Les textes analysés (Al-Djâhiẓ, Kitâb al-Hayawân, 7 volumes, Ed. Abdesselam Mohamed Harun, 2e édition, Mustapha Halabi, Egypte, 1960 [Dar al-Gîl, Dar al-Fikr, Beyruth, Liban, 1988]) sont les suivants : - (1) La coloration des pigeons, vol. III, p. 244-245 - (2) a. La transmission de la métamorphose des animaux (maskh) تناسل المسخ, vol. IV, p. 68-69 ; b. à propos de la métamorphose, القول في المسخ p. 70 ; c. l’influence de l’environnement, اثر البيئةpp. 70-74 - (3) a. Les serpents aquatiques, الحيات المائية vol. IV, p. 128, b. Les ressemblances entre les serpents et les poissons, ما اشبه الحيات من السمكvol. IV, p. 129 - (4) Les similitudes de quelques plantes entre elles,قرابة بعض النبات لبعضvol. IV, p. 130 - (5) La subsistance des animaux, ارزاق الحيوانvol. VI, p. 313 - (6) La chaîne alimentaire, vol. VI, اكل بعض الحيوان لبعضp. 399-400 - (7) Changement de comportement des animaux quand ils changent de territoire, تبدل حال الحيوان إذا أخرج من موطنه vol. VII, p. 100
Introduction
847, Bagdad, le savant polygraphe al-Djâḥiẓ (776-868) parachève le
Kitâb al-Hayawân (Le Livre des Animaux), ouvrage monumental, commencé certainement de nombreuses années auparavant, probablement avant 815, car l’auteur mentionne la zoologie d’Aristote dont les premières traductions se situeraient aux alentours de cette date
(1).
Cette œuvre naturaliste monumentale, inspirée aussi bien des écrits d’Aristote et d’autres naturalistes ou médecins de l’Antiquité, que de poésie, de culture orale anté-islamique et de récits d’éleveurs ou de voyageurs, est bien plus qu’une compilation d’espèces animales, ou une simple transmission de la culture zoologique : il s’agit d’une série d’observations, source inépuisable d’informations, de descriptions du monde animal, avec de grands efforts d’interprétations et d’explications du monde vivant et de ses propriétés en adoptant une démarche scientifique, tout cela sous une plume éloquente et originale.
Figure 1 : Portrait d’al-Djâḥiẓ (776-868), tel qu’imaginé par le peintre Arturo Ortis, sur un timbre-poste du Qatar, 20 février 1971. Al-Djâḥiẓ, pseudonyme dont il a été doté à cause de ses yeux exorbités, figure littéraire arabe, a traversé près d’un siècle et côtoyé de nombreux califes. Selon la légende, il aurait été mort enseveli sous ses livres après la chute de sa bibliothèque.
Al-Djâḥiẓ nous propose dans son Kitâb al-Hayawân de définir la vie et le monde « merveilleux » du vivant, de démontrer son ordre, son organisation et sa diversité à travers une classification des animaux. Il s’intéresse avec un regard curieux et avisé, aux comportements des animaux, à leurs relations réciproques, à leur adaptation à l’environnement. À la lumière de la raison, il confronte ses observations, ses descriptions, ses expériences, aux sources anciennes, et aux croyances qu’il tente parfois de mettre en doute, voire de réfuter. Existe-t-il une dynamique du monde vivant ? Comment s’articule-t-elle dans les phénomènes du vivant ? Le monde vivant et les espèces animales sont ils immuables ? Quelles relations entretiennent les espèces entre elles et avec leur environnement ?
Figure 2 : Le califat abbasside à son apogée, au VIIIe et IXe siècles (image WikiCommons auteur Gabagool). Al-Djâḥiẓ naît en 776 à Basra (signalée d’un point noir – en français Bassorah), métropole cosmopolite et commerçante, née de la conquête arabe, et qui sera le creuset de la prose arabe et de débats intellectuels et scientifiques. La dynastie abbasside débute en 750 après la chute des Ummayyades (661-750) et perdure jusqu’en 1258, après la mise à sac de Bagdad par les Mongols. Entre ces deux dates (750 et 1258), le pouvoir central des Abbassides de Bagdad s’affaiblit au profit des pouvoirs périphériques. Cette dispersion des centres de pouvoir s’accompagne de la fondation de multiples centres culturels, bibliothèques, hôpitaux, avec de nombreux mécènes; tous ces espaces culturels faciliteront les échanges et la création scientifiques.
