénomènes électriques et magnétiques. André-Marie Ampère ne partage pas ce scepticisme et se lance dans un travail acharné autant expérimental que théorique qui, au bout de quelques semaines, l'amène à comprendre et exprimer de façon quantitative les liens entre les courants électriques et les champs magnétiques
(3). À cette occasion, Ampère invente de nouveaux appareils électromagnétiques comme le galvanomètre
(4) et le solénoïde
(5).
De l'autre côté de la Manche, William Sturgeon (1783-1850) découvre qu'en insérant une barre de fer dans un solénoïde, le champ magnétique augmente de façon spectaculaire. Il invente ainsi l'électroaimant – comme son nom l’indique, celui-ci, alimenté par une cellule galvanique, produit un champ magnétique (capable, par exemple, de soulever des morceaux de fer). L'électroaimant permet donc d'effectuer une action mécanique à l'aide de l'énergie électrique. Il jouera un rôle crucial dans l'invention du moteur électrique.
Figure 3 : L'électroaimant de Sturgeon, formé de spires de cuivre enroulées sur un noyau de fer en forme de fer à cheval, pouvait soulever des masses de 4 kg. Les contacts électriques sont assurés par deux cuves contenant du mercure notées Z et C (la troisième cuve, à gauche, servait d'interrupteur par l'intermédiaire de la tige d). Le fil en cuivre est sans isolation, le fer est laqué pour éviter le court-circuit entre les spires. (Illustration WikiCommons)
Outre-Atlantique, Joseph Henry (1797-1878) construit des électroaimants de plus en plus performants : il diminue leur taille tout en augmentant la force d'attraction magnétique. Préfigurant l’isolation des câbles électriques, Henry recouvre le fil de cuivre avec une isolation de soie, ce qui permet de serrer les enroulements de la bobine et de les disposer en plusieurs couches. Ainsi, le champ magnétique de la bobine augmente notablement, bien que la source d'énergie reste une modeste cellule galvanique. Les caractéristiques des électroaimants d'Henry dépassent vite celles des aimants permanents. Ils sont principalement destinés à des laboratoires de recherche ou utilisés pour effectuer des démonstrations publiques : une démonstration spectaculaire consistait à maintenir suspendu un barreau de fer pesant quelques centaines de kilogrammes grâce à l'attraction d'un électroaimant. Lorsqu'on coupait l'alimentation de ce dernier, le barreau tombait au sol avec grand fracas. Par ailleurs, certains électroaimants furent commercialisés : un de ceux construits par Henry fut employé par la société Penfield and Taft Ironworks (Crown Point, État de New York) pour aimanter des cylindres d'acier utilisés dans la séparation du minerai de fer.
L'invention du moteur électrique
C'est en essayant de démontrer qu'un fil traversé par un courant électrique produit un champ magnétique circulaire
(6) qu'en 1821, Michael Faraday (1791-1867) met au point un système mécanique tournant. Dans une cuve remplie de mercure, il plonge verticalement un barreau aimanté qu'il maintient fixe. Ensuite, il fait pendre librement une tige conductrice qui touche la surface du liquide. En connectant la tige à une cellule galvanique, Faraday remarque qu'elle tourne autour du barreau, son extrémité libre décrivant des cercles ; c'est le résultat de l'interaction entre le courant qui la traverse et le champ magnétique de l'aimant.
Il s'agit donc du premier dispositif de conversion d'énergie électrique en mouvement mécanique continu. Néanmoins, il ne connaîtra pas d'applications pratiques et restera un appareil de laboratoire.
Figure 4 : Le moteur électrique de Faraday. Le courant électrique fourni par la batterie passe à travers la tige conductrice suspendue et interagit avec le champ magnétique produit par l'aimant plongé dans la cuve de mercure. La tige tourne alors autour de l'axe vertical, son extrémité décrivant des cercles. Le contact électrique est assuré par le support et par le mercure dont la tige touche la surface (© Ilarion Pavel).
Henry invente en 1831 le premier moteur électrique
(7). La partie mobile est un électroaimant qui bascule sur l'axe horizontal. Sa polarité s'inverse automatiquement pendant son mouvement grâce à deux paires de fils conducteurs qui se connectent alternativement à deux cellules galvaniques. Deux aimants permanents verticaux, dont les pôles sont orientés dans la même direction, attirent et repoussent alternativement les extrémités de l'électroaimant, ce qui le fait osciller.
Figure 5 : Moteur oscillant de Henry. Deux aimants permanents (C et D) sont fixés avec les pôles nord orientés en haut. Lorsque l'électroaimant est alimenté par la pile de droite, son pôle nord B est repoussé vers le haut par l'aimant D, et son pôle sud A est attiré vers le bas par l'aimant C. L'électroaimant bascule, l'alimentation est coupée au niveau de la pile de droite, rétablie au niveau de la pile de gauche dont les connexions sont réalisées de telle manière que les pôles nord et sud de l'électroaimant s'inversent. Alors le pôle nord A est repoussé par l'aimant C et le pôle sud B est attiré par l'aimant D. L'électroaimant bascule dans l'autre sens, l'alimentation est alors coupée au niveau de la pile de gauche, rétablie au niveau de la pile de droite et le processus recommence. Les contacts électriques avec les piles sont réalisées par les tiges métalliques q, r, o et p, solidaires de l'électroaimant oscillant (© American Journal of Science).
Le générateur électrique entre en scène
Œrsted montre qu'un conducteur engendre un champ magnétique aussi longtemps que le courant le traverse. Dans l'esprit de l'unité des forces, les adeptes de la Naturphilosophie se sont immédiatement demandés si la réciproque était vraie : le champ magnétique d'un aimant peut-il engendrer un courant électrique dans une bobine située dans sa proximité ? Les premières expériences donnent des résultats négatifs. Les expérimentateurs se limitent alors à placer une bobine autour d'un aimant, le galvanomètre n'indique aucun courant.
Ce n'est qu'après plusieurs échecs
(8) qu'en 1831, Faraday annonce sa réussite. Il place deux bobines séparées sur un même anneau de fer, l'une d'elles étant connectée à un galvanomètre. C'est précisément à l'instant où il connecte ou déconnecte l'autre bobine à une batterie que l'aiguille du galvanomètre dévie brièvement, puis revient à zéro. Le même phénomène se produit si, au lieu de connecter la batterie, il approche ou éloigne de la bobine un aimant permanent. Faraday avait découvert l'induction électromagnétique : ce n'est pas un champ magnétique constant qui engendre un courant électrique, mais un champ magnétique variable.
Figure 6 : L'induction électromagnétique. Lorsqu'on ferme l'interrupteur k, un courant électrique I apparaît dans la première bobine et engendre un champ magnétique variable dans le noyau toroïdal. La variation du champ magnétique donne alors naissance à un courant électrique dans la deuxième bobine, mis en évidence à l'aide d'un galvanomètre (© Ilarion Pavel).
L'induction électromagnétique permet donc de transformer
un mouvement mécanique (par exemple : le mouvement d’un aimant permanent)
en électricité, ce qui ouvrait la voie à l'invention du générateur électrique
(9).
C'est encore Faraday qui met au point le premier dispositif expérimental capable de produire de l'électricité, s'inspirant probablement des machines électrostatiques. Un disque de cuivre, monté sur un cadre, tourne entre les pôles d'un aimant permanent en forme de fer à cheval. En connectant un galvanomètre entre l'axe du disque et sa jante, Faraday met en évidence le passage d'un courant électrique. Le disque de Faraday, tout comme son moteur électrique, restera un appareil de laboratoire, son rendement étant très faible en tant que générateur électrique.
Figure 7 : Le disque de Faraday tourne entre les pôles d'un aimant permanent A. Un fil du galvanomètre est connecté au contact B, lié à l'axe du disque D, l'autre fil au contact B', connecté à la jante par l'intermédiaire d'une lamelle élastique m (illustration Wikipédia).
Le premier générateur électrique ayant une application pratique est réalisé en 1832 par Hyppolyte Pixii (1808-1835), constructeur d'instruments travaillant en étroite collaboration avec Ampère. Entraîné par une manivelle, un aimant permanent en forme de fer à cheval tourne devant une bobine à noyau de fer. Les pôles nord et sud de l'aimant inversent successivement le sens des lignes des champs magnétiques dans le noyau de fer et, en conséquence, induisent un courant électrique alternatif dans la bobine.
Afin de remplacer les éléments galvaniques par des générateurs électriques, en particulier dans les applications d'électrométallurgie, qui nécessitent un courant de même polarité, Ampère introduit le commutateur. C'est un dispositif en forme de cylindre métallique fendu, fixé sur l'axe de rotation, qui inverse le sens du courant dans le circuit extérieur et permet ainsi d'obtenir un courant pulsé à la place du courant alternatif
(10).
Ce générateur contenait un aimant permanent, d’où sont nom de magnéto
(11).
Figure 8 : Magnéto de Pixii. Mis en mouvement par une manivelle, l'aimant permanent en forme de fer à cheval tourne sur un axe vertical sous une bobine enroulée autour d'un noyau de fer. Ses pôles nord et sud, passant successivement à proximité du noyau en fer, font varier le champ magnétique et, en conséquence, induisent un courant électrique dans la bobine. En dessous de l'aimant, solidaire avec l'axe de rotation, se trouve le commutateur d'Ampère (illustration Wikipedia).
Presque au même moment, Joseph Saxton (1799-1873) construit une magnéto plus performante dans laquelle c'est l'aimant qui est fixe et la bobine qui tourne. Pour collecter le courant électrique, il utilise des disques plongés dans des cuves à mercure. Progressivement, la magnéto va remplacer la cellule galvanique dans les laboratoires et lors des démonstrations.
L'échec commercial des premiers moteurs électriques
Au début des années 1830, la fabrication et la vente de la technologie électrique étaient en grande partie artisanales : quelques fabricants fournissaient les instruments pour les laboratoires et pour les démonstrations publiques des savants et de quelques particuliers passionnés.
Mais à la fin de cette décennie, des entrepreneurs, des financiers, des gouvernements s'intéressent de plus en plus aux applications de cette nouvelle technique. Les fabricants et les consommateurs se multiplient, on dépose des brevets, on publie des articles de presse. La commercialisation des produits des techniques électriques bénéficie de la généralisation de la société anonyme par actions qui permet d'entreprendre des projets nécessitant d'importants investissements financiers et risqués sur le long terme.
On commence alors à voir dans le moteur électrique une alternative possible à la force musculaire des animaux et des ouvriers. Le moteur à vapeur l'avait certes déjà largement remplacée mais il présentait plusieurs inconvénients. D'abord, le moteur à vapeur de petite taille, comme celui qui équipe les ateliers, est de faible rendement : c'est pourquoi l'automobile à vapeur ne se développera pas, contrairement à la locomotive ou au bateau à vapeur. Par ailleurs, il fonctionne en continu, on ne peut l'éteindre et l'allumer à volonté – maintenir la pression de la vapeur exige de consommer en permanence du combustible : il n'est donc pas adapté aux tâches intermittentes des machines outils. En outre, les machines outils sont connectées au moteur par l'intermédiaire d'un système mécanique compliqué d'arbres et de courroies de transmission. Enfin, le moteur à vapeur est dangereux car il peut exploser ; il est sale, bruyant et nécessite beaucoup d'entretien.
C'est dans ces années 1830 qu'on se met à imaginer pour le moteur électrique des applications multiples pour réaliser dans les foyers les tâches domestiques : pompes à eau, machines à laver, ventilateurs, barattes, torréfacteurs, broyeurs. Son triomphe semble inévitable.
En 1833, lors d'une visite dans une mine de fer, le forgeron Thomas Davenport (1802-1851) voit fonctionner un des électroaimants d'Henry. Intrigué, il en achète un. De retour dans son atelier, il le démonte et l'étudie avec attention. Persuadé que la force électrique remplacera bientôt la force de la vapeur, Davenport construit quelques mois plus tard un des premiers moteurs électriques rotatifs
(12), qu'il brevète en 1837. Afin de fabriquer en série et de commercialiser son invention, il fonde une société par actions avec la participation d'associés.
