Les deux hypothèses d’Avogadro en 1811

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Amedeo Avogadro
Les deux hypothèses d’Avogadro en 1811
Auteur : Amedeo Avogadro (1776 –1856)
Auteur de l'analyse : Bernard Fernandez - Docteur ès sciences, chercheur honoraire au Commissariat à l’Énergie atomique
Publication :

Essai d'une manière de déterminer les masses relatives des molécules élémentaires des corps, et les proportions selon lesquelles elles entrent dans ces combinaisons, Journal de physique, de chimie et d’histoire naturelle.

Année de publication :

1811

Nombre de Pages :
19
Résumé :

Le texte des deux « hypothèses d’Avogadro » : la première conduit à la notion actuelle de mole, caractérisée par le nombre d’Avogadro N ; la seconde, distinguant l'atome de sa molécule, est à la base de la notion de molécule et de la notation chimique actuelle.

Source de la numérisation :
Mise en ligne :
février 2009
Cette analyse du texte de 1811 d’Avogadro retrace un épisode de la longue marche vers la caractérisation des atomes et l’acceptation de leur réalité. Avogadro s’appuie sur les travaux apparemment contradictoires de Dalton et de Gay-Lussac et va les concilier en émettant deux hypothèses : la première – connue sous le nom d’ « hypothèse d’Avogadro » – conduit à la notion actuelle de mole, caractérisée par le nombre d’Avogadro N ; la seconde, permettant de faire la différence entre O et O2, entre l’atome et sa molécule, est à la base de la notion de molécule et de la notation chimique actuelle.

 


 

 

Bernard Fernandez, né en 1935, ancien élève de l'Ecole polytechnique, docteur ès sciences, a été chercheur en physique nucléaire au Commissariat à l'énergie atomique de Saclay de 1960 à 1995. Il a séjourné deux ans à l'Université de Washington, à Seattle, entre 1965 à 1967, et un an à l'Institut Niels Bohr, à Copenhague, de 1976 à 1977. Spécialiste des réactions nucléaires entre noyaux complexes, dit ions lourds, il a présidé, de 1990 à 1995, le comité des expériences du Grand Accélérateur à Ions Lourds (GANIL) de Caen. Il est l’auteur du livre De l’atome au noyau, Ellipses 2006 (voir onglet « Pour en savoir plus »)

 

 

 

Les deux hypothèses d’Avogadro en 1811
Bernard Fernandez - Docteur ès sciences, chercheur honoraire au Commissariat à l’Énergie atomique
RÉSUMÉ
Cette analyse du texte de 1811 d’Avogadro retrace un épisode de la longue marche vers la caractérisation des atomes et l’acceptation de leur réalité. Elle a connu de notables avancées entre 1790 et 1820 – avant un ralentissement jusqu’au tournant du XX° siècle – et a été rythmée pendant cette période par la formulation d’une théorie des atomes par Dalton (entre 1803 et 1806) et par l’observation expérimentale de Gay-Lussac sur les volumes de gaz (en 1808). Avogadro s’appuie sur les travaux apparemment contradictoires de ces deux chimistes et va les concilier en émettant deux hypothèses : la première – connue sous le nom d’ « hypothèse d’Avogadro » – conduira à la notion actuelle de mole, caractérisée par le nombre d’Avogadro N ; la seconde, permettant de faire la différence entre O et O2, entre l’atome et sa molécule, est à la base de la notion de molécule et de la notation chimique actuelle.

 

 

AVERTISSEMENT
Le texte d’Avogadro est difficile à percevoir avec nos yeux actuels, totalement accoutumés qu’ils sont à la notion d’atomes et de molécules : il convient de le lire en ayant présent à l’esprit que ces notions étaient quasi inconnues en 1811, elles pouvaient simplement être inférées à partir de faits expérimentaux en apparence assez éloignés. Remarquons aussi que bien souvent le terme de « molécule » est utilisé pour ce que nous appelons actuellement « atome ».

 

 

Par ailleurs, il est important de signaler que le texte d’Avogadro, hors ses hypothèses lumineuses, contient un certain nombre de considérations et suppositions aujourd’hui inexactes.

 

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AMEDEO AVOGADRO, CET INCONNU
Amedeo Avogadro, comte de Quaregna et Ceretto, né à Turin le 9 août 1776, et mort dans la même ville le 9 juillet 1856, est une figure singulière dans l'histoire particulièrement fertile de la physique au début du XIXe siècle (1). Le Piémont faisait alors partie du royaume de Piémont-Sardaigne, administré de façon très autocratique par le roi Victor Amadeus III. En raison d'une censure pointilleuse, de nombreux scientifiques émigrèrent, parmi lesquels deux savants devenus célèbres : le mathématicien Giuseppe Ludovico Lagrangia (1736-1813), connu sous le nom francisé de Joseph-Louis Lagrange, et le chimiste Claude Louis Berthollet (1748-1822), un médecin formé à Turin.

 

 

Figure 1 : Portrait d’Amedeo Avogadro

Issu d'une ancienne famille piémontaise de magistrats, Avogadro suit tout d'abord les traces familiales en faisant des études de droit et de théologie, et entre en 1896 à l'Avvocatura dei Poveri, puis à l'Avvocatura Generale. En 1801, la France annexe le Piémont, et Avogadro devient Secrétaire du Département d'Eridanus (2). Dès ce moment il s'intéresse aux sciences de la nature et aux mathématiques. Il suit des cours de physique à l'université, et lit beaucoup pendant ses loisirs. En 1804, à vingt-huit ans, il envoie deux essais sur l'électricité à l'Académie des sciences de Turin, dont il devient membre correspondant. Deux ans plus tard il adresse deux articles sur l'électricité, cette fois-ci en français, au journal tenu par Jean-Claude de la Méthérie, le Journal de physique, de chimie, d'histoire naturelle et des arts (3). En 1809, Avogadro est nommé professeur de mathématiques et de physique à l'ancien Collège Royal de Vercelli, ville située à une cinquantaine de kilomètres à l'est de Turin. En 1820, il deviendra professeur de physique à l’Université de Turin, poste qu’il conservera toute sa vie (avec une interruption de dix ans, entre 1823 et 1833, en raison, semble-t-il, de ses prises de position politiques).