Nous proposons ici d’analyser une sélection de quelques passages relatifs aux questions d’impact de l’environnement sur les caractères et les comportements des animaux, de l’adaptation aux changements de climat, d’habitat, ou de territoire. Certains extraits de ces passages contiennent des remarques rappelant aux lecteurs contemporains des schémas de « préfigurations » d’idées « transformistes » ou « évolutionnistes » ou encore d’ « esquisses » de théories comme la sélection naturelle. L’étonnement de ces trouvailles a conduit de nombreux penseurs modernes et commentateurs de l’œuvre d’al-Djâhiz à des surinterprétations qu’il faut mentionner :
À l’état embryonnaire, on y voit poindre, sans qu’il soit possible de discerner la part d’originalité qu’elle comporte, des théories sur l’évolution des espèces, l’adaptation au milieu et la psychologie des Animaux
(2).
Nous présenterons dans cette analyse comment al-Djâḥiẓ perçoit l’unité, la diversité et la hiérarchie du monde vivant, et comment celles-ci sont interprétées au regard de différents phénomènes observés tels que les réponses aux variations géographiques, écologiques, climatiques – phénomènes s’illustrant par des adaptations, des transformations, et éventuellement une transmission des caractères aux générations suivantes.
Unité, diversité et hiérarchie du monde vivant
Le monde animal est d’une grande diversité. Les merveilles de la grandeur de ce monde animal sont régulièrement louées tout au long du Kitâb al-Hayawân. Il révèle le rôle que joue chaque espèce dans son environnement et les relations qu’elles entretiennent les unes avec les autres.
Al-Djâḥiẓ traite dans les passages 5-6 de la subsistance des animaux, et des maillons de la chaîne alimentaire. La tournure stylistique et linguistique de ces paragraphes mérite d’être examinée. Al-Djâḥiẓ pratique l’énumération répétitive de ce que chaque espèce recherche, chasse, mange et se défend des prédateurs, avec un parallélisme quasi-rythmé, presque musical, insistant bien sur cette notion de chaîne : chaque espèce a ses proies, lesquelles ont les leurs ; chaque espèce chasse une autre, qui en chasse une autre
(3). On peut y lire la description d’une compétition rude entre les différentes espèces animales, et que chacune d’entre elle doit user de ruse pour échapper aux prédateurs et donc pour se maintenir en vie dans un milieu hostile. Chaque individu, chaque espèce a sa place, son rôle à jouer, et son utilité au sein de la chaîne alimentaire, et donc, dans tout l’écosystème
(4). Par exemple, les
dhubân ذبان (mouches) régulent le nombre de
ba‘uḍ بعوض (moustiques) :
Si ce n’étaient pas les mouches, les méfaits des moustiques diurnes auraient été plus importants.
Par l’explication des relations interspécifiques, et la notion de lutte, on peut percevoir la notion de hiérarchie du monde vivant, et le fait que certains animaux peuvent être jugés « supérieurs » à ceux qu’ils chassent, et ceux-ci encore supérieurs à ceux qui se situent plus bas dans la chaîne alimentaire, considérés donc comme espèces inférieures. Les notions de « force (
quwa’قوة)»/« faiblesse (
dhu‘f ضعف)» et d’ « infériorité (
dun دون)»/ « supériorité (
aqwâ’ اقوى)» sont exprimées de manière répétitive et insistante dans le texte. Tout cela participe à établir un ordre et à concevoir un équilibre de la Nature (
tabi‘a (5) طبيعة) .
Effets de style littéraire et rigueur argumentative
Dans ce passage, on rencontre un nombre important de figures de style de la langue arabe : des répétitions (radd), des parallélismes (muqâbala), ou des parallélismes sous forme antithétique (le tibâq), et autres figures comme le djinâs, et le sadj‘, figures de sonorités, équivalentes aux allitérations et assonances de la langue française, qui sont des répétitions de mots, homonymes ou pas, qui peuvent être proches grammaticalement et phonétiquement (djinâs) ou encore la répétition de la même lettre finale d’un mot plusieurs fois dans la phrase (sadj‘) (6), donnant une sorte de prose rimée et rythmée. Cette description de la chaîne alimentaire et des relations interspécifiques des animaux, présentée dans une stylistique riche et soutenue, interpelle le lecteur, lui offrant une allégorie par le verbe de la description naturaliste tout en gardant une rigueur scientifique. En effet, ces parallélismes, ces répétitions ne sont qu’un mode d’écriture permettant d’insister sur des points et de préciser dans le détail chaque acteur de la chaîne alimentaire, avec une tournure assez précise et claire pour que le lecteur saisisse le message. Ces énumérations répétitives des animaux et de ce qu’ils chassent, incluses dans des structures parallèles ou utilisant des parallélismes (antithétiques ou non), de manière rythmée, voire rimée et musicale, illustrent le processus de « chaîne », où l’on suit successivement l’animal qui recherche la nourriture, chasse, mange et se défend ; et de même pour celui qui lui est « inférieur » dans la chaîne. Le rapport de force et la ruse sont également bien illustrés par leurs champs lexicaux et par leur disposition opposée dans le parallélisme des phrases. Ces énumérations parallèles et rythmées, à l’aide de figures de style voulues, entrent dans la volonté de rigueur argumentative et de démonstration par la logique de l’auteur ; la forme même de ce passage rappelle un syllogisme avec plusieurs prémisses et une conclusion générale. Nous sommes en présence d’une « rhétorique argumentative (7)», rappelant les syllogismes (8) analogiques de l’argumentation grecque. Cette forme d’écriture est pratiquée par de nombreux prosateurs de l’époque, mais al-Djâhiz a su l’employer de manière remarquable et avec une verve exceptionnelle (9).