Hélas, les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes. Le coût du zinc utilisé dans les éléments galvaniques qui servent de source d'alimentation rend le moteur électrique non compétitif par rapport au moteur à vapeur. Le moteur électrique est un échec commercial et Davenport fait faillite.
Figure 9 : Moteur de Davenport, formé par deux bobines croisées, qui tournent suivant un axe vertical dans un anneau en bois muni de deux aimants permanents en forme de demi-cercle. Les bobines sont alimentées par un commutateur, visible à l'extrémité inférieure de l'axe (© Smithsonian Museum).
Initialement très enthousiaste quant à l'avenir du moteur électrique, James Prescot Joule (1818-1889) devient de plus en plus sceptique. Dans une étude publiée en 1841, il montre qu'une machine à vapeur alimentée avec un kilogramme de charbon produit 5 fois plus d'énergie mécanique qu'un moteur électrique alimenté par une cellule galvanique ayant consommé un kilogramme de zinc. Compte tenu des prix du charbon et du zinc, on arrive à la conclusion de Joule : « Le moteur alimenté par batterie est un dispositif désespérément inexploitable. »
Mais malgré cette conclusion pessimiste
(13), les inventeurs ne se découragent pas. Aux Etats-Unis, Charles Grafton Page (1812-1868), avec l'aide du gouvernement, construit une locomotive électrique à moteur électrique oscillant. Deux bobines alignées, alimentées successivement, attirent à tour de rôle une barre en fer. Le mouvement alternatif avant-arrière de la barre est ensuite converti en mouvement rotatif par un mécanisme de type bielle-manivelle.
Figure 10 : À gauche, maquette du moteur oscillant de Page - deux paires de bobines alignées en tête à tête, alimentées successivement, attirent à tour de rôle la barre en fer. Le mouvement alternatif de la barre est converti en mouvement de rotation par le mécanisme bielle-manivelle. À droite, croquis de la locomotive électrique (à gauche, Smithsonian's Museum/Public Domain ; à droite, illustration Wikipedia)
La locomotive est testée avec des passagers en 1851 sur la ligne Washington-Baltimore. Des étincelles éclatent à travers l'isolation électrique des bobines, les vibrations du moteur endommagent les diaphragmes fragiles des cellules galvaniques. Après 8 km, Page est obligé de rebrousser chemin.
Un essai similaire avait eu lieu en 1842 en Angleterre : Robert Davidson (1804-1894) y fabrique la première locomotive électrique, appelée Galvani, et l'essaie sur la ligne Edinburgh-Glasgow. Mais la locomotive de Davidson, tout comme la barque électrique de Moritz et la locomotive de Page, n’est pas viable économiquement.
Le moteur électrique semblait définitivement condamné.
D'autres applications de la technologie électrique se développent
Malgré ces nombreux échecs du moteur électrique, d'autres techniques fondées sur l'électricité trouvent des applications autres que la génération d’un mouvement mécanique :
– issue des travaux d'amélioration des éléments galvaniques, la galvanoplastie, technique de déposition des métaux à l'aide du courant électrique, connaît un développement rapide et de multiples débouchés : plaques d'impression pour l'imprimerie, couches de protection anticorrosion, dépôt de métaux précieux sur des objets de grande consommation ou sur des œuvres d'art. Ce succès industriel s'explique en partie par le fait qu'ouvrir un atelier de galvanoplastie demandait peu d'investissements matériels ;
– formé d'un fil conducteur fortement chauffé par le passage du courant électrique, le détonateur électrique se substitue graduellement à la mèche classique, peu fiable, dont le temps de combustion est difficile à contrôler et qui cause donc de nombreux accidents. D'abord utilisé par les militaires pour faire détonner à distance des charges explosives sous-marines et des mines flottantes, le détonateur électrique trouve un large usage civil dans l'exploitation des mines et carrières, la construction des canaux, des tunnels et des chemins de fer ;
– le télégraphe électrique supplante le télégraphe optique. Ce dernier, inventé pour transmettre rapidement des messages à distance, ne fonctionnait que pendant la journée, dépendait fortement de la météo, ne transmettait que deux mots par minute et nécessitait des stations-relais tous les 30 kilomètres. C'est lorsque des expériences montrent que les signaux électriques peuvent être transmis à distance par des fils conducteurs que le télégraphe électrique devient réalité. Son développement est dû à plusieurs savants (Ampère, Arago, Gauss, Weber, Henry, Barlow, Wheatstone) mais c'est Samuel Morse (1791-1872) qui réussit à produire en 1844 le premier système opérationnel entre Baltimore et Washington ;
– dans les années qui suivent l'invention du télégraphe, plusieurs systèmes électriques de transmission à distance d'information, d'alarme et de contrôle voient le jour : système de dialogue entre la cabine de pilotage et la salle des machines d'un bateau, système de guidage de navires, instruments de mesure de la vitesse, instruments de contrôle de la pression de la vapeur dans la chaudière, systèmes d'alarme antivol, systèmes de transmission d'images à distance, systèmes de contrôle de la température, horloges électriques synchronisées à distance, systèmes d'alerte incendie, systèmes de signalisation ferroviaire ;
– les salles de spectacles éclairées avec plusieurs centaines de becs à gaz sont équipées de systèmes d'allumage instantané : un électroaimant ouvre le robinet du gaz et un fil de platine chauffé à blanc allume le gaz ;
– l'arc électrique est utilisé comme source de lumière dans les studios photographiques ou dans les spectacles de lanterne magique, dans les projecteurs d'éclairage de nuit pendant les opérations militaires ou comme éclairage des halles, usines et lieux publics ;
– avec la croissance du commerce maritime et les besoins accrus en sécurité, les phares de signalisation maritime utilisent à l'essai l'arc électrique, dont la lumière éclatante est nettement plus visible que celle des traditionnelles lampes à huile ou à gaz. Consommant plus d'électricité, les phares à arc électrique rendent nécessaire le remplacement des piles électriques par des magnétos électriques entraînées par des moteurs à vapeur.
Cette demande croissante d'énergie électrique stimule les efforts des fabricants pour améliorer les sources d'énergie électrique, en particulier les magnétos.
La renaissance du moteur électrique
En 1845, Charles Wheatstone (1802-1875) a l'idée de remplacer les aimants permanents des magnétos par des électroaimants alimentés par une batterie, qui sont capables de fournir des champs magnétiques nettement plus importants. En 1864, Henry Wilde (1833-1919) alimente les électroaimants à l'aide d'une petite magnéto, couplée à l'axe de rotation du générateur, ce qui rend la batterie superflue.
Puis les inventeurs se sont rendus compte qu'ils pouvaient se dispenser aussi de la petite magnéto : il découvrent le principe de l'autoexcitation. En effet, même si les électroaimants ne sont pas alimentés, une aimantation rémanente persiste dans leur noyau de fer. Lorsqu'on fait tourner les électroaimants, elle suffit à induire un faible courant électrique dans le circuit du générateur. Il suffit de coupler la sortie du générateur aux bobines des électroaimants pour que ces derniers soient traversés par un courant électrique et que leur aimantation augmente. En conséquence, le générateur produit un courant de sortie plus fort et ainsi de suite. Au fur et à mesure que le courant de sortie du générateur augmente, l'aimantation des électroaimants augmente aussi, le générateur atteint rapidement le régime de fonctionnement normal.
Plusieurs améliorations sont apportées dans les années suivantes.
Traditionnellement, chaque bobine avait son propre noyau de fer. À la fin des années 1860, Werner Siemens (1816-1892) et Antonio Pacinotti (1841-1912), l'un indépendamment de l'autre, placent les bobines sur un seul noyau de fer en forme d'anneau : c'est l'invention de la dynamo
(14). Au début de la décennie suivante, Zénobe Gramme (1826-1901) invente un nouveau type d'enroulement et diminue la distance entre le rotor et le stator
(15). Ses dynamos présentent des rendements supérieurs et sont une réussite commerciale.
Figure 11 : À gauche, la dynamo de Pacinotti. Le champ magnétique, produit par deux bobines verticales, traverse les bobines du rotor. Ce dernier, entraîné par une manivelle, tourne sur un axe vertical. À droite, la dynamo de Gramme. Le stator est le cadre en fer muni de quatre bobines, qui concentrent le champ magnétique dans le rotor (illustrations Wikipedia).
Selon la légende, lors de l'exposition universelle de 1873 à Vienne, Gramme ou un de ses collaborateurs connecta par inadvertance deux dynamos. En entraînant l'axe de l'une d'entre elles au moyen d'un moteur à vapeur, l'autre commença à tourner rapidement. Gramme découvrait ainsi que la dynamo est une machine électrique réversible : elle peut fonctionner comme moteur
(16). Les essais qui ont suivi ont montré que la longueur des câbles conducteurs qui connectaient le moteur à la dynamo pouvait dépasser le kilomètre. L'électricité pouvait donc être utilisée pour la transmission de l'énergie à distance. C'est elle qui se généralisera par le suite, et non les autres méthodes, en général mécaniques, de transmission de l'énergie essayées auparavant (tubes à air comprimé, conduites remplies d'eau, courroies couplés à un long arbre tournant, câbles en acier enroulé sur poulies).
L'énergie électrique est par ailleurs facile à distribuer, il suffit de connecter les divers moteurs à un même générateur. On réalise alors qu'un même réseau pourra alimenter à la fois des systèmes d'éclairage électrique ou d'autres appareils. Il ne restait qu'à évaluer les rendements de conversion et les pertes en ligne pour établir si ce schéma était viable du point de vue économique.
On prend alors conscience de la variété des applications potentielles. Dans l'usine, on ne se bornera plus à transmettre l'énergie mécanique en utilisant des arbres de ligne, des courroies, de l'air comprimé ou la pression hydraulique. Chaque machine pourra être équipée avec son propre moteur électrique, facile à commander, l'énergie étant transmise efficacement, pratiquement sans pertes. Dans l'agriculture, les moteurs électriques pourront remplacer l'énergie musculaire humaine et animale pour moudre le grain ou pomper l'eau d'irrigation. En matière de transports, les villes pourront être équipées d'omnibus électriques. Quant aux foyers, ils pourront bénéficier de nombreux appareils électroménagers.
Ces applications verront effectivement le jour. Mais il restait une étape à franchir. L'électricité est une forme d'énergie facile à transporter et à distribuer mais très difficile à stocker. La magnéto, puis la dynamo avaient augmenté la puissance par rapport à celle de l'élément galvanique, mais n'avaient pas résolu le problème du stockage
(17). Les savants comprennent alors qu'il faut considérer la chaîne dans sa globalité : l'énergie électrique est produite dans des centrales électriques par des générateurs, transportée à distance via des réseaux de distribution et utilisée aussitôt par les consommateurs. Ce schéma implique d'énormes investissements financiers.
Courant alternatif vs. courant continu
À la fin des années 1870, Edison, déjà célèbre pour l'invention du phonographe, veut développer un réseau de distribution d'électricité pour remplacer l'éclairage classique au bec de gaz. Il s'associe à des hommes d'affaires, fonde la société Edison Electric Light, perfectionne et commercialise l'ampoule électrique et dépose une multitude de brevets concernant générateurs, moteurs, conducteurs, fusibles, compteurs électriques.
En 1882, il construit la première centrale électrique pour éclairer le quartier de Wall Street à New York. Il utilise les connaissances en mathématiques d'un de ses collaborateurs, Frank J. Sprague (1857-1934), futur inventeur du tramway et de l'ascenseur électrique, pour concevoir intelligemment ses projets. Sprague améliore le moteur à courant continu et le rend utilisable à grande échelle : celui-ci est puissant, tourne à vitesse constante malgré les charges variables, ne produit plus d'étincelles et restitue le surplus d'énergie vers la centrale.
Edison n'est pas le seul à vouloir construire un système de distribution d'électricité. Inventeur d'un système de freinage pour les trains, George Westinghouse s'intéresse de plus en plus aux technologies électriques. Contrairement à Edison, qui conçoit son réseau de distribution sur le courant continu, Westinghouse croit au courant alternatif.