 

Avogadro mena une vie retirée, dont on sait peu de choses. Il ne chercha jamais les honneurs et ne voyagea pas hors du Piémont. À trente-huit ans, il épousa Felicita Mazzia, dont il eut sept enfants.

 

Le texte qui nous occupe ici est le mémoire qu'il envoya au printemps de 1811 au Journal de Physique (4) et qui parut dans la livraison de juillet de la même année. Son titre annonce un programme ambitieux : Essai de déterminer les masses relatives des molécules élémentaires des corps, et les proportions dans lesquelles elles entrent dans ces combinaisons. Il énonce ce qu'il est convenu d'appeler aujourd'hui l'hypothèse d'Avogadro.

 

 

LES PREMISSES : LAVOISIER (1789), PROUST, RICHTER (1794)
La fin du XIXème siècle vit une révolution de la chimie. Un acteur crucial en fut Antoine Laurent Lavoisier (1743-1794), qui, grâce à l'emploi systématique de la balance, comprit la véritable nature de la combustion, mettant à mal la théorie du phlogistique.

 

 

La théorie du phlogistique, ancienne théorie de la combustion

 

Pour expliquer la combustion des corps, le chimiste allemand Johann Joachim Becher (1635-1682) imagina la théorie du phlogistique, développée ensuite par Georg Ernst Stahl (1660-1734). Le phlogistique (du grec phlogistos, inflammable) était un fluide contenu dans les corps inflammables, qui s’échappait lors de la combustion ou de l’oxydation. Ces corps étaient alors déphlogistiqués, privés de phlogistique. Mais les mesures montrèrent que la masse des métaux augmente lors de la combustion, ce qui conduisit certains à imaginer que le phlogistique avait une masse négative. C’est Lavoisier qui montra que la combustion est une combinaison du corps et d’oxygène, c’est une oxydation.

Il montra aussi que l'air était un mélange d'oxygène et d'azote, etc. Et surtout il établit la notion de corps simple ou élément, substance chimique non décomposable, par opposition au corps composé :

 

 

Toutes les substances que nous n’avons encore pu décomposer par aucun moyen, sont pour nous des éléments [...] nous ne devons les considérer comme composés qu’au moment où l’expérience & l’observation nous en auront fourni la preuve. (5)

C'est en 1794 que Joseph-Louis Proust (1754-1826) énonce de façon générale la loi des proportions constantes, à la suite d'études expérimentales sur les oxydes du fer et de plusieurs autres métaux. Il rédige un mémoire « Sur le bleu de Prusse » (6) qui ne sera publié qu'en 1799 mais un extrait assez large paru en 1794 dans le Journal de Physique (7) se termine ainsi :

 

 

[Je conclurai] de ces expériences, le principe que j’ai établi au commencement de ce mémoire ; savoir que le fer est comme plusieurs autres métaux, par cette loi de la nature qui préside à toute combinaison vraie, assujetti, dis-je, à deux proportions constantes d’oxigène. Il ne diffère donc point en cela de l’étain, du mercure, du plomb, &c.: & enfin, de presque tous les combustibles connus. Je ferai connoître sous peu l’espèce d’oxide qui résulte de l’union de l’oxigène au charbon, dans une proportion inférieure à celle qui constitue l’acide carbonique.

 

 

Ce que Proust appelle une combinaison vraie est ce que nous appelons aujourd'hui une combinaison chimique, par opposition à un mélange (le sel de cuisine, par exemple, est une combinaison chimique de chlore et de sodium NaCl, en proportion fixe, un atome de l’un pour un atome de l’autre ; il n’a aucune des propriétés physiques ni chimiques de l’un ni de l’autre, à la différence d’un simple mélange, sans combinaison, qui peut se faire en proportion quelconque). À la même époque, le chimiste allemand Jeremias Benjamin Richter (1762-1807) a lui aussi constaté cette loi des proportions constantes, énoncée dans un ouvrage en trois parties (8) publié entre 1792 et 1794 et dans lequel il introduit le mot de stœchiométrie pour désigner la façon de mesurer les proportions relatives des éléments dans un composé chimique. Malheureusement son ouvrage, écrit en allemand dans un style difficile à suivre, fut peu diffusé et reste très rare. C’est le compte rendu qu'en fit Berthollet dans son livre Essai de statique chimique (9) , publié en 1803, qui le fit connaître.

 

 

DALTON (1803, 1810) : LES BASES DE L’ATOMISME MODERNE
Cette loi des proportions constantes frappa le physicien anglais John Dalton (1766-1844). Pour lui la seule explication est que toutes les substances sont composées d'atomes et que ce sont les atomes des éléments qui se combinent pour former les corps composés. S’appuyant sur quelques hypothèses générales, il voit là un moyen de déterminer les rapports entre les masses des divers corps. Dans son cahier de notes personnel, on peut lire, à la date du 6 septembre 1803 :

 

 

(i) la matière consiste en petites particules ultimes ou atomes (ii) les atomes sont indivisibles et ne peuvent être créés ni détruits (iii) tous les atomes d'un élément donné sont identiques et ont le même poids invariable (iv) les atomes d'éléments différents ont des poids différents (v) la particule d'un corps composé est formée d'un nombre fixe d'atomes de ses éléments constitutifs (loi des proportions fixes) (10)

 

 