Déterminisme environnemental et adaptation
Par prudence épistémologique, il convient de s’arrêter sur le terme « adaptation », qui n’est pas utilisé dans son acception actuelle, mais qui sera associé à tout phénomène illustrant les réactions et les « réponses » morphologiques et biologiques d’un organisme aux variations des conditions extérieures, qu’elles soient géographiques, écologiques, ou climatiques.
Influence et impact du milieu
Les êtres vivants vivent et se développent dans un « habitat ». Comment était-il défini et perçu ? Il serait intéressant de s’interroger sur la notion de milieu à la lecture de ces textes. Dans quelles situations peut-on parler de milieu ? Quelles sont les définitions de ce terme, et à quelles réalités géographiques ou écologiques renvoie-t-il ? Territoire géographique, habitat, éléments environnants (végétaux, animaux, éléments naturels), climat, sont autant de composantes qui se rapportent à des phénomènes extérieurs qui peuvent influer sur les êtres vivants.
Pour suivre ce qu’en dit Canguilhem, cela peut être défini par « l’ensemble des actions qui s’exercent du dehors sur un vivant
(10) »
Historiquement considérés la notion et le terme de milieu sont importés de la mécanique dans la biologie, dans la deuxième partie du XVIIIe siècle. La notion mécanique, mais non le terme, apparaît avec Newton, et le terme de milieu, avec sa signification mécanique, est présent dans l’Encyclopédie de D’Alembert et Diderot, à l’article Milieu. Il est introduit en biologie par Lamarck, s’inspirant de Buffon, mais n’est jamais employé par lui qu’au pluriel. De Blainville consacre cet usage. Etienne de Geoffroy Saint-Hilaire en 1831, et Comte en 1838, emploient le terme au singulier, comme terme abstrait
(11).
Figure 3 : Planche XXI, extraite de Ambrosian fragments of an illuminated manuscript containing the zoology of al-Gâhiz, édité par Oscar Löfgren, (recueil de travaux publié par l’université d’Uppsala, 1946).
Habitat et territoire géographique
Le rôle du territoire géographique est relativement important selon al-Djâḥiz
(12). Les facteurs climatiques et écologiques jouent un rôle déterminant dans les caractéristiques physiques des êtres vivants. Il affirme que les êtres vivants, qu’ils soient animaux ou êtres humains, peuvent changer de caractères anatomiques et/ou physiologiques, modifier leurs comportements ; ainsi ils s’ « adapteraient » au territoire, ou à la région géographique donnée.
Les termes que l’on trouve dans les textes se référant au milieu sont : contrée, pays (bilâd بلاد)-environnement (bi’a بيئة)-eau (mâ’ ماء), air (hawâ’ هواء), terre (turba تربة)-habitat (maskin مسكن)-pays, demeure (waṭan,mawṭan وطن موطن).
Chez les populations humaines par exemple, il cite le cas des arabes nomades, qui, quand ils se déplacèrent vers la région de Khurasân
(13), ont vu leur peau s’adapter aux caractéristiques climatiques du nouvel endroit. De même, la région des Turcs
(14) a imprégné les habitants, hommes ou animaux de ses propriétés :
On voit comment la nature du climat des territoires turcs marque de son empreinte les chameaux, les chevaux et toutes les bêtes sauvages ou domestiques qui y vivent.
Aussi, les êtres qui vivent dans la terre des Banu Sulaym
(15) noircissent ; ceci est valable pour les êtres humains, les animaux sauvages, domestiques ainsi que les oiseaux et les insectes.