Le courant continu ne peut pas être acheminé efficacement sur de grandes distances à cause des pertes ohmiques dans les conducteurs, dont la valeur est donnée par le produit entre la résistance des conducteurs et le carré de l'intensité. Pour réduire ces pertes, on peut donc diminuer soit l'intensité soit la résistance. Dans le premier cas, il faudrait travailler à une tension plus haute (pour garder la même puissance, produit entre la tension et l’intensité du courant), ce qui pourrait endommager les appareils et mettre les utilisateurs en danger. Dans le deuxième cas, il faudrait utiliser des conducteurs de cuivre de faible résistance électrique. Comme la résistance d'un câble est inversement proportionnelle à sa section et proportionnelle à sa longueur, cela revient soit à utiliser des câbles très épais, donc très chers, soit à ne transporter l'énergie électrique que sur de courtes distances. C'est cette dernière solution qu'Edison adopte en préconisant la construction de petites centrales électriques dans chaque quartier.
Une autre solution, prônée par Westinghouse, est de concentrer la production de l'électricité dans une grande centrale, puis de la distribuer aux consommateurs. Il faudrait alors élever la tension à la sortie du générateur, pour diminuer les pertes ohmiques en ligne, puis transporter l'électricité par les câbles, et, une fois arrivée au consommateur, l'abaisser aux valeurs d'utilisation. Mais la technologie de l'époque ne permettait pas d'élever ou abaisser la tension d'un courant continu, alors que cela se faisait déjà très facilement pour le courant alternatif par l'intermédiaire du transformateur, inventé en 1881 par Lucien Gaulard (1850-1888) et John Dixon Gibbs (1834-1912).
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Une ampoule électrique peut aussi bien fonctionner en courant continu qu'en courant alternatif. Dans ce dernier cas, une fréquence de 60 Hz est suffisamment élevée pour que l'inertie thermique du filament rende l'éclairage constant : la lumière de l'ampoule ne tremblote pas au rythme du courant. Au contraire, un moteur électrique conçu pour le courant continu ne peut pas fonctionner en courant alternatif. Westinghouse avait donc besoin d'un moteur à courant alternatif, qui restait à inventer. Il s'intéresse alors aux travaux de Nikola Tesla sur les champs magnétiques tournants.
Tesla, qui est arrivé aux Etats-Unis en 1884, travaille dans la société d'Edison, bien que ce dernier soit hostile à ses idées en faveur du courant alternatif. Au service d'Edison, Tesla doit donc malgré tout continuer à travailler sur le courant continu. Mais les divergences entre les deux inventeurs s'accentuent. Edison aurait promis à Tesla 50 000 dollars, somme considérable à l'époque, pour améliorer les moteurs et générateurs de courant continu. Quand Tesla aurait réclamé son dû, Edison lui aurait ri au nez en lui disant : « Vous ne comprenez pas notre humour américain, Monsieur Tesla !»
En 1886, Tesla démissionne et à l'aide d'investisseurs, fonde sa propre société, Tesla Electric Light, spécialisée dans l'éclairage à l'arc électrique. Il souhaite y développer ses idées novatrices sur le courant alternatif mais les investisseurs craignent l'échec. Ils prennent le contrôle de la société et licencient Tesla. Pour se nourrir, ce dernier est contraint à travailler comme ouvrier sur des chantiers de creusement de fossés pour câbles électriques. Après quelques mois, il est contacté par d'autres investisseurs et la société Tesla Electric Company est créée. Tesla dispose maintenant d'un laboratoire. C'est là qu'il va concrétiser ses recherches sur le moteur à courant alternatif et le système d'alimentation polyphasé. Dès 1888, Westinghouse achète à prix d'or les brevets de Tesla et l'embauche comme consultant.
Récapitulatif chronologique sommaire des inventeurs et inventions mentionnés
- Charles-Augustin de Coulomb (1736-1806), France, lois d'attraction et répulsion des charges électriques - Hans Christian Œrsted (1777-1851), Danemark, un courant électrique engendre un champ magnétique - André-Marie Ampère (1775-1836), France, loi d'interaction entre les courants électriques - William Sturgeon (1783-1850), Grande Bretagne, le premier électroaimant (fig. 2) - Michael Faraday (1791-1867), Grande Bretagne, l'induction électromagnétique (1831) ; le premier générateur électrique - Joseph Henry (1797-1878), États-Unis, électroaimants puissants ; l'auto-inductance ; le premier moteur électrique (fig. 4) - Charles G. Page (1812-1868), USA - Werner Siemens (1816-1892), Allemagne, la dynamo (fin des années 1860) - 1820 : article d’Œrsted, puis d’Ampère & Arago. - 1831 : premier moteur électrique d’Henry - 1831 : découverte de l’induction électromagnétique par Faraday – un champ magnétique variable engendre un courant électrique (fig. 5) - 1832 : premier générateur électrique construit par Pixii et Ampère (fig. 7) - 1844 : utilisation de l’électricité dans le télégraphe par Samuel Morse. - George Westinghouse (1846-1914), USA - Thomas Edison (1847-1931), USA - 1851 : essai (infructueux) de moteur électrique pour la traction ferroviaire par Charles Page. - Nikola Tesla (1856-1943), Serbie/ USA
Le Brevet de Tesla sur le moteur synchrone
Cette publication
(18) fait partie d'une série de sept brevets déposés le 1er mai 1888. L'idée du moteur sans contact à champ magnétique tournant remonte probablement à la fin des années 1870, quand Tesla était étudiant à l'Ecole Polytechnique de Graz
(19). En fait, le brevet présente plusieurs variantes de moteurs et générateurs synchrones, le concept de courant alternatif biphasé et triphasé, ainsi que le réseau de distribution associé.
Tesla annonce d'emblée, à la ligne 15, la principale caractéristique de son invention, le moteur synchrone, moteur dont la vitesse de rotation angulaire est synchronisée avec celle du champ magnétique tournant, et qui, dans certaines limites de valeurs, est indépendante du couple mécanique résistant opposé par la charge mécanique
(20):
… demands a uniformity of speed in the motor irrespective of its load within its normal working limits
À la ligne 34, l'inventeur introduit le concept de champ magnétique tournant, engendré par des bobines du stator traversées par des courants alternatifs sinusoïdaux :
A motor is employed in which there are two or more independent circuits through which alternate currents are passed at proper intervals, in the manner hereinafter described, for the purpose of effecting a progressive shifting of the magnetism or of the “lines of force" in accordance with the well-known theory, and a consequent action of the motor.
Le rotor tourne car son moment magnétique a tendance à s'orienter suivant le champ magnétique tournant du stator
(21) :
It is obvious that a proper progressive shifting of the lines of force may be utilized to set up a movement or rotation of either element of the motor, the armature, or the field-magnet …
Le champ tournant permet au moteur de courant alternatif de s'affranchir du commutateur
(22), dispositif mécanique utilisé par les moteurs de courant continu dont le rôle, expliqué auparavant, est d'inverser le sens du courant dans le rotor et d'assurer ainsi la continuité de son mouvement de rotation. Le commutateur est susceptible de s'user dans le temps, ce qui augmente le coût de la maintenance du moteur. En revanche, le champ magnétique tournant requiert une source de courants alternatifs, ce qui contraint Tesla à introduire alors le générateur de courant alternatif biphasé, ainsi que le réseau de distribution :
… if the currents directed through the several circuits of the motor are in the proper direction no commutator for the motor will be required; but to avoid all the usual commutating appliances in the system I prefer to connect the motor circuits directly with those of a suitable alternate current generator.
La description du fonctionnement de ce type de moteur est très détaillée et suit les étapes montrées sur les huit premières figures du brevet, qui décrivent les positions successives du rotor du générateur (à gauche) et du rotor du moteur (à droite), espacées d'un demi-quadrant (π/4), pendant une rotation complète.
Le rotor du générateur G est formé par deux bobines B et B', disposées perpendiculairement l'une à l'autre, tournant solidairement dans le champ magnétique d'un aimant permanent (le stator). Elles engendrent alors deux courant alternatifs sinusoïdaux déphasés de 90° : c'est effectivement un générateur de courant alternatif biphasé.
Sur la figure 1 du brevet, la bobine B reçoit un flux magnétique maximal, la tension électromotrice induite, proportionnelle à la dérivée du flux, est alors nulle. En revanche, la bobine B' reçoit un flux magnétique nul, mais dont la vitesse de variation est maximale, la tension induite à ses bornes est alors maximale.
Figure 12 : Générateur de courant alternatif biphasé décrit dans le brevet, formé par deux bobines perpendiculaires B et B', tournant dans le champ magnétique d'un aimant permanent. À gauche, la position des bobines à l'instant t=0. Par souci de clarté, on a ajouté les enroulements des bobines. À droite, la courbe des signaux des tensions U et U' : elles sont déphasées de 90°.
Pour collecter le courant produit par les bobines tournantes, Tesla utilise un système classique de quatre collecteurs rotatifs de type balai-anneau. Chacune des quatre bornes des deux bobines est connectée à un anneau, solidaire à l'axe du moteur. Lorsque le rotor tourne, les quatre anneaux glissent sur le balai collecteur immobile.
Ce système reste soumis à l'usure mécanique, mais moins que le commutateur rotatif. Ce dernier, étant formé de segments d'anneaux isolés, interrompait périodiquement le contact électrique, ce qui engendrait étincelles, échauffement et usure rapide. Le collecteur rotatif balai-anneau ne présente pas cet inconvénient, le circuit électrique n'étant jamais interrompu, puisque c'est le courant alternatif qui effectue la commutation.
e moteur est constitué de deux paires de bobines CC et C'C', enroulées sur un tore (ou coque cylindrique) et disposées à 90°. Le champ magnétique produit par une des paires est montré sur la figure qui suit :
Figure 13 : Champ magnétique produit par une bobine enroulée sur un tore (à gauche). Les lignes de champ, guidées à l'intérieur des matériaux avec une forte perméabilité magnétique, suivent le contour du tore. À droite, les deux bobines, diamétralement opposées, sont connectées en série de telle manière que dans le tore, leurs champs magnétiques ont des sens contraires. Cela détermine le champ magnétique résultant à sortir du tore dans la région située à mi-distance des deux bobines. Ce phénomène est d'autant plus important si au milieu du tore, à la place de l'air, de faible perméabilité magnétique, se trouve un matériau ferromagnétique, capable de canaliser les lignes de champ (© Ilarion Pavel).
Alimentés par deux courants alternatifs déphasés de 90°, les deux paires de bobines produisent un champ magnétique tournant. La bobine B' du générateur alimente avec la tension U' la paire de bobines CC du moteur, la bobine B avec la tension U la paire C'C'.
Figure 14 : Le champ magnétique tournant du moteur décrit dans le brevet – pour des raisons de clarté, on a ajouté en rouge les lignes du champ magnétique. La paire de bobines CC est alimentée avec la tension U', la paire C'C' avec la tension U, provenant du générateur décrit auparavant. À gauche, le champ magnétique à l'instant initial t=0, quand seule la paire CC est alimentée, la paire C'C' recevant une tension nulle. À droite, après un retard de π/4, les deux paires sont alimentées avec des tensions égales : les deux contributions au champ magnétique s'additionnent pour donner un champ résultat tourné de π/4 par rapport à l'instant initial.
Le champ magnétique tournant oriente alors l'axe d'aimantation du disque D (son moment magnétique), qui constitue en fait le rotor du moteur, et le fait tourner. Les positions successives du rotor espacées de π/4, pendant une rotation complète, sont indiquées dans les figures 1a-8a.
Ligne 101, page 2, Tesla observe que le rotor D tourne même si sa forme géométrique est parfaitement circulaire et attribue correctement ce comportement au ferromagnétisme du matériau :
The disk D in Fig. 9 is shown as cut away on opposite sides; but this, I have found, is not essential to effecting its rotation, as circular disk, as indicated by dotted lines, is also set in rotation. This phenomenon I attribute to a certain inertia or resistance inherent in the metal to the rapid shifting of the lines of force through the same, which results in a continuous tangential pull upon the disk, causing its rotation. This seems to be confirmed by the fact that a circular disk of steel is more effect ively rotated that one of soft iron, for the reason that the former is assumed to posses a greater resistance to the shifting of the magnetic lines.