Dalton appelle ici « particule » ce que nous appelons aujourd’hui « molécule » : la plus petite partie d’une substance ; il emploie le mot « atome » pour désigner la plus petite partie d’un corps simple ou élément. Sa théorie est exposée dans un livre dont la première partie paraît en 1808, la seconde en 1810, et la dernière en 1827 (11). Dans la première partie, après avoir énoncé les principes, il dresse une liste de façons possibles qu'ont deux ou plusieurs atomes de se combiner :

 

S'il y a deux corps, A et B, qui sont disposés à se combiner, l'ordre dans lequel la combinaison peut avoir lieu est le suivant, en commençant par le plus simple : 1 atome de A + 1 atome de B = 1 atome de C, binaire, 1 atome de A + 2 atomes de B = 1 atome de D, ternaire, 2 atomes de A + 1 atome de B = 1 atome de E, ternaire, 1 atome de A + 3 atomes de B = 1 atome de F, quaternaire, 3 atomes de A + 1 atome de B = 1 atome de G, quaternaire, &c. &c. (12)

 

Et il ajoute ce qu'on pourrait appeler un postulat de simplicité :

 

 

On peut adopter les règles suivantes comme guides dans nos investigations des synthèses chimiques : 1° Quand on peut obtenir une seule combinaison de deux corps, on doit supposer que c'est une combinaison binaire sauf s'il apparaît une raison de supposer le contraire (13).

 

 

 

Figure 2 : Tableau d’éléments dressé par John Dalton (dans son livre mentionné ci-dessus “New system of chemical philosophy”, 1808). Au milieu de chacune des deux colonnes, le nom de l'élément (Lime, qui signifie chaux, représente le calcium, Soda le sodium, Potash le potassium); à gauche un symbole, et à droite le poids atomique tel que Dalton le déterminait à ce moment, et qu'Avogadro a rectifié, en s'approchant beaucoup des valeurs admises actuellement.

 

 

Comme on le voit, Dalton a quelque peu changé sa terminologie. Il appelle à présent « atome » la plus petite partie d’une substance, qu’il s’agisse d’un élément, ou corps simple, ou d’un corps composé, composé de deux ou plusieurs atomes (ce que nous appelons une molécule). Dalton parle ainsi d’un « atome » d'eau, constitué d’après lui par la combinaison d'un atome d'oxygène et d'un atome d'hydrogène. Or le rapport des masses d'oxygène et d'hydrogène était connu depuis Lavoisier : il était estimé à cette époque comme le rapport de 7 ou 7½ à 1. Dalton retient 6 à 1, et en conclut que l'atome d'oxygène est six fois plus lourd que celui d'hydrogène (14) (dans la deuxième partie de son livre, parue en 1810, il retient 7 à 1). De proche en proche, il y a là un moyen de déterminer les masses relatives des atomes. L’idée que la matière soit composée d’atomes n’est plus seulement une spéculation sans conséquence pratique : Dalton jette en fait les bases de l’atomisme moderne.

 

 

GAY-LUSSAC (1808), LES RÉSULTATS EXPÉRIMENTAUX SUR LES MÉLANGES DE GAZ
Or, le 31 décembre 1808, Louis-Joseph Gay-Lussac fait une communication à la Société philomathique de Paris, bientôt publiée dans les Mémoires de la Société d'Arcueil (15) . La découverte de Gay-Lussac semble à première vue incompatible avec la théorie de Dalton. Il observe en effet que lors d'une combinaison chimique entre deux gaz, leurs volumes sont dans un rapport simple, et que si le résultat est un gaz, son volume est aussi dans un rapport simple avec les volumes des réactifs :

 

 

J'ai fait voir dans ce Mémoire que les combinaisons gazeuses, les unes avec les autres, se font toujours dans les rapports les plus simples, et tels qu'en représentant l'un des termes par l'unité, l'autre est 1 ou deux ou au plus 3. […] Les contractions apparentes de volume qu'éprouvent les gaz en se combinant ont aussi des rapports simples avec l'un d'eux, et cette propriété est encore particulière aux substances gazeuses.

 

 

Par exemple un litre d’oxygène se combine à deux litres d’hydrogène pour produire deux litres d’eau (sous forme gazeuse), ce que l’on traduit à présent par l’équation O2 (un volume de dioxygène) + 2H2 (deux volumes de dihydrogène) → 2H2O (deux volumes d’eau). Deux résultats très étonnants : les rapports des volumes sont dans un rapport simple, mais le rapport entre les volumes des réactifs et le produit de la réaction est également dans un rapport simple. De plus, comme dans le cas de l’eau, on part de trois litres (par exemple) pour obtenir deux litres. Cette contraction est une énigme de plus.

 

 

Figure 3 : Eudiomètre à eau utilisé par Gay-Lussac (cliché Bibliothèque de l’École polytechnique). L'eudiomètre est un instrument permettant de déterminer la proportion d'oxygène contenue dans l'air atmosphérique en le faisant réagir avec un excès d'hydrogène pour former de l'eau. L'appareil fonctionne posé sur une cuve remplie d'eau. L'air atmosphérique (ou le gaz analysé) est mélangé avec un excès d'hydrogène, et après combustion déclenchée par une étincelle, le volume d'oxygène contenu dans l'air est donné par le tiers de la diminution de volume du mélange gazeux accompagnant la réaction.

 

Dalton accueillit l'article de Gay-Lussac avec beaucoup de scepticisme, non qu'il mît en doute la qualité des mesures, mais il lui semblait difficile de croire à la généralité du phénomène. Il admettait toutefois que la coïncidence des résultats expérimentaux avec des nombres simples était troublante. D'une manière générale, le résultat de Gay-Lussac fut accueilli de façon inégale : outre Dalton, des chimistes aussi distingués que Berthollet ou Berzélius étaient sceptiques, tandis que Thomas Thomson en Angleterre était plutôt séduit. Gay-Lussac lui-même, comme le souligne Jean Perrin, s’attacha plus à son observation expérimentale, sans s’inquiéter d’en tirer des conséquences sur la théorie atomique. Était-il possible de concilier la théorie de Dalton et ce résultat de Gay-Lussac, les rapports fixes entres masses et les rapports « simples » entre volumes ?