Le deuxième groupe soutient une thèse différente. S’il ne nie pas que les conditions atmosphériques puissent, en se détériorant, entraîner dans une région donnée une altération de l’eau et du sol, il estime qu’à la longue, ces changements exercent leurs effets sur les caractères physiques des hommes vivant dans cette région du monde. Tel est le cas des nègres, des slaves, et du pays de Djûdj et Midjûdj
(16). Nous constatons bien comment les Arabes, de nomades qu’ils étaient au moment de leur installation dans le Khurasan, se sont dépouillés de la plupart des traits que nous leur connaissions.
Tous ces changements sont dus aux variations des conditions climatiques, ou à l’altération des propriétés climatiques et environnementales initiales
(17). En outre, lorsque les animaux quittent leur habitat ou milieu naturel, ils changent de comportement. Al-Djâḥiẓ cite l’exemple de l’âne de Ana
(18), qui réagit au changement de milieu par un allongement de ses sabots. Et les oiseaux sauvages telles les chanteuses et les pleureuses
(19) voient leur cycle de reproduction perturbé. En revanche, les rapaces demeurant dans leur environnement conservent le même bec
(20).
Nous avons appris que si les rapaces chasseurs demeurent dans leur territoire même cent ans, leurs becs ne s’allongent pas.
Quant au mâle des onagres de ‘Ana, s’il se trouve dans un autre territoire que le sien, il voit ses sabots s’allonger, au point qu’il devient nécessaire de les tailler chez le vétérinaire.
Et les oiseaux sauvages telles les « chanteuses et les pleureuses », même s’ils restent chez nous une longue période, ils ne chantent pas, et perdent leurs plumes. Ceci étant de même pour l’accouplement, la nidation et la couvaison.
Avec humour, il rapporte cela aussi au mental des êtres humains : en s’établissant dans une région comme Tubat
(21), les hommes peuvent y devenir tristes et perdre toute forme et toute bonne humeur ; à Mossul
(22), on devient plus faible et à Aḥwâz
(23), on « perd la tête » (vol. IV, p. 135).
Figure 4 : Page du manuscrit du Kitâb al-Hayawân découvert en 1946, provenant probablement de Syrie, représentant une autruche (XIVe siècle). Planche 187. Biblioteca Ambrosiana, Milan. Ms Arabo D 140 inf. ff. 63v et 10r. D’autres manuscrits du Kitâb al-Hayawân se trouvent à la Bibliothèque Nationale de Vienne (Autriche), à la Bibliothèque Küprülü d’Istanbul et à la Bibliothèque Dar al-Kutub al-misriyya du Caire, Égypte.
Le changement de territoire peut même impliquer une transformation adaptative. C’est le cas de certains végétaux. Al-Djâḥiẓ admet que certains végétaux sont proches les uns des autres, et qu’ils s’ « adaptent » au territoire
(24). Il donne l’exemple des palmiers en disant que les dattes «
mushân »
(25) de Kufa sont proches du
burnî (26) de Basra, et que c’est le territoire géographique qui les a « transformées ». De même, il précise que le palmier cocotier [
nardjîl] est en réalité le palmier «
muql »
(27), mais qu’il s’est transformé de par son adaptation au territoire.
Les gens du Hidjâz
(28) affirment que le palmier nardjîl est en fait le palmier muql qui s’est transformé, acclimaté aux conditions du pays (…)
Figure 5 : Les régions citées par al-Djâhiz situées sur la carte de l’empire abbasside (750-1258) (image de base WikiCommons auteur Gabagool). Les villes de Kufa, Basra et Mossul ; les régions du Hidjâz et du Khurasân.
Facteurs climatiques
Le mot « climat » dont l’utilisation serait anachronique dans notre cas, renvoie à plusieurs réalités : il recouvre l’ensemble des conditions atmosphériques d’une région donnée (température, précipitations, ensoleillement, humidité). On ne peut affirmer avec certitude qu’au Moyen-Âge existe une réflexion sur le concept de climat tel qu’on l’entend aujourd’hui, mais des interrogations sur le climat et ses effets ont eu cours
(29) ; chez Buffon, ce mot désigne l’ensemble des causes matérielles qui influent sur l’animal
(30).
Selon al-Djâḥiẓ, il existe une relation entre rayonnement solaire, température, et pigmentation de la peau des animaux, voire même niveau d’intelligence. Il émet l’hypothèse des effets de la chaleur sur la maturation de l’individu dans l’ « utérus » de sa mère. En effet, selon lui, plus le rayonnement et la chaleur (température externe) sont élevés, plus ceux-ci atteignent directement le fœtus dans l’utérus de sa mère qui poursuit sa maturation dans un milieu relativement chaud. Il naîtra plus ou moins « foncé » selon le degré de chaleur et de rayonnement solaire.