Il faudra attendre 1906 pour que le physicien français Pierre Weiss (1865-1940) explique cette
résistance au changement des lignes de champ, qui caractérise les matériaux ferromagnétiques, par la modification des frontières des micro-domaines magnétiques du matériau, domaines dits de
Weiss. Et ce n'est qu'en 1928 que Werner Heisenberg (1901-1976) explique le ferromagnétisme à partir des bases de la mécanique quantique, qui venaient d'être posées
(23). L'acier se comporte mieux que le fer car il possède une aimantation rémanente (à champ magnétique nul son moment magnétique n'est pas nul) – ce qui n'est pas le cas du fer.
Pendant sa rotation, le moment magnétique du disque D n'est pas orienté exactement dans la direction du champ tournant, mais fait un angle avec cette dernière, en fonction de la charge mécanique couplée à l'axe du moteur.
Pour connecter le moteur avec le générateur, Tesla utilise 4 conducteurs, LL et L'L', qui forment ainsi un système de distribution de courant biphasé, comme on peut le remarquer sur sa figure 9 ci-dessus
(24).
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Dans la suite de l'article, Tesla présente d'autres versions et améliorations de générateurs et moteurs synchrones.
En général, les bobines d'un moteur ou générateur électrique sont disposées en deux type d'architectures : enroulées sur un tore (ou anneau) ou sur un tambour
(25). Ainsi, dans le système initial, décrit dans la figure 9, les bobines du générateur sont de type tambour et celles du stator du moteur, de type anneau.
Les machines synchrones étant réversibles, les rôles du moteur et du générateur sont facilement interchangeables. On peut aussi jouer sur l'architecture anneau ou tambour, ou sur le choix aimant permanent ou électroaimant pour réaliser diverses versions de système générateur-moteur.
Dans le système exposé dans les figures 10, 11 et 12, le générateur G a un stator aimant permanent (dont les pôles N et S sont indiqués dans la figure 11) et un rotor de type anneau, formé par deux paires de bobines FF et F'F'. Le stator du moteur M est construit à partir d'un matériau ferromagnétique, de préférence l'acier, pour ses propriétés d'aimantation rémanente
(26). Son rotor n'est plus un aimant permanent, il est formé par deux bobines E et E' disposées à 90° (rotor bobiné en tambour) et nécessite un collecteur rotatif pour l'alimentation électrique.
Dans les figures 13 et 14, Tesla expose un système générateur-moteur-distribution de courant triphasé. Le rotor du générateur, constitué de trois bobines identiques décalées de 120°, tourne dans le champ magnétique d'un aimant permanent et produit trois tensions alternatives sinusoïdales, décalées également par des phases de 120°. Le système de distribution triphasé utilise 6 fils conducteurs
(27) pour alimenter le stator du moteur, formé par trois paires de bobines, dont les axes sont décalés de 60° et qui engendrent le champ magnétique tournant :
The variations in the strength and direction of the currents transmitted through these circuits and traversing the coils of the motor produce a steadily progressive shifting of the resultant attractive force exerted by the poles G' upon the armature D, and consequently keep the armature rapidly rotating. The peculiar advantage of this disposition is in obtaining a more concentrated and powerful field.
Le rotor est formé par un disque D ferromagnétique, comme dans le cas du système présenté initialement dans la figure 9, il n'y a donc pas besoin de système d'alimentation du rotor de type collecteur rotatif. La disposition des bobines, leur nombre (3 paires) et le faible entrefer (espace entre le noyau des bobines et le rotor) font obtenir un champ magnétique tournant bien plus fort, donc un moteur de meilleure puissance par rapport à celui de la figure 9.
Les figures 15 et 16 décrivent un moteur M dont le stator est réalisé par deux bobines N' et N'' enroulées en tambour, disposées à 90°. Comme dans le cas précédent, le rotor D est constitué d'un disque ferromagnétique. Le champ magnétique produit par les bobines tambour est bien plus puissant que celui produit par des bobines enroulées sur l'anneau, on s'attend alors à un moteur plus puissant que celui décrit dans la figure 9.
Le stator du générateur G, formé par les paires de bobines PP et P'P', a la particularité d'être l'induit : la tension électromotrice est induite dans le stator et non dans le rotor, comme c'était le cas des autres générateurs présentés auparavant. En utilisant un aimant permanent A comme rotor du générateur, on arrive à un système, moteur aussi bien que générateur, qui ne fait plus du tout appel à des systèmes de contact mécanique du type collecteur rotatif :
This mode of carrying out the intervention has the advantage of dispensing with the sliding contacts in the system.
Le stator du générateur est bipolaire (formé par deux paires de bobines) alors que celui du moteur est unipolaire. Lorsque le rotor du générateur effectue une demi-rotation, le courant induit effectue un cycle complet, le moteur aussi. Le moteur tourne alors deux fois plus vite que le générateur, fait remarqué par Tesla ligne 46, page 4 :
…the number of alternating impulses resulting from one revolution of the generator armature is double compared with the preceding cases and the polarities in the motor are shifted around twice by one revolution of the generator-armature. The speed of the motor will, therefore, be twice that of the generator.
La figure 17 décrit un moteur M dont le stator et le rotor sont uniquement réalisés à l'aide d'électroaimants, alimentés par un courant alternatif biphasé. En fait, le stator comme le rotor produisent chacun leur propre champ magnétique tournant. Les connexions électriques sont réalisées de manière à ce que les deux champs tournent dans des sens contraires, leur vitesse relative est alors double par rapport à un moteur à un seul champ tournant, ce qui lui confère une vitesse de rotation double, fait rappelé par Tesla à la fin du brevet, à la ligne 55, page 4.
Le stator est bipolaire. Chacun des deux pôles (sur la figure 17, respectivement en rouge et en bleu) est formé de quatre bobines liées en série et diamétralement opposées deux par deux.
Le rotor est constitué de deux bobines E et E', également disposées à 90° et alimentées pas un collecteur rotatif, comme c'est le cas du rotor de la figure 10. Les circuits électriques du rotor et du stator sont liés en parallèle (shunt) et connectés, via un système de distribution de courant biphasé à quatre conducteurs (figure 19), au générateur G (figure 18). Le générateur G est identique à celui décrit dans la figure 9.
À la fin du brevet, Tesla apporte des arguments pour expliquer le synchronisme entre le rotor et le champ magnétique tournant, ligne 34, page 4 :
… it will be observed that since the disk D has a tendency to follow continuously the points of greatest attraction, and since these points are shifted around the ring once for each revolution of the armature of the generator, it follows that the movement of the disk D will be synchronous with that of armature A.
En effet, le champ magnétique tournant aimante le disque D, qui produit à son tour son propre champ magnétique. C'est en additionnant ces deux contributions (champ tournant et champ propre) qu'on obtient le champ résultant. Sa tendance à s'orienter dans la direction des lignes de champ tournant entraîne la rotation du disque, qui tourne à la même vitesse angulaire que le champ tournant ; il est donc synchrone.
Quelques lignes plus loin, il répète ses arguments et ajoute l'indépendance du mouvement synchrone par rapport à la charge mécanique du moteur :
…since the attractive effect upon the disk D is greatest when the disk is in its proper relative position to the poles developed in the ring R – that is to say, when its ends or poles immediately follow those of the ring – the speed of the motor for all the loads with the normal working limits of the motor will be practically constant… the speed can never exceed the arbitrary limit as determined by the generator, and also that within certain limit at least the speed of the motor will be independent of the strength of the current.
En effet, lors du fonctionnement du moteur, le champ résultant n'est pas parfaitement aligné avec les lignes de champ tournant ; les deux directions font un angle. Le champ magnétique exerce sur le disque un couple mécanique proportionnel au sinus de cette angle, qui s'équilibre avec le couple résistant de la charge mécanique : plus la charge est importante, plus l'angle augmente. Néanmoins, le disque continue à tourner de façon synchrone avec le champ tournant, tant que la charge mécanique est raisonnable, l'angle restant inférieur à 90° (voir annexe technique, partie « moteur synchrone »).
Dans la fin du brevet sont détaillées les principales caractéristiques du moteur à induction inventé par Tesla :
… a uniform speed under all loads within the normal working limit of the motor without the use of any auxiliary regulator; synchronism between the motor and generator; greater efficiency by the more direct application of the current, no commutating devices being required on either the motor or generator; cheapness and simplicity of mechanical construction and economy in maintenance; the capability of being very easily managed or controlled; diminution of danger from injury to persons and apparatus.
Tesla déclare connaître l'existence du moteur de courant continu, qui doit utiliser le commutateur, dispositif mécanique indispensable pour inverser les sens du courant dans les bobines du rotor afin de lui garantir le mouvement de rotation. Mais il trouve cette solution peu pratique, sans l'expliquer dans le détail :
I am aware that the rotation of the armature of a motor wound with two energizing- coils at right angles to each other has been effected by an intermittent shifting of the energizing effect of both coils through which a direct current by means of mechanical devices has been transmitted in alternately-opposite directions; but this method or plan I regard as absolutely impracticable for the purposes for which my invention is designed—at least on any extended scale—for the reasons, mainly, that a great waste of energy is necessarily involved unless the number of energizing-circuits is very great, and that the interruption and reversal of a current of any considerable strength by means of any known mechanical devices is a matter of the greatest difficulty and expense.
Comme on l'a vu auparavant, le commutateur, pièce mécanique en mouvement, a l'inconvénient de s'user rapidement et de devoir être remplacé périodiquement. Il ne peut supporter ni des courants trop importants, car les contacts ohmiques peuvent chauffer fortement, ni des tensions trop grandes, car l'ouverture et la fermeture périodiques du circuit engendrent des étincelles. C'est probablement à cet inconvénient que Tesla fait référence dans la citation précédente, quand il affirme que le moteur à induction est moins dangereux pour les personnes.
Tesla termine la rédaction du brevet, comme c'est l'usage, en récapitulant la liste des inventions.
La Guerre des courants : Edison contre Tesla et Westinghouse
Malgré les avantages du courant alternatif, Edison ne s'avoue pas vaincu. Entre 1887 et 1893, il mène une campagne de désinformation pour convaincre les investisseurs, les législateurs et les clients potentiels de la supériorité du courant continu. Westinghouse et Tesla ripostent et la bataille fait rage. On l'appellera plus tard, à juste titre, la Guerre des courants.
Edison prétend que le courant alternatif serait trop dangereux pour l'utilisateur et fait électrocuter, dans des démonstrations publiques, des chiens, des chats, des veaux et des chevaux. Il va jusqu'à proposer d'utiliser le courant alternatif pour l'exécution des condamnés à mort et d'appeler westinghouser l'acte d'exécuter
(28).
L'opposition d'Edison au courant alternatif s’explique par sa volonté de protéger son investissement, ses brevets, ses éventuelles royalties, tous fondés sur la technologie du courant continu. Et son modèle économique reposait sur la construction d'un grand nombre de petites centrales électriques, dont la vente aurait pu générer des revenus importants.
Cependant, malgré le prestige et les ressources financières d'Edison, Westinghouse gagne de plus en plus de parts de marché. Exaspérés par l'entêtement d'Edison pour le courant continu, les actionnaires font fusionner en 1892 la société Edison Electric avec Thomson-Houston, cette dernière ayant un savoir-faire dans le domaine du courant alternatif. La nouvelle société, General Electric, investit massivement dans la technologie du courant alternatif : elle aura cependant besoin de plusieurs années pour rattraper son retard par rapport à Westinghouse.
La
Guerre des courants prend fin en 1893, quand le contrat de construction de la centrale hydroélectrique sur les chutes du Niagara est finalement attribué à Westinghouse. General Electric devra se contenter de la construction de la ligne de haute tension reliant la centrale hydroélectrique du Niagara à la ville de Buffalo. Bien plus tard, Edison reconnaîtra que son opposition au courant alternatif a été «la plus grande gaffe de sa vie
(29) ».
Mais cette concurrence acerbe fut néfaste pour Tesla. La société Westinghouse se trouva presque en faillite. Sous la pression d'investisseurs, notamment de J. P. Morgan
(30) (1837-1913), Westinghouse demanda à Tesla de renoncer à ses royalties afin d'empêcher sa perte de contrôle sur la société. Tesla accepta et déchira le contrat qui lui accordait un dollar de royalties pour chaque cheval-puissance d'électricité vendue, ce qui lui aurait assuré une gigantesque fortune.