 

 

LA PREMIÈRE HYPOTHÈSE D'AVOGADRO
En 1809 Avogadro lit l'article de Gay-Lussac. Il reçoit également la traduction en français du monumental traité de chimie du chimiste anglais Thomas Thomson (1773-1852), System of Chemistry (16), paru en 1802 et traduit en 1809 par Jean Riffault (17) sur la troisième édition, parue en 1807. Or dans cette édition du traité Thomson rend compte de conversations qu'il a eues avec Dalton et il expose en avant-première, pourrait-on dire, les principes de la nouvelle théorie atomique de ce dernier.

 

 

Avogadro cherche le moyen de concilier le résultat de Gay-Lussac, du caractère général duquel il ne doute pas, et la théorie atomique de Dalton. Dans son article, il commence par rappeler le résultat de Gay-Lussac :

 

 

M. Gay-Lussac a fait voir dans un Mémoire intéressant (…) que les combinaisons des gaz entre eux se font toujours selon des rapports très simples en volume, et lorsque le résultat de la combinaison est gazeux, son volume est aussi en rapport très simple avec celui de ses composants.

 

 

Avogadro fait alors un raisonnement simple. Il note tout d'abord ce qui semble une évidence :

 

 

Mais les rapports des quantités de substances dans les combinaisons ne paraissent pouvoir dépendre que du nombre de molécules qui se combinent, et de celui des molécules composées qui en résultent.

 

 

Avogadro se place délibérément, comme Dalton, dans le cadre d'une théorie atomique, mais il appelle « molécule » ce que Dalton appelle « atome », et « molécule composée » ce que nous appelons « molécule ». Distinction importante, nous le verrons bientôt. Pour Avogadro, la « molécule » est bien la plus petite partie d’un corps.

 

 

Il continue alors son raisonnement :

 

 

L'hypothèse qui se présente la première à cet égard, et qui paraît même la seule admissible, est de supposer que le nombre de molécules intégrantes dans les gaz quelconques, est toujours le même, à volume égal, ou est toujours proportionnel aux volumes.

 

 

Avogadro appelle « molécule intégrante » la molécule d’un corps quelconque, élément ou corps composé. C’est bien ce que nous nommons aujourd’hui « molécule ». C’est la particule la plus petite possible de n’importe quel corps. Avogadro énonce ce qu’il est convenu d’appeler l’hypothèse d’Avogadro. Si le nombre de molécules dans un volume donné de gaz est le même quel que soit le gaz, cette hypothèse permet de comprendre que les volumes des gaz de départ soient dans un rapport simple : c’est le rapport entre le nombre des atomes formant la molécule.

 

 

De l’hypothèse d’Avogadro à la notion de mole et au nombre d’Avogadro N

 

 

Deux phénomènes distincts, l’un de chimie et l’autre de physique, non totalement compris ni démêlés à l’époque, sont à comprendre pour faire ce saut à travers les âges : ­ Le principe d’une réaction chimique, à savoir l’échange de leurs atomes constitutifs par des molécules pour former d’autres molécules (O2 + 2H2 → 2H2O) ­ Le principe physique des gaz parfaits, selon lequel à température et pression donnée, le même nombre de molécules gazeuses occupe toujours le même volume. L’hypothèse de Dalton se rapportait plutôt à l’explication du principe chimique, les observations de Gay-Lussac ressortaient du principe physique : Avogadro allait expliquer ce dernier par sa première hypothèse, et faire avancer le premier grâce à sa seconde hypothèse. La première hypothèse d’Avogadro explique donc le principe physique ci-dessus : à la température de 273,15K, et sous une pression de 1 atmosphère (101 325 Pa), le volume occupé par une quantité donnée de molécules gazeuses est constant. Par convention, on choisit pour cette quantité le nombre de molécules d’hydrogène dans deux grammes d’hydrogène (ou d’atomes d’hydrogène dans un gramme, ce qui est équivalent suivant… la deuxième hypothèse d’Avogadro !) : cette quantité est égale à 6,022×1023 et s’appelle maintenant le nombre d’Avogadro. Le volume occupé par une mole de molécules gazeuses (c'est-à-dire 6,022×1023 molécules) est toujours égal à 22,414 litres. Notons que la mole est une simple entité de comptage : elle est au nombre d’Avogadro ce qu’une douzaine est au chiffre 12.

 

 

On notera qu’à l’aide de sa première hypothèse, Avogadro recoupe les chiffres expérimentaux de densité des gaz donnés par Gay-Lussac (fin de I) :

 

 

Par exemple, les nombres 1,10359 et 0,07321 exprimant les densités des deux gaz oxigène et hydrogène, lorsqu’on prend celle de l’air atmosphérique pour unité (…) [conduit à] la masse de la molécule de l’oxigène sera environ 15 fois celle de la molécule d’hydrogène, ou plus exactement, elle sera à celle-ci comme 15,074 à 1. De même, la masse de la molécule de l’azote sera à celle de l’hydrogène comme 0,96913 à 0,07321, c'est-à-dire comme 13, ou plus exactement 13,238 à 1. (18)

 

 