Al-Djâḥiẓ prend l’exemple des pigeons et aussi des êtres humains : lorsque la température extérieure ainsi que le rayonnement solaire sont faibles, la température interne du milieu « utérin » de la mère est faible ; ce qui défavorise en quelque sorte la maturation de l’embryon. Ainsi, le petit pigeon qui naît dans ces conditions acquiert une pigmentation faible qui lui confère une couleur très blanche de sa peau. Il en est de même pour les êtres humains, comme les slaves (al-saqâliba)
(31), qui ont une peau très blanche.
Si le pigeon devient (complètement) blanc, comme le faqî‘, il ressemble en cela au slave [saqâlibî], c’est que celui-ci n’a pas atteint le degré optimal de maturation dans l’utérus [de sa mère], si celle-ci a lieu dans un pays à rayonnement solaire faible.
En revanche, si le milieu utérin est très chaud, dû à un climat extérieur tempéré, voire aride, l’embryon se trouve littéralement « chauffé », voire « brûlé »
(32), et donc va acquérir une peau de coloration plus foncée en fonction du degré de chaleur. C’est le cas des pigeons de couleur noire qu’al-Djâḥiẓ compare aux Éthiopiens (
Zandj) qui, pour ces mêmes raisons, ont une pigmentation noire. Ces deux cas, rappelle l’auteur, sont des cas extrêmes. En effet, la normalité est que l’embryon se développe dans un milieu à température modérée, ni trop élevée, ni trop basse, ainsi, il développera une pigmentation « normale », ni trop foncée, ni trop claire ; le vert est considéré comme la pigmentation « normale » chez le pigeon et le brun chez l’Homme
(33).
Cette influence directe des conditions climatiques a lieu dans un milieu interne, l’utérus
(34) de la mère, qui subit l’excès de température ou le fort rayonnement, qui, littéralement « bronze » la peau de la progéniture, la « colore » et donne un pigeon de plus en plus brun en fonction de la température. C’est-à-dire qu’un pigeon noir peut être issu de parents de couleur blanche, parce que le milieu utérin où il s’est développé a été affecté par la chaleur externe et que le fœtus a acquis ces caractères de couleur brune ou noire. Et s’il se maintient dans le même territoire, les futures générations gardent cet aspect.
De même pour les caractères externes : les cheveux des habitants des territoires secs et arides s’assèchent selon al-Djâḥiẓ, et deviennent de plus en plus crépus avec l’accroissement de la chaleur. Par ailleurs, ces températures trop basses ou trop élevées affecteraient aussi les capacités « intellectuelles ». Celles-ci seraient amoindries par une température non moyenne : les individus trop blancs et les individus trop noirs auraient, toujours selon al-Djâḥiẓ, une intelligence ou un esprit un peu moins vif que les individus de couleur intermédiaire (brun). Les pigeons blancs ou noirs auraient un sens de l’orientation inférieure aux pigeons verts ou bruns.
Ces analyses sont bien évidemment à replacer dans leur contexte historique. La lecture de telles conclusions peut paraître choquante de nos jours, mais les naturalistes et médecins de l’époque essayaient de trouver les premières explications des phénomènes biologiques par les caractères issus de l’observation directe, notamment les caractères morphologiques extérieurs. Ce genre d’analyse n’induit pas une éventuelle infériorité ou supériorité entre les êtres humains relative à la couleur. On retrouve de manière assez récurrente ce genre de valorisations des couleurs où le blanc ou blond était associé au « féminin », ou à la « faiblesse » notamment chez Hippocrate [cf. Barra, E., « Les couleurs du corpus Hippocratum », Corps, 2007 (2), N° 3, pp. 25-32 ] Chez Aristote, le blanc était tantôt valorisé tantôt non : « chez les femmes, les brunes ont un lait plus sain que les blondes », Histoire des Animaux, III, 523a, 9 sqq (voir Joly, R., « Biologie d’Aristote », Revue philosophique de la France et de l’Etranger, T. 158, PUF, 1968, pp. 219-253 [233]) mais aussi : « les bêtes blanches sont pour ainsi dire plus chaudes et ont une chair plus savoureuse » [Génération des animaux, V, 6, 786 a, 15-16] (35). Buffon (1707-1788) dans Histoire Naturelle : De L’Homme, promulgue la supériorité de l’homme blanc : « C'est aussi sous cette zone [la tempérée] que se trouvent les hommes les plus beaux et les mieux faits ; c'est sous ce climat qu'on doit prendre l'idée de la vraie couleur naturelle de l'homme (…) » ; ainsi que Cuvier (1769-1832) : « La race blanche, à visage ovale à cheveux longs, à nez saillant, à laquelle appartiennent les peuples policés de l’Europe et qui nous paraît la plus belle de toutes, est aussi bien supérieure aux autres par la force du génie, le courage et l’activité » [Tableau élémentaire de l’Histoire naturelle des animaux, Paris, 1798, p. 71]
Finalement, al-Djâḥiẓ explique qu’il y a un déterminisme des caractères physiques et psychologiques d’un individu dès son développement utérin, dû aux facteurs climatiques et environnementaux externes et internes. Le rayonnement solaire est donc un critère déterminant : son manque ou son excès affectent l’embryon
(36). On peut voir ainsi que les conditions climatiques représentent une source de variabilité des espèces et peuvent être une des explications de la diversité du monde vivant
(37).