Autres inventions de Nikola Tesla
En 1890, à l'aide d'une nouvelle invention, la bobine d'induction qui porte aujourd'hui son nom, Tesla produit des courants de haute tension et haute fréquence. Il observe qu'ils s'établissent sur une couche périphérique du conducteur, phénomène aujourd'hui appelé effet pelliculaire. Le corps humain peut alors être traversé par un courant de haute fréquence sans danger : ce dernier passe par la peau, préservant ainsi les tissus, tandis que le sujet éprouve une sensation de chaleur. Tesla étudie les effets physiologiques de ces courants et propose de les utiliser en médecine.
À la même époque, il effectue des démonstrations à sensation. À l'aide d'un générateur de haute fréquence, il engendre dans une pièce des forts champs électromagnétiques, qu'il utilise pour éclairer des tubes à gaz, sans fil. Parfois, il tient les tubes dans sa main, en faisant passer le courant électrique de haute fréquence à travers son corps : il produit alors des décharges électriques analogues à la foudre entre son corps et les installations du laboratoire
(31).
Figure 15: Tesla tenant une des ses lampes dites sans fil (photographie publiée sur la couverture du magazine Electrical Experimenter, 1919). Pour alimenter la lampe, le courant électrique, de haute fréquence, traverse son corps (illustration Wikipedia).
En 1893, il utilise un circuit résonant accordé constitué d'une bobine et d'un condensateur pour transmettre des signaux électriques à distance. Il pose ainsi les fondements de la télégraphie sans fil. Perfectionniste, Tesla travaille sans cesse à l'amélioration de ses appareils. Malheureusement, en 1895, un incendie détruit complètement son laboratoire, des années de travail sont irrémédiablement perdues. Comme d'habitude, l'inventeur travaillait en même temps sur plusieurs sujets, dont la liquéfaction de l'air. Il est possible que l'incendie ait été déclenché par l'oxygène liquéfié entré en contact avec l'huile de transformateur.
Au cours de cette malheureuse année 1895, Tesla réalise par ailleurs de nombreuses expériences utilisant des tubes Lenard et met en évidence les rayons X. Il réalise ainsi plusieurs photographies des parties du squelette humain
(32). Un des sujets est son bon ami le romancier Mark Twain (1835-1910). Tesla note qu’une exposition prolongée de ses mains aux rayons X conduit à des irritations de la peau, mais il attribue à tort cet effet à l'ozone formé pendant les décharges. Parmi ses appareils de laboratoire figurent les ancêtres du microscope électronique et de l'accélérateur de particules. Il émit plusieurs hypothèses en faisant preuve d'une intuition inouïe quant à l'existence du vent solaire ou de la désintégration radioactive.
@@@@@@@
Aidé par le financier J. P. Morgan, Tesla reconstruit son laboratoire et en 1897, réalise une première transmission sans fil
(33) : des signaux sont captés à 40 km de distance par un récepteur situé à bord d'un bateau naviguant sur la rivière Hudson. Tesla donne ainsi naissance à la radio
(34).
En 1898, Tesla applique les concepts développés pour la télégraphie sans fil pour mettre au point un bateau télécommandé
(35). Il essaie de vendre le concept à la marine américaine, sans succès, il faudra attendre la première guerre mondiale pour comprendre l'importance des engins téléguidés. Pendant ses nombreuses conférences publiques, il promeut l'idée de réaliser des robots télécommandés. Pour les commander séparément, sans risque de brouillage, il invente les portes logiques ET et OU, redécouvertes cinquante années plus tard dans la construction des ordinateurs et qui restent encore aujourd'hui la base de leur architecture
(36).
Figure 16 : Le bateau télécommandé de Tesla, dit "teleautomaton", et une de ses démonstrations publiques, en 1898, à Madison Garden Square (illustrations Wikipedia).
En 1899, pour expérimenter la transmission de l'énergie à distance, Tesla construit à Colorado Springs un émetteur d'une puissance de 200 kW produisant des tensions de 12 millions de volts et des fréquences de quelques kilohertz. Tesla concevait la terre et son ionosphère comme les armatures d'un énorme condensateur qu'on pourrait exciter par des signaux électriques. En injectant alors de l'énergie à un certain point de la surface terrestre, il pensait faire osciller la ionosphère, transmettre ces oscillations et les récupérer à un autre point de la surface terrestre. Tesla détermine la fréquence de résonance de l'ionosphère, redécouverte dans les années 1950 et aujourd'hui appelée la résonance de Schumann, autour de 8 Hz.
En 1900, il commence la construction d'une grande tour munie d'une antenne à Wardenclyffe (Long Island) dans le but de continuer ses recherches sur la transmission de l'énergie à distance. En effet, Tesla rêve d'offrir l'accès gratuit à l'énergie électrique en tout point de la planète. Il imagine d'utiliser une lampe ultraviolette très directive et de forte puissance afin d'ioniser les molécules de l'air et de former ainsi un canal de conduction entre la Terre et l'ionosphère. C'est à travers ce canal qu'il voulait injecter de l'énergie dans l'ionosphère, en envoyant des décharges électriques de millions de volts, analogues à la foudre. Une autre lampe, située dans un autre endroit de la Terre, devait engendrer un canal de conduction similaire, par lequel l'énergie injectée serait récupérée, en particulier pour éclairer des villes ou propulser navires et avions. Ce projet ne sera jamais concrétisé.
Figure 17 : À gauche, une des expériences de Tesla de transmission de l'énergie à distance effectuée à Colorado Springs. La source d'énergie se trouve à 30 m des ampoules qu'elle alimente. À droite, la tour de Wardenclyffe, que Tesla comptait utiliser pour transmettre de l'énergie à travers l'ionosphère (illustrations Wikipedia).
En 1901, après que Marconi a réussi la première transmission télégraphique sans fil transatlantique, J. P. Morgan se désengage financièrement des projets de Tesla. Ayant le monopole du cuivre utilisé dans la fabrication des câbles électriques, J. P. Morgan ne voyait pas d'intérêt à financer la transmission de l'énergie à distance. De plus, cette dernière ne permettait plus de chiffrer la consommation de l'utilisateur, donc posait un problème de facturation et, en conséquence, de retour sur investissement. La distribution gratuite d'énergie en tout point de la Terre ne l'enchantait guère, au point qu'il découragea les autres financiers d'investir dans le projet de Tesla.
Malgré le manque de financement, sans laboratoire, Tesla continue ses travaux de recherche, invente une turbine sans pales
(37), un avion à décollage vertical à hélices orientables
(38) et énonce le principe de fonctionnement du radar
(39).
Afin d’éviter les guerres, Tesla dédia ses dernières années de sa vie à la conception d'une nouvelle arme, le rayon de la mort, capable de produire et diriger des faisceaux d'ions, mais qu'il ne mettra jamais au point.
Nikola Tesla reste un inventeur d'exception, doué d'une imagination et d'une intelligence hors du commun. Il travaillait avec une telle fébrilité qu'au gré de ses idées, il quittait un sujet de recherche pour un autre. Par manque de temps, il n'est pas parvenu à concrétiser un grand nombre de ses idées. Plusieurs de ses techniques et mises au point de laboratoire n'ont jamais été brevetées.
Esprit idéaliste, totalement désintéressé par l'argent, Tesla a toujours souhaité que ses inventions soient utilisées pour rendre plus confortable la vie des hommes. Il n'a jamais protégé ses brevets et a toujours réinvesti ses profits pour équiper son laboratoire et financer ses recherches. Il a fait la fortune des autres mais il est mort en 1943 à New York dans la misère matérielle et dans l'oubli.
En 1960, lors de la Conférence Générale des Poids et Mesures, le tesla (T) fut adopté comme unité du Système International pour l'induction magnétique.
7 janvier 2013
(à l’occasion du 70e anniversaire de la mort de Tesla)
Champ magnétique
Un conducteur long, rectiligne, parcouru par un courant électrique I engendre un champ magnétique B dont les lignes de champ, circulaires, entourent le conducteur. Elles peuvent être mises en évidence avec une petite boussole ou avec de la limaille de fer. Leur sens est donné par la règle de la main droite : on oriente le pouce dans le sens du courant, les doigts indiquent alors le sens des lignes de champ. Le champ magnétique est tangent aux lignes de champ, sa valeur est proportionnelle au courant I et inversement proportionnelle à la distance r du conducteur :
où μ=4π.10-7 est une constante de proportionnalité appelé perméabilité magnétique, le facteur 2π étant choisi par convenance dans le système d'unités de mesure SI.
Figure A1 : Lignes de champ magnétique du fil rectiligne (gauche) et d'une spire circulaire de courant (droite). (© Ilarion Pavel)
En principe, on peut déterminer le champ magnétique de toute distribution de courants en utilisant le principe de superposition : on la divise en petits domaines, on calcule le champ magnétique de chacun d'entre eux, puis on fait la somme de toutes les contributions. Si la distribution a une géométrie simple (fil infini, spire circulaire, nappe de courant), le résultat s'exprime par des formules mathématiques analytiques ; si la géométrie est quelconque, il faut faire appel au calcul numérique.
Ainsi, le champ magnétique d'une spire parcourue par un courant électrique au centre de la spire est-il donné par l'expression :
@@@@@@@
Le champ magnétique d'un solénoïde peut se calculer en additionnant le champ magnétique de chaque spire. À l'intérieur, le champ magnétique est donné par l'expression :
où
N est le nombre de spires,
I l'intensité du courant qui les parcourt et
la longueur du solénoïde.
Le champ magnétique d'un solénoïde est pratiquement équivalent à celui d'un barreau magnétique, ce qui le rend très adapté à la construction des électroaimants. Afin d'augmenter le champ électrique, on place à l'intérieur du solénoïde un noyau en fer ou acier, qui a des propriétés ferromagnétiques : le champ magnétique produit par le solénoïde oriente les aimants élémentaires qui se trouvent à l'échelle atomique dans ces matériaux. Ces aimants élémentaires engendrent, à leur tour, un champ magnétique, quelques milliers de fois supérieur à celui du solénoïde initial. En pratique, on utilise des alliages spéciaux qui permettent d'augmenter ce facteur à 100 000.
Figure A2 : Un solénoïde (à gauche) se comporte pratiquement comme un barreau aimanté (à droite). Le pôle nord est donné par la règle de la main droite : les doigts sont orientés dans le sens du courant électrique qui traverse la bobine, le pouce indique le sens du champ magnétique (pôle nord). (© Ilarion Pavel)
Loi de Laplace
Un conducteur traversé par un courant électrique I subit dans un champ magnétique B une force, dite de Laplace, perpendiculaire au plan formé par le conducteur et le champ magnétique. Elle est proportionnelle au champ magnétique, au courant, à la longueur du conducteur et au sinus de l'angle formé par le conducteur et le champ magnétique :
ou sous forme vectorielle :
Figure A3 : La force de Laplace. Lorsqu'on fait passer un courant électrique à travers un conducteur suspendu par deux fils verticaux et situé dans un champ magnétique, le conducteur subit une force F, proportionnelle au courant I, au champ magnétique B et à la longueur du conducteur, et perpendiculaire au plan formé par le conducteur et le champ. Dans ce cas précis, l'angle entre le conducteur et le champ est de 90° (© Ilarion Pavel).
Si on fait passer un courant électrique I à travers un cadre rectangulaire, situé dans le champ magnétique d'un aimant, la force de Laplace, agissant sur chaque arête, entraîne l'apparition d'un couple de force M, qui fera tourner le cadre, jusqu'à ce que sa surface soit perpendiculaire au champ magnétique (le couple s'annule dans ce cas, son bras de levier étant nul) :
qui, après quelques manipulations simples d'algèbre vectorielle, peut s'écrire
où
est le vecteur aire du cadre rectangulaire. Le produit
s'appelle le moment magnétique et exprime en quelque sorte le champ magnétique engendré par le courant
I qui parcourt le cadre.
On peut exprimer ce résultat d'une autre manière : le courant qui parcourt le cadre donne naissance à un moment magnétique, qui a tendance à s'aligner avec le champ magnétique de l'aimant.