LA SECONDE HYPOTHÈSE D’AVOGADRO
Après la première hypothèse, restait alors une grande partie du problème, avec de nombreux cas épineux. Comment comprendre que le volume de gaz produit dans une réaction chimique soit dans certains cas plus petit que la somme des volumes des gaz qui se sont combinés ? C'est le cas de l'eau, comme nous l’avons noté avec Gay-Lussac. Dalton considérait comme absurde d'imaginer des demi-atomes, mot contradictoire en soi puisque l’atome est supposé être la plus petite partie, insécable (19), d’un élément. C'est là qu'Avogadro fait une deuxième hypothèse :

 

Mais il se présente assez naturellement un moyen d'expliquer les faits de ce genre conformément à notre hypothèse : c'est de supposer que les molécules constituantes d'un gaz quelconque [...] ne sont pas formées d'une seule molécule élémentaire, mais résultent d'un certain nombre de ces molécules réunies en une seule par attraction.
Avogadro explique alors, dans une longue phrase que ses contemporains n'ont peut-être pas lue assez attentivement, que si l'on admet que les molécules, c'est-à-dire les plus petites particules possibles d'un gaz, peuvent être formées de deux ou plusieurs « molécules élémentaires » (que nous appelons aujourd’hui « atomes »), les choses s'éclairent. Lors d'une réaction chimique, les molécules se divisent en leurs constituants (les atomes) qui se recombinent différemment. C'est la seconde idée, la seconde hypothèse d'Avogadro. Il prend l'exemple de l'eau, et de quelques autres cas cités plus haut :
Ainsi la molécule intégrante de l'eau, par exemple, sera formée d'une demi-molécule d'oxygène avec une molécule, ou, ce qui revient au même, de deux demi-molécules d'hydrogène.
De même le volume de gaz ammoniaque est, comme on sait, double de celui de l'azote qui y entre. M. Gay-Lussac fait voir aussi que le volume de gaz d'oxyde d'azote est égal à celui de l'azote qui en fait partie, et par conséquent double de celui de l'oxygène. Enfin le gaz nitreux qui contient des volumes égaux d'azote et d'oxygène a un volume égal à la somme des deux gaz composants, c'est-à-dire au double du volume de chacun d'eux. Ainsi, dans tous les cas il doit y avoir partage des molécules en deux.
Avogadro remarque que dans tous les cas qu’il a examinés « il doit y avoir partage de la molécule en deux », c’est-à-dire que les molécules des gaz concernés sont diatomiques, composées de deux atomes. Conclusion remarquable ! En s’appuyant sur la loi de Gay-Lussac et ses hypothèses, Avogadro parvient à montrer que la plupart des molécules de gaz sont composées de deux ou plusieurs atomes, et il détermine ainsi ce que nous appelons la formule chimique de nombreuses substances, éléments ou composés chimiques, sous la forme admise aujourd’hui : ses deux hypothèses sont à la base de la notation chimique actuelle.

 

La seconde hypothèse d’Avogadro : constitution des molécules en atomes

 

 

Exprimé dans le langage moderne, Avogadro explique que la molécule d’hydrogène est composée de deux atomes, de même que celle d’oxygène, qui se dissocient en deux (atomes) pour former deux molécules d’eau, chacune composée d’un atome d’oxygène et deux atomes d’hydrogène, ce que nous écrivons aujourd’hui :

O2 + 2H2 → 2H2O

Il prend de même les exemples du gaz ammoniac et du monoxyde d’azote (le « gaz nitreux »). Dans tous ces cas il arrive à la bonne formule pour ces corps composés. C’est ce que nous écrivons aujourd’hui :

N2 + 3H2 → 2NH3 (ammoniac)

N2 + O2 → 2NO (monoxyde d'azote)

 

 

C'est la conclusion de la deuxième partie de son article. Dans les deux premières parties il a posé les grands principes. Il va dans les suivantes les mettre à l'épreuve des faits, et montrer comment on peut de cette manière réaliser la promesse du titre : mesurer les masses relatives des différents atomes.

 

 

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Avogadro va alors procéder dans la partie III à une « rectification » des formules de Dalton en utilisant sa seconde hypothèse. Il commence par une comparaison avec la théorie de Dalton, qu'il ne connaît, ainsi qu'il l'écrit dans une note de bas de page, que par le livre de Thomas Thomson mentionné plus haut :

 

M. Dalton, d'après les suppositions arbitraires, et qui lui ont paru les plus naturelles sur le nombre relatif des molécules dans les combinaisons, a tâché d'établir des rapports entre les masses des molécules des corps simples. Notre hypothèse nous permet, en la supposant fondée, de confirmer ou de rectifier ses résultats par des données précises, et surtout d'assigner la grosseur des molécules composées d'après les volumes des composés gazeux dépendant en partie du partage des molécules dont ce physicien n'a eu aucune idée.
Avogadro met le doigt sur ce que nous avons appelé le postulat de simplicité, à savoir que « quand on peut obtenir une seule combinaison de deux corps, on doit supposer que c'est une combinaison binaire ». Il le qualifie d'arbitraire, tout en admettant que c'était une hypothèse naturelle. Muni de ses nouvelles hypothèses, il propose « de confirmer ou de rectifier » les résultats de Dalton, en s’affranchissant de ce postulat.
Avogadro applique son raisonnement à l'eau, et montre qu'elle doit être formée par la combinaison d'une « molécule » d'oxygène et de deux « molécules » d'hydrogène. Il poursuit avec les deux oxydes d'azote connus à cette époque et le monoxyde de carbone.