Transformations et adaptations : transmissions des caractères ?
Le passage que nous avons relevé reflète quelques aspects intéressants sur les changements ou transformations observés chez les êtres vivants (animaux et êtres humains notamment), qui sont attribués soit à une volonté divine (le
maskh (38) مسخ étant évoqué dans le texte coranique), soit aux facteurs externes, climatiques ou environnementaux. Ces extraits sur les métamorphoses animales peuvent paraître au lecteur moderne aussi irrationnels qu’extravagants ; ils n’en sont pas moins intéressants d’un point de vue historique. Pour al-Djâḥiẓ, il s’agit d’analyser des observations. Pour trouver les causes et expliquer les phénomènes constatés, il tente de chercher des réponses aussi bien dans la volonté divine que dans les causes naturelles. Mais comme l’intervention divine n’est pas un argument suffisant pour lui, il s’empressera de chercher une réponse qui se vérifie par l’observation et se justifie par des explications rationnelles, parallèlement à ce qui peut être une acception évidente pour tous.
Le maskh : châtiment divin ou issu de bouleversements climatiques ?
En effet, al-Djâhiẓ, après avoir évoqué dans un chapitre précédent les origines et les effets du maskh, d’après les connaissances de l’époque de ce qui a été dit principalement dans le Coran, parle de la possibilité de transformations opérées par la volonté de Dieu, dans le but originel et premier de châtier, de punir une de ses créatures, en l’occurrence l’Homme qui aurait péché, et de le dégrader en être inférieur comme le singe ou le cochon. Il revient quelques pages plus loin et dresse un tableau théorique du maskh, de ses causes, et des différentes interprétations par les sages de son temps. Cependant, l’auteur, fidèle à sa volonté de confronter les dires à l’expérience et au raisonnement logique, observe ce qu’auraient pu être la cause et les conséquences de ces phénomènes pour en dégager ce qui est raisonnable et plausible de ce qui ne l’est pas.
Al-Djâhiẓ expose deux points de vue : ceux qui acceptent le maskh comme une évidence, et ceux qui réfutent catégoriquement le maskh, en théorie, c’est-à-dire qui rejettent l’intervention divine et attribuent tout changement aux conditions climatiques de la nature.
La métamorphose elle-même d’êtres humains en animaux a quant à elle fait l’objet de divergences entre les savants. Les matérialistes [dahriyyûn], pour leur part, se sont sur ce sujet, divisés en deux groupes. Le premier nie la métamorphose, mais reconnaît comme réels l’engloutissement des pans de la terre khisf
(39), les ouragans envoyés par Dieu, le Déluge ; pour lui, le khisf est assimilable à un séisme, les châtiments divins à des phénomènes naturels, comme les averses de gros grêlons.
Al-Djâḥiẓ ajoute que les adeptes du maskh ne sous-estiment pas le rôle du climat ou de l’environnement dans ces métamorphoses, mais que le Créateur peut lorsqu’il le souhaite, être à l’origine de certaines de ces modifications. Al-Djâḥiẓ pourrait se situer dans cette tendance, car il n’est catégorique sur aucune des possibilités : il reconnaît le poids de l’environnement, qu’il considère d’ailleurs comme un paramètre important des changements et des modifications au sein des espèces, tout en n’excluant pas l’interventionnisme divin dans certains cas : on reconnaît ici le raisonnement jaḥizien, tendance du théologien rationaliste à vouloir lier foi et raison.
Figure 6 : Timbre syrien en l’honneur d’al-Djâhiz (semaine de la science 1968). On retrouve les yeux exorbités qui ont donné son pseudonyme au savant.