Figure A4 : Effet du champ magnétique B sur un cadre rectangulaire parcouru par un courant électrique I. Sur les côtés gauche et droit, les forces de Laplace F donnent naissance à un couple M qui fait tourner le cadre jusqu'à ce que celui-ci s'oriente verticalement, quand le bras de levier s'annule (figure de gauche). Une explication équivalente (figure de droite) : le moment magnétique m, engendré par le courant qui traverse le cadre, a tendance à s'orienter sur la direction du champ magnétique de l'aimant B (© Ilarion Pavel).
L'action mécanique du champ magnétique sur les conducteurs traversés par un courant électrique, en particulier sur un conducteur en forme de cadre ou de spire, est à la base du fonctionnement des moteurs électriques.
Le moteur électrique
Le cadre rectangulaire considéré dans la section précédente tourne jusqu'au moment où son moment magnétique se trouve aligné avec le champ magnétique de l'aimant. Mais si chaque fois que cette configuration est atteinte, on inverse le sens du courant, le moment magnétique s'inverse aussi et se trouve alors dans le sens opposé au champ magnétique de l'aimant. Pour se réaligner dans le même sens sur le champ magnétique, le cadre continue alors de tourner.
Pour inverser le sens du courant, il suffit d'utiliser un dispositif mécanique appelé commutateur rotatif
(40), formé par deux demi-anneaux soudés aux extrémités du cadre et connecté par des balais à une source de courant continu.
Figure A5 : Le principe du moteur électrique. Au moment où le moment magnétique du cadre m s'aligne avec le champ magnétique de l'aimant permanent B, la rotation du cadre est censée s'arrêter. Cependant, au même moment, la rotation du commutateur change le sens du courant dans la spire, donc celui du moment m. Pour l'aligner à nouveau dans la direction du champ magnétique, le cadre doit tourner et le processus se répète (© Ilarion Pavel).
Loi d'induction de Faraday
Lorsqu'on approche ou éloigne un aimant permanent d'une bobine connectée à un galvanomètre, l'aiguille du galvanomètre dévie. On obtient le même résultat en déplaçant la bobine tout en gardant l'aimant fixe. Mais si on maintient la bobine et l'aimant fixes, le galvanomètre indique zéro : l'induction électromagnétique n'apparaît que si le champ magnétique est variable.
Figure A6 : L'induction électromagnétique. En approchant un aimant permanent d'une bobine connectée à un galvanomètre, l'aiguille de l'instrument dévie (© Ilarion Pavel).
Le flux d'un champ magnétique B qui traverse une surface S est donné par l'expression :
Le produit scalaire montre que c'est la projection du champ perpendiculaire à la surface qui est prise en compte
(41).
La loi d'induction de Faraday affirme que la variation du flux magnétique dans un circuit engendre à une tension électromotrice :
Si le circuit est fermé, la tension électromotrice donne naissance à un courant électrique, mesurable avec un galvanomètre. Le signe négatif montre que le courant induit s'oppose à la variation du flux inducteur, en quelque sorte, au changement de son état initial. Ce principe est connu sous le nom de loi de Lenz.
En faisant tourner un cadre mobile dans le champ magnétique d'un aimant permanent, le flux magnétique qui traverse la surface du cadre varie, la tension électromotrice induite change périodiquement de signe. En branchant un appareil consommateur, par l'intermédiaire d'un collecteur rotatif formé de deux balais connectés à des anneaux soudés au cadre, il s'établit dans le circuit, par induction de Faraday, un courant électrique qui alterne périodiquement de sens. On l'appelle courant alternatif.
Figure A7 : Principe du générateur électrique. En variant la surface traversée par le champ magnétique B, la rotation du cadre mobile fait varier le flux Φ, ce qui induit une tension électromotrice U dans le circuit. Si on branche un consommateur R, un courant alternatif apparaît dans le circuit (© Ilarion Pavel).
La surface du cadre mobile traversée par les lignes de champ magnétique est proportionnelle au cosinus de l'angle formé par le champ B et la normale à la surface S
(42). Si le cadre tourne avec une vitesse angulaire uniforme ω, l'expression du flux est :
où Φ0 est le flux maximal qui traverse la surface (quand celle-ci est perpendiculaire aux lignes de champ). En appliquant la loi de l'induction, on obtient l'expression de la tension électromotrice induite :
où U0 est la tension maximale. Si on branche un consommateur aux bornes du générateur, un courant électrique traverse le circuit. En général, suivant la nature du consommateur, l'intensité n'est pas en phase avec la tension mais se trouve décalée par une phase , ce qu'on appelle déphasage courant-tension :
Pour une résistance pure, le déphasage courant tension est 0, pour une bobine idéale (sans pertes) π/2, pour un condensateur idéal –π/2. Dans le cas d'un circuit quelconque, le déphasage est en général non nul. La puissance dissipée dans un consommateur est donnée par le produit entre la tension et l'intensité :
En développant le produit des fonctions sinus, l'expression peut s'écrire comme la somme des deux termes, l'un constant, qui représente la puissance moyenne, l'autre variable dans le temps, de fréquence double et symétrique par rapport à la moyenne.
Pour des raisons pratiques, on introduit les valeurs efficaces :
Alors la puissance moyenne dissipée dans un consommateur s'écrit :
Figure A8 : La puissance en courant alternatif. Une tension électrique alternative appliquée U au bornes d'un consommateur d'impédance Z engendre un courant électrique alternatif I à travers le circuit, en général déphasé d'une phase φ par rapport à la tension. La puissance dissipée est une fonction périodique de fréquence double (2), de valeur moyenne Ueff Ieff cos φ. Si l'impédance Z n'est pas purement résistive, sur certains intervalles de temps, la puissance dissipée est négative : le consommateur la restitue à la source (© Ilarion Pavel).
Le tension efficace Ueff se définit comme étant la tension d'un courant continu qui produirait le même chaleur dissipée dans une résistance que le courant alternatif dont la tension maximale est U0.
Cet appareil démonstratif, réciproque du moteur électrique présenté auparavant, est à la base du fonctionnement du générateur électrique, dispositif qui convertit l'énergie mécanique de rotation en énergie électrique.
Générateur de courant alternatif
Pour obtenir des tensions électromotrices plus importantes, on remplace le modèle du cadre rectangulaire par une bobine constituée de plusieurs spires. Pour éviter de faire passer cette tension relativement haute à travers les collecteurs rotatifs, ce qui risque d'engendrer des étincelles et perturbations, on préfère faire tourner le champ magnétique et maintenir la bobine fixe.
Le générateur électrique est donc formé d'une partie mobile, le rotor, et d'une partie fixe, le stator. Le stator est constitué d'un noyau en fer sur lequel on place une paire de bobines, le rotor est un électroaimant alimenté par une source de courant continu
(43), connectée par l'intermédiaire d'un collecteur rotatif
(44).
Figure A9 : Générateur électrique. Quand on fait tourner un aimant permanent autour d'une paire de bobines connectées en série, son flux magnétique variable induit une tension électromotrice alternative dans les bobines (figure de gauche). En pratique, on remplace l'aimant permanent par un électroaimant, qui engendre un champ magnétique bien plus fort (figure de droite). Il est alimenté par une source de courant continu, grâce à un collecteur rotatif formé de deux balais glissant sur des anneaux (© Ilarion Pavel).
Pour produire une tension électrique alternative de 50 Hz, spécifique aux réseaux électriques (en Europe), il faudrait faire tourner l'électroaimant avec la même fréquence, atteignable si on entraîne le rotor avec une turbine à vapeur mais pas avec une turbine hydraulique (la vapeur atteignant des vitesses d'écoulement bien supérieures à celles de l'eau). Une solution consiste à construire des générateurs multipolaires : en plaçant N paires de bobines sur le stator au lieu d’une seule, à égale distance et connectées en série, on peut diminuer la vitesse du rotor par le nombre N, tout en gardant la même fréquence du courant induit. Ce type de générateur est alors utilisé dans les centrales hydroélectriques. La figure A10 montre un générateur électrique bipolaire (N=2).
Figure A10 : Générateur électrique bipolaire. Le rotor (au centre), constitué d'un électroaimant avec deux paires de bobines, induit des tensions électromotrices dans les deux paires de bobines du stator, connectées en série. Il suffit d'une demi-rotation du rotor pour que le courant alternatif effectue une période complète, la fréquence du courant alternatif est donc le double de celle du rotor (© Ilarion Pavel).
Le générateur triphasé
En pratique, pour transporter l'énergie électrique à distance, on utilise le système triphasé, plus économique qu'un système monophasé. Le stator du générateur électrique triphasé est formé de trois paires de bobines identiques disposées à 120°, son rotor, d'une seule bobine. Les tensions électromotrices induites dans les trois bobines, appelées tensions de phase, sont décalées par des phases de 120° (2π/3 radians) :
Figure A11 : Générateur triphasé. Le stator est constitué de trois paires de bobines connectées en série deux par deux A-X, B-Y, C-Z. Le rotor (au centre) induit des tensions électromotrices dans les bobines, appelées tensions de phase, qui sont décalées de 120° (ou 2π/3 radians). Leur variation dans le temps ainsi que leur diagramme de phase sont représentés à droite (© Ilarion Pavel).
En pratique, on n'utilise pas 6 conducteurs pour acheminer l'énergie électrique produite par les 3 paires de bobines. On les connecte de deux manières différentes, en étoile ou en triangle.
Dans la connexion en étoile, on connecte les fins d'enroulement des bobines (X, Y et Z) à un point qu'on appelle nul. Les débuts d'enroulement (A, B, C) ainsi que le conducteur de nul sont alors branchés à quatre lignes de transmission, qui transportent l'énergie électrique à trois consommateurs, connectés à leur tour en étoile (ou triangle).
Les intensités dans les lignes de transmission sont égales à celles dans les bobines : elle sont appelées intensités de phase. En général, les impédances des consommateurs sont identiques (réseau équilibré), les trois intensités de phase sont alors égales en module et décalées à 2π/3. Leur somme, égale à l'intensité du conducteur de nul, est alors zéro. On peut alors se dispenser du conducteur de nul, et en pratique on le relie à la terre.
En revanche, la tension entre deux lignes, appelée tension de ligne, est donnée par la somme vectorielle à deux tensions de phase, par exemple UAB=UAX+UYB. Son module est alors égal à √3 fois la tension de phase. En conclusion, pour la connexion en étoile, Uligne=√3U ;Iligne=I.
Figure A12 : Connexion en étoile (gauche) et triangle (droite). Le consommateur est représenté par les impédances Z1, Z2 et Z3, les lignes de transmission sont en pointillés. (© Ilarion Pavel)
Dans la connexion en triangle, on connecte toutes les bobines en série, en joignant la fin d'enroulement d'une bobine au début de la suivante (X et B, Y et C, Z et A). On obtient ainsi trois points que l'on connecte avec trois conducteurs pour réaliser le système de transmission. Cette fois-ci, les tensions de lignes sont alors égales aux tensions de phase. En revanche, l'intensité de ligne est donnée par la somme vectorielle à deux intensités de phase, par exemple IA=IXA+ICZ. Son module est alors égal à √3 fois l'intensité de phase. En conclusion, pour la connexion en triangle, Uligne=U ;Iligne=√3I.
Dans un réseau équilibré, les courants de phase qui traversent les bobines du générateur sont donnés par les expressions suivantes :
La puissance instantanée développée est alors la somme des produits des tensions et intensités de phase P=UAXIAX+UBYIBY+UCZICZ, soit :
et, en développant chaque produit de fonctions sinus :
Dans le deuxième terme, la somme des trois fonctions cosinus est nulle (chacune étant décalée de 2π/3 par rapport à l'autre). En utilisant les expressions efficaces des tensions et courants de phase, la puissance instantanée s'écrit alors :
Contrairement au cas des réseaux monophasés, la puissance instantanée dans un réseau triphasé équilibré ne dépend plus du temps, ce qui est très important dans la pratique. Produisant ou consommant l'énergie de façon uniforme, les générateurs et les moteurs triphasés ne sont plus soumis aux vibrations qui caractérisent leurs homologues monophasés.