 

L'ACIDE OXY-MURIATIQUE EST SANS DOUTE UN ÉLÉMENT
La partie V de l'article est consacrée à ce qu'on appelait alors l'acide muriatique, qui est l'acide chlorhydrique, et l'acide muriatique oxygéné, ou acide oxy-muriatique, qui n'est autre que le chlore. Le chlore n'était pas reconnu comme un élément, on pensait qu'il s'agissait d'une combinaison d'acide chlorhydrique et d'oxygène. Mais le chimiste anglais Humphrey Davy montre en 1810 qu'il est très douteux que l'acide oxy-muriatique contienne de l'oxygène :

 

Un des faits les plus singuliers que j'ai observés sur ce sujet […] est que le charbon, même lorsqu'il est chauffé à blanc dans un gaz d'acide oxymuriatique ou d'acide muriatique, par une pile de Volta, ne produit aucun effet sur eux ; s'il a été auparavant débarrassé de tout hydrogène ou moisissure par un chauffage intense dans le vide. Cette expérience, que j'ai répétée plusieurs fois, me conduit à douter de la présence d'oxygène dans ces substances (20).

Avogadro en tire la conclusion logique :

On ne peut plus […], dans l'état actuel de nos connaissances, regarder cette substance [l'acide oxy-muriatique] que comme encore indécomposée, et l'acide muriatique que comme un composé de cette substance et d'hydrogène.
En reconnaissant l'acide oxy-muriatique comme une substance « indécomposée », il lui donne donc le statut d'élément, ce en quoi il voit juste, puisqu'il s'agit bien du chlore, et la molécule d'acide muriatique, autrement dit d'acide chlorhydrique, est bien composée d'un atome de chlore et d'un atome d'hydrogène, comme l'indique Avogadro. Il évalue la masse atomique du chlore et la trouve égale à 33,36, à comparer à la valeur actuelle de 32,84 (si l'on prend la masse de l'hydrogène comme unité). Avogadro obtient donc un résultat correct à moins de 2% près !
Nous ne discuterons pas des deux dernières parties de l'article d'Avogadro, où il considère les métaux et combinaisons de sels, avec pour guide ce qu'il appelait l'oxygénicité, notion qu'il avait introduite dans un article (21) publié dans le Journal de Physique, mais qui n'a pas survécu.

 

UN ARTICLE IGNORÉ PENDANT PLUS DE CINQUANTE ANS
Dans la conclusion de l'article, Avogadro insiste sur les points d'accord avec la théorie de Dalton :

 

En lisant ce Mémoire, on aura pu remarquer, en général, qu'il y a beaucoup de points d'accord entre nos résultats particuliers et ceux de Dalton […] Cet accord dépose en faveur de notre hypothèse, qui n'est au fond que le système de Dalton, muni d'un nouveau moyen de précision par la liaison que nous y avons trouvée avec le fait général établi par M. Gay-Lussac.
On pourra peut-être concilier ces idées avec celles de Berthollet, écrit-il pour terminer (car Berthollet ne croyait guère à la loi des proportions constantes). Il cherche peut-être par là à atténuer ce que ses idées peuvent avoir de « révolutionnaire ». Trois ans plus tard, il publiera un second article qui ne fera que préciser les résultats de ce premier article à la lumière de nouvelles données expérimentales (22).
Cela n'empêcha pas son article d'être ignoré pendant très longtemps. Sur les causes de cette mise sous le boisseau, de nombreuses idées ont été avancées. Avogadro était un physicien très peu connu, qui n'a jamais voyagé hors de son Piémont natal, qui ne connaissait aucun des grands savants de l'époque, et qui a même très peu correspondu avec eux. On peut imaginer que son article ne fut pas lu avec beaucoup d'attention, et il fallait de l'attention, car il n'était sans doute pas facile à lire pour ses contemporains. De plus, ses travaux sont purement théoriques, il ne fait pas d'expériences lui-même, il utilise les résultats publiés par d'autres. Or cette qualité de théoricien n'est partagée par aucun physicien ni chimiste à cette époque, ce qui a pu jouer un rôle négatif à son sujet. Il est significatif que l'article « atome » du Grand dictionnaire universel du XIXe siècle publié à partir de 1866 par Pierre Larousse ne mentionne même pas son nom.
Le physicien français André Marie Ampère (1775-1836), un contemporain presque exact d'Avogadro, a lui aussi fait la même hypothèse et lui aussi introduit la distinction entre atome (qu'il appelle « molécule », comme Avogadro) et molécule (qu'il appelle « particule »). La seule publication qu'on connaisse de lui sur le sujet est une Lettre à M. le comte Berthollet (23) publiée dans les Annales de Chimie en 1814. Dans cette lettre, Ampère fait état d'un Mémoire sur le sujet, presque terminé, dit-il, mais sur lequel il n'a pas le temps de travailler. Il en livre donc un extrait contenant les points essentiels, très semblables aux hypothèses d'Avogadro (24). Il y fait de plus une supposition curieuse : pour que l'espace occupé par une « particule » ait « trois dimensions comparables entre elles », il faut qu'elle réunisse au moins quatre molécules (25). Cette contrainte rend la composition des particules beaucoup plus complexe, la lecture de l’article en devient plus difficile. Cette idée ne sera jamais reprise. En France on fait souvent référence à l'hypothèse d'Avogadro-Ampère. Ampère et Avogadro sont parvenus à la même conclusion de façon indépendante, avec tout de même une priorité chronologique pour Avogadro. Cependant Ampère fit retraite sous le feu des critiques, et ne travailla plus dans ce domaine. Cela contribua peut-être aussi à la mise à l'écart des idées d'Avogadro.
 