Transmissions des caractères à la descendance
Dans le passage 3, al-Djâḥiẓ expose le cas de certains lézards. Selon lui les lézards de la famille des
wazgh (les geckos) auraient été affligés par Dieu, qui les aurait rendus venimeux (
sâm) et tachetés (
abraṣ)
(40), caractéristiques morphologiques qu’ils ont transmises à leur descendance . Ainsi un nouvel animal appelé «
sâm abraṣ », correspondant à la tarente, ou grand Gecko (
Tarentola mauritanica) voit-il le jour :
Et concernant le gecko, son ancêtre, quand il a fait du feu d’Abraham et de Jérusalem ce qu’il a fait, Dieu l’a envenimé, et tacheté ; c’est pourquoi on l’appelle communément « sâm abraṣ »
(41), et celui qu’on voit est l’un de ses descendants.
Figure 7 : Tarentola Mauritanica, ou gecko (image WikiCommons).
Mais nous n’avons pas plus d’éléments dans le texte nous renseignant sur les caractéristiques de cet « ascendant » ou « ancêtre » et sur le processus de transformation en lui-même.
Concernant la transmission des caractères, les avis divergent : les transformations seraient ponctuelles selon certains, permanentes et transmises aux générations suivantes selon d’autres. Al-Djâḥiẓ reste dubitatif et présente les deux interprétations possibles :
Sur le maskh [métamorphose dégradante], ont été émis des avis divergents : il y a parmi eux ceux qui affirment que le maskh ne se transmet pas à la descendance, qu’il ne se perpétue pas, sauf pour servir de leçon et d’exhortation. C’est leur position tranchée. Et puis, il y a ceux qui soutiennent que le maskh dure, et se perpétue, et a donné naissance à des espèces telles l’uromastyx, l’anguille [djurriy]
(42), les lapins, et les chiens, et d’autres des descendants de ces « peuples » qui se sont transformés en ces êtres et en ont acquis la(es) forme(s).
Vestiges des transformations
Soulignons un autre point qui peut paraître intéressant : c’est l’apparition d’être humains pourvus de protubérances au niveau du sacrum rappelant des queues (pas aussi longues que celles du serpent ou du lion, mais s’approchant de celles d’une tortue ou d’un stellion). C’est le cas de certains individus de cette région (Nabṭ), et d’autres de l’Ouest, qui auraient selon l’auteur gardé l’apparence de « singes », apparence due probablement au châtiment (maskh) qu’ils ont reçu. Ces individus auraient pu, ainsi, selon cette description, perdre au fil des générations ces caractéristiques, et en avoir gardé quelques traces, quelques vestiges comme ces protubérances rappelant des queues animales. Ainsi, cela pourrait vouloir dire que, lorsque ces individus quittent leur territoire, ils changent de physionomie, de morphologie, et les « caractères » issus du « maskh » disparaîtraient progressivement. Les effets du châtiment ne persistent que lorsque l’individu reste dans son territoire. Cela est plus ou moins exprimé par ce passage :
Les gens à l’image de ces Maghrébins et de ces Nabathéens
(43) sont ignorants, et ne se déplacent pas de leur habitat ou de leur territoire. Si cela dure, les cheveux, les queues, la couleur de peau blanche claire, les caractéristiques semblables avec les singes persistent et se prolongent.
Donc, si les individus ne se déplacent pas, ils conserveraient ces détails anatomiques et morphologiques du maskh, garderaient l’apparence des singes et la transmettraient au fil des générations. S’ils se déplacent, le changement de territoire leur ferait perdre ces effets de la métamorphose, et les caractéristiques semblables à celles des singes disparaîtraient progressivement.
Al-Djâhiz présente toutes ces observations et conserve de nombreuses incertitudes sur les explications. La métamorphose lui semble une hypothèse possible, mais il se pose toujours la question de son existence effective, et si elle a lieu, comment elle s’opère.
L’origine marine des reptiles et le rapprochement serpents-poissons
Un argument intéressant sur les origines de la vie et l’adaptation en milieu marin/terrestre est présenté avec le cas des serpents ou des reptiles marins. Selon al-Djâḥiẓ, les serpents (
ḥayyât)
(44) ont une origine marine. En effet, dans un long développement consacré aux serpents dans le volume IV du
Kitâb al-Hayawân, où il décrit les serpents, leurs propriétés, leurs caractéristiques anatomiques, leur venin, etc., il suggère que toutes les espèces de reptiles tiennent leur origine du milieu aquatique ; même si elles ne sont pas nées dans l’eau, leurs ascendants (ou ancêtres
(45)) ont été des animaux marins, qui avaient la capacité de vivre dans les milieux terrestres.
Les reptiles, bien que certains d’entre eux s’adaptent aux deux milieux terrestre et aquatique, peuvent s’adapter définitivement au milieu marin, en se rapprochant des poissons, voire en se transformant en poissons.