Un réseau triphasé est également plus économique qu'un réseau monophasé en ce qui concerne l'infrastructure de câbles déployés pour l'acheminement de l'énergie électrique. En remplaçant les valeurs des tensions et courants de phase par celle de ligne, l'expression de la puissance électrique transportée, aussi bien pour le réseau étoile que triangle, est :
Alors les pertes en ligne dans les trois câbles, dues à leur résistance électrique R, sont données par :
Si la même puissance est transmise par les deux câbles du réseau monophasé, pour une même tension de ligne et déphasage, les pertes sont exprimées par la relation :
Les pertes sont donc deux fois plus importantes pour le réseau monophasé. Autrement dit, en gardant les mêmes pertes en ligne, on peut choisir dans un réseau triphasé des câbles deux fois plus résistants électriquement, donc deux fois plus fins (la résistance électrique est inversement proportionnelle à la section du câble) que ceux d'un réseau monophasé. En conséquence, le poids des trois câbles nécessaires pour construire les lignes du réseau triphasé est trois quarts de celui des deux câbles du réseau monophasé.
Moteur synchrone
Si on fait tourner un aimant permanent en forme de fer à cheval autour de son axe de symétrie, placé sur la verticale, on obtient un champ magnétique tournant dans le plan horizontal des pôles. Une boussole placée dans cet endroit s'oriente continûment dans le champ magnétique, donc tourne à la même vitesse que l'aimant permanent.
Figure A13 : Principe du champ tournant. Un aimant permanent tournant avec une vitesse angulaire ω oriente en permanence l'aiguille de la boussole, qui tourne à la même vitesse (à droite). Si la direction de la boussole de moment magnétique m fait un angle α avec le champ magnétique B, il apparaît un couple de forces M qui l'oriente dans le direction des lignes de champ (à gauche) (© Ilarion Pavel).
Ce dispositif est à la base des moteurs synchrones, il suffit alors de coupler l'axe de la boussole pour faire tourner un système mécanique. Dans ce cas, la charge mécanique (le consommateur de l’énergie mécanique fournie par le moteur) engendre un couple résistant s'opposant au mouvement de rotation, la boussole continue à tourner à la même vitesse mais sa direction n'est plus la même que celle du champ magnétique tournant.
En effet, si une boussole de moment magnétique m fait un angle α avec la direction du champ magnétique B, un couple de force apparaît :
qui équilibre le couple résistant.
Si le couple augmente, l'angle augmente mais la vitesse de rotation reste constante (45) : c'est pourquoi ce moteur est dit
synchrone.
Pour réaliser des champs magnétiques tournants, on utilise plutôt les systèmes statiques. On place deux bobines cadres, leur surface perpendiculaire autour d'un axe de symétrie commun vertical, et on les alimente avec deux sources de courant alternatif déphasées de π/2. Au milieu du plan horizontal, les champs magnétiques sur les deux directions perpendiculaires aux plans des cadres sont :
On reconnaît dans ces expressions les composantes d'un champ magnétique tournant avec la fréquence angulaire
ω (46).
Figure A14 : Champ tournant et courant alternatif. Deux bobines cadres perpendiculaires, parcourues par deux courants alternatifs déphasés de π/2, engendrent un champ magnétique résultant tournant (© Ilarion Pavel).
Pour des applications industrielles, on remplace les cadres par des bobines enroulées autour des noyaux de fer, capables d'engendrer des champs magnétiques plus puissants. Pour la même raison, l'aimant permanent (la boussole) est remplacé par un électroaimant, alimenté par une source de tension continue, connectée par l'intermédiaire d'un collecteur rotatif.
Enfin, on préfère au système de champ tournant biphasé un système triphasé : trois paires de bobines décalées de 120°, alimentées par un réseau de distribution triphasé. On arrive ainsi à un moteur synchrone triphasé, pratiquement identique au générateur triphasé présenté auparavant. En effet, c'est une machine électrique réversible qui peut fonctionner à deux régimes : moteur ou générateur. Un moteur triphasé peut être connecté à un générateur triphasé par des connexions étoile ou triangle. Leur rôle peut être facilement interverti en fonction de la charge mécanique de rotation.
Figure A15 : Moteur électrique synchrone triphasé bipolaire. Le stator dispose de trois paires de bobines décalées à 120°, caractéristiques du système triphasé, et qui peuvent être connectées en étoile ou en triangle au réseau électrique. Le rotor bipolaire (au centre), formé de deux paires de bobines positionnées à 90°, est alimenté en courant continu par un collecteur rotatif. Ce moteur ressemble donc au générateur synchrone triphasé (figure A11), ces machines électriques étant réversibles (© Ilarion Pavel).
L'avantage du moteur synchrone est sa vitesse de rotation constante, indépendante de la charge mécanique, dans certaines limites de fonctionnement. Ses inconvénients : son démarrage compliqué, qui doit être entraîné par un moteur auxiliaire afin de le ramener à la vitesse de rotation de synchronisation, et le risque de comportement instable au cas où le couple résistant dépasse la valeur critique.
Les moteurs synchrones de petite puissance trouvent des applications dans les domaines où une vitesse constante de rotation est nécessaire : horloges électriques, bandes de transports des chaînes de fabrication, moteurs pour les robots industriels. Les moteurs de grande puissance sont utilisés pour la traction mécanique, en particulier celui du TGV. Enfin, la réversibilité le rend particulièrement utile pour un usage mixte dans les barrages hydrauliques : en mode normal, il fonctionne comme générateur électrique mais quand l'énergie électrique est en excès, il commute en mode moteur et pompe de l'eau en amont pour remplir le barrage, stockant ainsi l'énergie.
Moteur asynchrone
Certains inconvénients du moteur synchrone mentionnés ci-dessus sont palliés par le moteur asynchrone, breveté également par Tesla
(47). Les deux moteurs électriques restent néanmoins complémentaires dans leurs utilisations.
Si dans le dispositif expérimental présenté dans la section dédiée au moteur synchrone, on remplace la boussole par une spire conductrice fermée qui peut tourner librement autour d'un axe vertical, on obtient en effet un moteur asynchrone.
Conformément au principe d'induction, le champ magnétique tournant induit une tension électromotrice dans la spire. Dans cette spire fermée apparaît alors un courant électrique, qui interagit avec le champ magnétique tournant et donne naissance à un couple de forces qui tend à aligner la spire perpendiculairement aux lignes du champ. En conséquence, la spire tourne autour de son axe vertical, mais à une vitesse angulaire plus petite que celle du champ tournant (c'est pourquoi ce moteur est dit asynchrone), dont la valeur est déterminée par le couple résistant qui apparaît dans l'axe du moteur, couplé à une charge mécanique.
La différence entre les vitesses de rotation du champ tournant et de la spire détermine la vitesse de variation du flux inducteur, donc la valeur du courant induit et finalement celle du couple de forces. Quand la charge mécanique est très faible, le couple résistant est pratiquement nul, les vitesses de rotation du champ tournant et de la spire sont presque égales – le moteur est quasi synchrone. Au fur et à mesure qu'on augmente la charge mécanique, le couple résistant augmente, la spire est ralentie, la différence entre les deux vitesses de rotation augmente. La variation du flux augmente alors, la tension électromotrice et le courant induit aussi. En conséquence, le couple augmente jusqu'à ce qu'il équilibre la charge mécanique et la vitesse de rotation de la spire se stabilise.
Figure A16 : Principe du moteur asynchrone. Le champ magnétique B tourne à une vitesse angulaire ω0, la spire conductrice fermée à ω, plus petite. Vu du référentiel de la spire, le champ magnétique tourne alors à une vitesse ω0-ω, la variation du flux magnétique induit donc un courant électrique I, donc un moment magnétique m, qui interagit avec le champ B pour donner le couple de forces M, qui équilibre le couple résistant dû à la charge mécanique (© Ilarion Pavel).
En pratique, le champ magnétique tournant est fourni par un système de bobines analogues à celles du moteur synchrone. En revanche, le rotor est formé de plusieurs cadres rectangulaires également espacés autour de l'axe commun de rotation et connectés ensemble en court circuit, dans une géométrie dite cage d'écureuil.
Figure A17 : Moteur électrique asynchrone. Dans cette illustration sont visibles les bobines du stator et leur connexions électriques ainsi que les spires en court-circuit du type cage d'écureuil du rotor, représentées schématiquement sur la figure de droite (illustrations Wikipédia).
À la différence du moteur synchrone, le moteur asynchrone démarre facilement et de manière indépendante. Il a une grande plage d'adaptabilité aux charges mécaniques et est donc très utilisé pour entraîner les machines-outils, les appareils électroménagers ou les véhicules électriques. Il n'a pas besoin de système de contact mécanique de type collecteur rotatif, ce qui le rend très fiable et lui assure une longue durée de vie.
Le moteur asynchrone est également utilisé pour démarrer les moteurs synchrones de grande puissance. Le rotor de ces derniers est mixte, il contient des bobines spécifiques au fonctionnement synchrone mais aussi la cage d'écureuil, spécifique au fonctionnement asynchrone. Le moteur démarre en asynchrone jusqu'à ce que la vitesse de rotation se synchronise avec la fréquence du courant, ensuite il passe en fonctionnement synchrone en couplant l'alimentation des bobines. À la vitesse synchrone, la cage d'écureuil tourne aussi vite que le champ magnétique tournant, le courant induit qui la parcourt est nul, donc elle ne perturbe pas le fonctionnement du moteur synchrone.
Le transformateur électrique
Il a été conçu pour transporter l'énergie électrique sur de longues distances avec des pertes minimales.
Suivant la loi d'Ohm, quand un câble électrique de résistance R est parcouru par un courant I, la chute de tension sur le câble est égal au produit RxI. La puissance perdue, dissipée sous forme de chaleur (loi de Joule-Lenz), est donnée par le produit entre la chute de tension et l'intensité, elle est donc égale au produit RI
2. Pour une puissance électrique à transporter donnée (UxI), le rendement est d'autant meilleur que l'intensité du courant est faible, donc que la tension est élevée
(48).
L'énergie électrique produite par les générateurs des centrales hydroélectriques, à charbon ou nucléaires, dont la tension est de l'ordre du kilovolt, est transformée à l'aide d'un transformateur en énergie électrique de haute tension, de l'ordre de centaines de kilovolts. Transportée par les câbles électriques de haute tension, l'énergie électrique est acheminée vers le consommateur, où elle doit être à nouveau transformée, cette fois-ci en énergie électrique de basse tension (220 V), moins dangereuse pour les utilisateurs.
Figure A18 : Le transport de l'énergie électrique (© Ilarion Pavel).
Le transformateur est constitué de deux bobines de fil en cuivre, le primaire et le secondaire, enroulées sur un noyau en fer. La tension électrique alternative qui alimente le primaire produit un champ magnétique variable, qui se transmet dans le circuit magnétique du noyau en fer et induit une tension électrique dans le secondaire. Le flux magnétique produit par le primaire est proportionnel au nombre de spires du primaire, la tension induite dans le secondaire est proportionnelle au nombre de spires du secondaire. Il en résulte que le rapport entre les tensions du primaire et du secondaire est égal au rapport entre le nombre de spires de ces deux bobines
(49) :
En fonction du nombre de spires choisies pour construire des bobines, on fabrique des transformateurs qui élèvent ou qui abaissent la tension.
Figure A19 : Le transformateur. La tension électrique alternative U1 alimente la bobine primaire (N1 spires), produit un flux magnétique variable Φ dans le noyau de fer, qui induit dans la bobine secondaire (N2 spires) une tension électrique U2 (© Ilarion Pavel).
N'ayant pas d'éléments en mouvement, donc pas de pertes dues au frottement mécanique, le transformateur a des rendements nettement supérieurs à ceux des moteurs ou générateurs électriques, atteignant parfois 99%. Avec une bonne approximation, on peut considérer que la puissance injectée dans le primaire se retrouve dans le secondaire :
U1 x I1=U2 x I2
ce qui permet de compléter la relation précédente :
Le transformateur est également utilisé pour alimenter les appareils électroniques comme téléviseur, radio, ordinateur, DVD, pour abaisser la tension de 220 V du secteur à une dizaine de volts, tension à laquelle fonctionnent les circuits électroniques.