 
LE NOMBRE D'AVOGADRO ET LA RÉALITE MOLÉCULAIRE
Il faudra plus de cinquante ans pour que revive l'hypothèse d'Avogadro, intimement liée à la théorie atomique de la matière, dont le père fondateur pour l’époque moderne reste John Dalton.
La matière est-elle composée de molécules, elles-mêmes assemblages d’atomes ? Ces molécules existent-elles réellement, ou ne sont-elles que de pures spéculations théoriques ? Cette question fit l’objet de vives controverses pendant une bonne partie du XIXe siècle. En 1860, le premier congrès international de chimie, convoqué à Karlsruhe par le chimiste allemand Friedrich August Kekulé (1829-1896) – connu pour avoir montré la tétravalence du carbone et introduit la structure cyclique du benzène – ne trancha pas entre les tenants de l'hypothèse atomique et ses adversaires, mais l'intervention du chimiste italien Stanislao Cannizaro (1826-1910), fut un des éléments qui firent évoluer les esprits (26). Cannizaro distribua des copies du résumé du cours de chimie qu'il enseignait à l'université de Gênes (27), et qui avait paru dans la revue italienne Il Nuovo Cimento en 1858. Il reprenait la théorie atomique telle qu’Avogadro l’avait modifiée et montrait qu'elle permettait de rendre compte de tous les résultats de la chimie de façon cohérente. Peu à peu la théorie atomique gagna du terrain. En 1865 le physicien autrichien Joseph Loschmidt (1821-1895) détermina pour la première fois le nombre de molécules d'un gaz dans un volume donné, grâce à la théorie cinétique des gaz. C'est Jean Perrin qui proposa en 1909 d'appeler Constante d'Avogadro ou Nombre d'Avogadro le nombre de molécules contenues dans 2 grammes d'hydrogène, que nous appelons aujourd'hui une mole d'hydrogène (28). Dans cet article il rendait compte de sa mesure du nombre d'Avogadro par l'étude du mouvement brownien de suspensions colloïdales. Il comparait alors le résultat obtenu avec ceux obtenus par d'autres méthodes tout à fait indépendantes, comme le bleu du ciel, les mesures de radioactivité, la mesure de la charge électrique élémentaire, du rayonnement du corps noir. Toutes ces mesures donnant des résultats concordants, il pouvait alors conclure :
Je crois impossible qu'un esprit dégagé de toute prévention puisse réfléchir à l'extrême diversité des phénomènes qui convergent ainsi vers le même résultat, sans éprouver une impression très forte, et je pense qu'il sera désormais difficile de défendre par des arguments raisonnables une attitude hostile aux hypothèses moléculaires, qui forceront l'une après l'autre toutes les convictions [...]
Dans un livre célèbre paru en 1913, et qui connut de nombreuses rééditions, Les Atomes (29), Jean Perrin établit une liste de pas moins de treize méthodes indépendantes qui donnent toutes, aux incertitudes expérimentales près, des résultats concordants. Et Jean Perrin d'affirmer :
On est saisi d'admiration devant le miracle de concordances aussi précises à partir de phénomènes si différents. D'abord qu'on retrouve la même grandeur, pour chacune des méthodes, […] puis que les nombres ainsi définis sans ambiguïté par tant de méthodes coïncident, cela donne à la réalité moléculaire une vraisemblance bien voisine de la certitude.
Ironie de la science, au moment même où la théorie atomique triomphe, la découverte et l'étude de la radioactivité montrent que les atomes peuvent se désintégrer : ce ne sont pas les objets immuables, insécables et éternels qu'on avait cru. Conclusion de Jean Perrin, qui sera la nôtre :
Mais dans ce triomphe même nous voyons s'évanouir ce que la théorie primitive avait de définitif et d'absolu. Les atomes ne sont pas ces éléments éternels et insécables dont l'irréductible simplicité donnait au Possible une borne, et, dans leur inimaginable petitesse, nous commençons à pressentir un fourmillement prodigieux de Mondes nouveaux. Ainsi, l'astronome découvre, saisi de vertige, au-delà de ces gouffres d'ombre que la lumière met des millénaires à franchir, de pâles flocons perdus dans l'espace, Voies lactées démesurément lointaines dont la faible lueur nous révèle encore la palpitation ardente de millions d'astres géants. La Nature déploie la même splendeur sans limites dans l'Atome ou dans la Nébuleuse, et tout moyen nouveau de connaissance la montre plus vaste et diverse, plus féconde, plus imprévue, plus belle, plus riche d'insondable Immensité.

 

 

 

 