(1) Pour une analyse du texte de 1820 d’Œrsted, voir J.-J. Samueli et A. Moatti, « L’acte de naissance de l’électromagnétisme », BibNum, janvier 2010.
(2) Le présent article utilise de manière équivalente les terminologies éléments galvanique, pile électrique et batterie.
(3) Voir l'annexe technique à la fin de l'article.
(4) Le galvanomètre est formé d'une aiguille de boussole située à l'intérieur d'une bobine. Lorsqu'un courant électrique traverse la bobine, il engendre un champ magnétique qui dévie l'aiguille. C'est en mesurant cette déviation qu'on évalue l'intensité du courant.
(5) Le solénoïde est constitué d'un fil conducteur enroulé en forme d'hélice autour d'un long cylindre. Alimenté par une cellule galvanique, il fournit un champ magnétique plus fort et plus homogène qu'une simple boucle de fil conducteur.
(6) Voir annexe technique, figure A1.
(7) J. Henry, American Journal of Science and Arts, 20, 340 (1831).
(8) Contrairement à la plupart des scientifiques de l'époque, et des scientifiques actuels, Faraday publiait parfois des expériences dont les résultats étaient négatifs.
(9) Le moteur électrique est un dispositif qui, alimenté par un courant électrique, produit un mouvement mécanique, en général de rotation. Le générateur électrique réalise la conversion inverse : entraîné manuellement, par un moteur à vapeur ou par une turbine, il produit un courant électrique et peut donc être utilisé comme source d'énergie électrique.
(10) Chronologiquement, le courant continu fut découvert avant le courant alternatif, d'abord lors de l'étude des décharges électrostatiques, puis à travers les éléments galvaniques. Les premières applications de l'électricité et du magnétisme, comme les électroaimants ou l'électrométallurgie, utilisaient des courants continus.
(11) La magnéto est aujourd'hui encore utilisée pour des petits moteurs à essence qui équipent certaines motos, barques à moteur, tondeuses à gazon et tronçonneuses. La magnéto utilise une partie de l’énergie mécanique de rotation du moteur qu’elle transforme en électricité, laquelle est utilisée ensuite par les bougies pour produire des étincelles qui allument le mélange d'air et d'essence dans la chambre de combustion. Ainsi, le moteur équipé d'une magnéto ne nécessite pas de batterie électrique, ce qui le rend peu volumineux. Mais son démarrage est manuel : pour le démarrer, il faut le faire tourner à l'aide d'une manivelle ou d’un « démarreur ».
(12) Davenport ne fut pas le seul à essayer de construire un moteur électrique. En 1839, à Saint-Pétersbourg, Moritz Jacobi (1801-1874) teste une barque propulsée par un moteur électrique transportant des passagers sur la Neva.
(13) C’est le moteur électrique alimenté par une pile électrique, dont l'énergie est fournie par une réaction rédox, consommatrice de zinc, que critique ici à raison Joule.
(14) La dynamo est donc une magnéto dont on a remplacé les aimants permanents par des électroaimants dont les bobines se trouvent sur un seul cadre ferromagnétique, ce qui optimise le circuit du flux magnétique. La dynamo est munie d'un commutateur et produit donc du courant pulsé. Avec l'arrivée du courant alternatif, la dynamo s'affranchira du commutateur et prendra l'appellation d'alternateur, dispositif encore utilisé dans les automobiles aujourd'hui : pour alimenter la batterie et l'installation électrique, le courant alternatif produit par l'alternateur est transformé en courant continu par des circuits électroniques à base de dispositifs semi-conducteurs appelés diodes. Notons que la "dynamo" du vélo est improprement nommée : c'est en effet une magnéto.
(15) La partie fixe d'un générateur ou moteur électrique est appelée stator, la partie mobile, qui tourne, rotor.
(16) Vu la diversité des expériences d'électricité de l'époque, la réversibilité du générateur était probablement bien connue.
(17) Ce problème n'est aujourd'hui toujours pas résolu de manière satisfaisante. Le mieux est d'utiliser, pendant les heures creuses, l'excédent de l'électricité produite pour pomper l'eau en amont des barrages hydroélectriques. Un grand effort de la recherche d'aujourd'hui vise aussi à améliorer les piles électriques afin d'augmenter l'autonomie des consommateurs mobiles (voiture électrique, téléphones cellulaires, ordinateurs portables).
(18) U.S. Patent 0,381,968 - Electro magnetic motor - 12 octobre 1887, brevet de Nikola Tesla sur le moteur sans contact, publication commentée par le présent article BibNum. Il est recommandé de prendre connaissance de l’annexe technique avant d’entamer la lecture de cette partie.
(19) En 1885, à Turin, en cherchant une analogie mécanique à la lumière polarisée circulairement, Galileo Ferraris (1847-1897) met en rotation un cylindre en cuivre à l'aide d'un champ magnétique tournant. Il publie ses conclusions en 1888, quelques semaines après le dépôt des brevets par Tesla. Ferraris était loin d'envisager une quelconque application au résultat de son expérience.
(20) La charge mécanique désigne tout consommateur d'énergie mécanique mis en mouvement par le moteur et qui engendre un couple de force résistant s'opposant à ce mouvement : par exemple les roues d'un véhicule électrique, la turbine d'un aspirateur, l'hélice d'un ventilateur, le tambour d'un lave-linge.
(21) Dans ce type de moteur, le stator est l'inducteur (field, en anglais), le rotor est l'induit (armature). L'inducteur engendre le champ magnétique, l'induit le reçoit et le transforme en énergie mécanique (dans le cas du moteur) ou en énergie électrique (dans le cas du générateur).
(22) Le rôle du commutateur est décrit dans l'annexe technique.
(23) Le fait qu'un disque en acier possède une aimantation rémanente, orientée suivant une direction donnée, malgré la forme symétrique parfaitement circulaire, n'a été comprise que dans les années 1950, par la découverte du mécanisme dit de brisure spontanée de symétrie.
(24) Pour la clarté de la lecture, les figures 9 à 17 du brevet de Tesla sont reproduites dans cet article.
(25) L'architecture anneau du rotor, introduite par Pacinotti et Gramme, a cédé progressivement la place à l'architecture tambour, bien plus performante. Dans le premier cas, le champ magnétique pénètre par l'extérieur puis suit le contour de l'anneau. Lors de la rotation, le côté intérieur des spires ne traverse donc presque pas de lignes de champ magnétique. La tension induite est donc presque nulle, le côté intérieur des spires n'ayant alors qu'un rôle de conducteur électrique et non d’induction.
(26) On aurait pu utiliser un aimant permanent comme dans le générateur. Une fois aimanté, grâce à sa propriété d’aimantation rémanente, l'acier se comporte comme un aimant permanent.
(27) En pratique, aujourd'hui, on préfère connecter les 6 bobines du stator et les grouper en étoile ou en triangle, ce qui réduit le nombre de conducteurs à 4, voire 3, afin d'économiser du matériel dans le réseau de distribution du courant triphasé (voir annexe technique, fig. A12).
(28) En 1890, dans l'État de New York, eut lieu la première exécution par électrocution. La tension électrique étant trop basse, ce fut un supplice pour le condamné.
(29) Ironie du sort, les récents progrès de l'électronique de puissance permettent aujourd'hui de construire des convertisseurs capables d'élever ou abaisser facilement la tension d'un courant continu, si bien qu'aujourd'hui, une ligne de haute tension de courant continu cause moins de pertes qu'une ligne de courant alternatif, dans laquelle les pertes sont dues à l'effet pelliculaire, aux capacités et aux inductances du câble. La construction des fermes solaires et éoliennes ainsi que le stockage d'énergie dans les batteries électriques relancent aujourd'hui les réseaux de distribution de courant continu.
(30) Le même J. P. Morgan avait contraint Edison à céder le contrôle de sa société. En fait, Morgan avait financé à la fois le projet d'Edison et celui de Westinghouse. Peu lui importait lequel des deux s'imposerait, son seul souci étant de s'assurer le monopole de l'électrification aux Etats-Unis et d'éliminer ainsi toute concurrence. Morgan avait déjà appliqué cette stratégie avec succès dans les chemins de fer, l'acier, le fer et le pétrole.
(31) Ces démonstrations sont en partie censées montrer que le courant alternatif de haute fréquence est sans danger. Elles font partie de l'arsenal déployé par Tesla dans la Guerre des Courants.
(32) Bien avant Röntgen, les rayons X ont été mis en évidence par plusieurs expérimentateurs comme W. Crookes, E. Goldstein, H. Hertz, H. von Helmhotz, P. Lenard, J. J. Thomson. Mais c'est Rœntgen qui a entrepris une étude systématique de la nature de ce rayonnement mystérieux.
(33) U.S. Patent 0,645,576 - System of Transmission of Electrical Energy - 2 septembre 1897 et U.S. Patent 0,649,621 - Apparatus for Transmission of Electrical Energy - 2 septembre 1897.
(34) La première transmission télégraphique sans fil transatlantique sera réalisée en 1901 par Guglielmo Marconi (1874-1937), qui construira son appareil en utilisant les brevets de Tesla et en s'inspirant des travaux d'Oliver Lodge. Il s'ensuivra une bataille juridique : Tesla gagne en 1903, mais en 1904 la justice donne raison à Marconi. Le procès sera rejugé définitivement en 1943 en faveur de Tesla : la Cour Suprême de Justice des Etats-Unis retire alors à Marconi le titre d'inventeur de la radio. Il recevra néanmoins le prix Nobel de physique en 1909, avec l’Allemand Karl Ferdinand Braun.
(35) U.S. Patent 0,613,809 - Method of and Apparatus for Controlling Mechanism of Moving Vehicle or Vehicles - 1er juillet 1898.
(36) U.S. Patent 0,723,188 - Method of Signalling et U.S. Patent 0,725,605 - System of Signaling - 16 juillet 1900.
(37) U.S. Patent 1,061,206 - Turbine – brevet déposé le 21 octobre 1909.
(38) U.S. Patent 1,655,113 - Method of Aerial Transportation – 9 septembre 1921
(39) The Electrical Experimenter, 1917.
(40) C'est pratiquement le même type de commutateur introduit par Ampère et utilisé par Pixii pour transformer le courant alternatif du magnéto en courant pulsé.
(41) On peut faire l'analogie avec l'écoulement d'un liquide. Le flux de la vitesse à travers une surface représente le débit, c'est-à-dire le volume de liquide qui traverse la surface par unité de temps. Seule la composante perpendiculaire sur la surface contribue au flux.
(42) Le fait d'utiliser des systèmes tournants à vitesse de rotation constante pour générer du courant alternatif implique que la forme du signal est une fonction trigonométrique sinus ou cosinus.
(43) On peut injecter une partie du courant produit par le générateur, après l'avoir redressé pour le transformer en courant continu, ou utiliser un générateur électrique de courant continu externe, couplé mécaniquement à l'axe du rotor.
(44) La tension d'alimentation de l'électroaimant est bien plus faible que celle produite par la bobine du générateur. En conséquence, l'usure et les perturbations provoquées par les contacts entre les balais et les anneaux sont bien moindres que dans le cas de l'appareil démonstratif présenté dans la section précédente.
(45) Cependant, le couple résistant doit rester sous une valeur critique (pour laquelle l'angle atteint 90°), sinon le champ magnétique tournant n'accroche plus la boussole et le fonctionnement du système devient instable.
(46) Les projections, sur deux axes perpendiculaires et fixes, d'un vecteur tournant avec une vitesse angulaire constante conduisent naturellement à des fonctions sinus et cosinus. Réciproquement, on obtient un vecteur tournant avec une vitesse angulaire constante, en additionnant les composantes sur les deux axes, qui varient dans le temps comme des fonctions sinus et cosinus.
(47) U.S. Patent 0,382,279 - Electro magnetic motor - 30 novembre 1887.
(48) Du fait de la relation quadratique, multiplier par 20 la tension divise les pertes par 400.
(49) Dans une première approche, on peut négliger les pertes ohmiques, dues à la résistance électrique des bobines ainsi que les pertes magnétiques dans le noyau en fer, qui sont relativement faibles.