(1) Voir la biographie très documentée de Mario Morselli, Amedeo Avogadro, a scientific biography, Dordrecht Publishing Co, Dordrecht 1984
(3) Le département d'Eridanus, du nom grec du fleuve Po, était un des six départements français qui composaient le Pièmont.
(3) A. Avogadro, "considérations sur l'état dans lequel doit se trouver une couche d'un corps non-conducteur de l'électricité, lorsqu'ell est entreposée entre deux surfaces douées d'electricités de différente espèce", Journal de physique, de chimie, d'histoire naturelle et des arts 63, 450-462, décembre 1806; "Second mémoire sur l'electricité", ibid. 65, 130-145, août 1807.
(4)Amedeo Avogadro, "Essai de déterminer les masses relatives des molécules élmentaires des corps, et les proportions dans lesquelles elles entrent dans ces combinaisons", Journal de Physique, de Chimie, d'Histoire naturelle et des arts, 73, 58-76, 1811.Cet article fait partie de l'ouvrage malheureusement épuisé Les atomes, une anthologie historique, textes choisis, présentés et annotés par Bernadette Bensaude-Vincent et Catherine Kounelis, Paris, Presse-Pocket, 1991. On pourra consulter aussi Histoire de l'atome, recueil de textes choisis et présentés par Pierre Radvanyi, Belin, 2007.
(5) Antoine Laurent Lavoisier, Traité élémentaire de chimie, Paris, Cuchet, 1789, p. xvij-xviij.
(6) Joseph-Louis Proust, "Recherches sur le bleu de Prusse", Journal de Physique, de Chimie, d'Histoire naturelle et des Arts, 6[50], 241-251, 1799.
(7) Joseph-Louis Proust, "Extrait d'un mémoire intitulé : Recherches sur le Bleu de Prusse", Journal de Physique, de Chimie, d'Histoire naturelle et des Arts, 2[45], 334-341, novembre 1794.
(8) Jeremias Benjamin Richter, AnfangsgrÜnde der StÖchyometrie oder MeBkunst chymischer Elemente, (3 vol.) J. F. Korn, Breslau & Hirschberg, 1792-94.
(9) Claude-Louis Berthollet, Essai de statique chimique, Firmin Didot, Paris, 1803.
(10) Cité par James Riddick Partington, A History of Chemistry, London, MacMillan, 1931-1964 ; vol.3, p. 784.
(11) John Dalton, New System of Chemical Philosophy, volume 1, 1ère partie. Bickerstaff, Manchester, 1808; volume 2, 2ème partie, Bickerstaff, Manchester, 1810 ; Vol. II, Bickerstaff, London, 1827.
(12) John Dalton, New system of Chemical Philosophy, op. cit., vol. 1, p. 213.
(13) John Dalton, ibid. p. 214.
(14) Thomas Thomson, New System of Chemistry, vol. 3, p. 442.
(15) Louis-Joseph Gay-Lussac, "Mémoire sur la combinaison des substances gazeuses les unes avec les autres", Mémoires de physique et de chimie de la société d'Arcueil, t. 2, 207-237, 1809. La "société d'Arcueil" avait été fondée par un groupe rassemblant les plus grands savants de l'époque, dont Pierre-Simon Laplace, Claude-Louis Berthollet, Jean-Baptiste Biot, Louis-Joseph Gay-Lussac, Alexander von Humboldt, Louis Jacques Thénard.
(16) Thomas Thomson, System of Chemistry, 5 vol., Edinburgh, Bell & Bradfute, 1807.
(17) Thomas Thomson, Système de Chimie, traduction par Jean Riffault sur la 3ème édition, avec une introduction par Claude-Louis Bertholle, Paris, chez Mme veuve Bernard, 1809
(18) Le terme "molécule" est ici pris dans son acceptation actuel d'"atome". Avogadro donne 15,1 comme masse molaire de l'oxygène, et de 13,2 pour celle de l'azote. Les valeurs actuelles sont respectivement de 16 et 14, la légère erreur étant dans les mesures expérimentales de densité des gaz (la pression et la température devant être rigoureusement identiques pour vérifier la première hypothèse d'Avogadro et arriver aux masses molaires correstes).
(19) Atome, du grec a-tomos, qui ne peut être coupé, insécable.
(20) Humphrey Davy, "Researches on the Oxymuriatic Acid, Its Nature and Combinations; And on the Elements of the Muriatic Acid. With Some Experiments on Sulphur and Phosphorus", Philosophical Transactions of the Royal Society of London 100, 213-257, 1810. Cité par Partington, op. cit. Vol. 4, p. 54
(21) Amedeo Avogadro, "Idées sur l'acidité et l'alcalinité" Journal de Physique, de Chimie et d'Histoire naturelle, 69, 142-148, 1809.
(22) Amedeo Avogadro, "Mémoire sur les masses relatives des molécules des corps simples, Ou densités présumées de leurs gaz, et sur la constitution de quelques-uns de leurs composés, pour servir de suite à l'Essai sur le même sujet, publié dans le Journal de Physique, Juillet 1811." Journal de Physique, de Chimie et d'Histoire naturelle, 78, 131-156, Février 1914.
(23) André-Marie Ampère, "Lettre à M. le comte Berthollet, sur la détermination des proportions dans lesquelles les corps se combinent d'après le nombre et la disposition respective des molécules dont leurs parties intégrantes sont composées", Annales de Chimie 90, 43-86, 30 Avril 1914.
(24) Dans une note de bas de page, Ampère cite Avogadro : " Depuis la rédaction de mon mémoire, j'ai appris que M. Avogadro avait fait de cette dernière idée la base d'un travail sur les proportions des éléments dans les combinaisons chimiques." Il semble donc bien avoir travaillé indépendamment. Lisait-il régulièrement le Journal de Physique ? Ou a-t-il simplement laissé passer l'article d'Avogadro parce que ce nom lui était inconnu ?
(25) Ampère pensait qu'une molécule devait occuper un certain volume dans l'espace. Or une molécule formée d'un ou de deux atomes est contenue dans un plan, elle n'a pas d'autre épaisseur que celle des atomes, ce qui ne lui semblait pas possible. D'où cette idée que les molécules devaient contenir au moins quatre atomes. Cette idée n'a jamais été reprise.
(26) The Question of the Atom from the Karlsruhe Congress to the first Solvay Conference, 1860-1911, publié sous la direction de Mary-Jo Nye, Tomash Publishers, Los Angeles/San Francisco, 1984.
(27) "Lettera del Prof. Stanislao Cannizzaroal Prof. S. de Luca ; sunto di un corso di filosofia chimica, fatto nella R. Universita' di Genova", Il nuovo cimento 7, 321-366, 1858.
(28) Jean Perrin, "Mouvement brownien et réalité moléculaire", Annales de Chimie et de Physique 18, 5-114, Septembre 1909
(29) Jean Perrin, Les Atomes, Librairie Félix Alcan, Paris, 1913 ; réédition avec une préface de Pierre-Gilles de Gennes, Champs/Flammarion, 1991

À LIRE

 

En sus de la bibliographie donnée par Bernard Fernandez dans son article (références des articles de Dalton et Gay-Lussac notamment), on pourra consulter les ouvrages suivants:

 

 


Jean Perrin, Les Atomes. Éditions Alcan 1913, réédition Champs Flammarion 1991, préface de Pierre-Gilles de Gennes (292 p.)

 

 


Bernard Fernandez, De l’atome au noyau. Une approche historique de la physique atomique et de la physique nucléaire. Éditions Ellipses, 2006 (608 p.)