C’est le cas de l’anguille, le
marmahi-ankilis, appelé aussi
thu‘bân al-baḥr (serpent de mer). Le mot marmahi est un mot persan signifiant anguille et littéralement serpent-poisson (
mar= serpent;
mahi = poisson). Al-Djâḥiẓ utilise aussi le terme
ankilis, mot d’origine grecque arabisé désignant également l’anguille
(46). Les anguilles (et d’autres poissons morphologiquement ressemblant) seraient donc pour certains, selon notre auteur, des descendants des serpents (ou reptiles marins) qui se seraient transformés «
inqalabat » إنقلبت à la faveur des conditions aquatiques (adaptation), et les autres seraient le résultat de l’hybridation d’un poisson et d’un serpent (ou reptile marin) de « nature » (
ṭibâ‘طباع) et de constitution proches.
Au-delà de la notion de maskh, très précisément liée à la métamorphose, nous voyons ainsi apparaître dans le Kitâb al-Hayawân, des possibilités de transformations de caractéristiques anatomiques et morphologiques d’animaux. Cela est visible à travers l’utilisation du vocable « inqilâb إنقلاب» qui signifie « transformation en… », ou « renversement en… ».
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Nous pouvons ainsi distinguer de ces nombreuses observations d’al-Djâḥiẓ deux niveaux d’adaptation
(47) : l’adaptation au niveau de l’individu et l’adaptation au niveau de l’espèce. En effet, les organismes considérés isolément (comme l’exemple de l’âne de Ana et les oiseaux qui changent de territoire) tentent de s’adapter aux variations des conditions du milieu. L’organisme s’adapte à son environnement par des modifications morpho-anatomiques. Ceux qui ne s’adaptent pas, périssent, ou ne se reproduisent plus.
Alors que dans le cas des anguilles, il semblerait bien qu’il s’agisse d’une adaptation progressive, dans le temps, qui a fait acquérir à certains reptiles les caractéristiques des poissons, leur permettant ainsi de vivre en milieu marin et de devenir des « serpents de mer » c’est-à-dire des poissons.
Figure 8 : Deux planches issues d'un autre al-Hayawân (Livre des Animaux), période abbasside.
Mythe du précurseur et perspective historique : al-Djâhiz, naturaliste curieux, observateur perspicace
La complaisance à rechercher, à trouver et à célébrer des précurseurs est le symptôme le plus net d’inaptitude à la critique épistémologique (48).
À travers ces textes, al-Djâḥiẓ observe les animaux, décrit leurs comportements, constate des différences, des changements. Il envisage donc une dynamique de ce monde vivant, en interaction perpétuelle avec son environnement qui détermine ses caractéristiques morpho-anatomiques, influence son comportement sexuel et assure sa survie. Le monde présenté dans une vision finaliste et téléologique comme « ordonné », bien organisé, et plus ou moins régi, subit néanmoins des changements qui laissent des traces. C’est un monde qui n’est pas immuable ; les êtres vivants ne semblent pas être identiques à ceux qui préexistaient – leur organisation, leurs propriétés, ne sont pas fixes ni statiques.
Dans une terminologie moderne, on parlerait de description de la biodiversité
(49), néologisme crée à partir de « biologie » et de « diversité », c’est-à-dire de la variété et de la diversité naturelle des organismes vivants, sous toutes leurs formes. Cette « biodiversité » soulevée et décrite par al-Djâḥiẓ, traduit la richesse, la disparité, l’ordre, la hiérarchie inscrits dans une idée d’équilibre, d’harmonie du monde et de l’Univers.
Un certain nombre de commentateurs ont vu en quelques uns de ces passages des esquisses de transformisme ou d’affirmations s’approchant ou rappelant la sélection naturelle. Le fait que les plus forts s’attaquent aux plus faibles dans une compétition interspécifique ne laisse pas entendre ici que les espèces les plus faibles sont les moins « adaptées » ou que les espèces les plus faibles tendent à disparaître. Ceci ne constitue pas un argument pour une quelconque « sélection naturelle » suggérée par des commentateurs comme Miguel Asin Palacios
(50) ou Conway Zirkle
(51), qui interprètent ce passage comme une expression de l’hypothèse de la sélection naturelle à la manière de Darwin… Une sorte d’anticipation de la théorie de l’origine des espèces de Darwin dans une volonté de vision continuiste de l’histoire des sciences. Certains, à la recherche du “précurseur” utilisent même le terme « évolutionnisme ».
After a long study of animals, Al-Jâhiz was the first to put forward his view of biological evolution in his Book of Animals, which contains the germs of many later evolutionary theories (animal embryology, evolution, adaptation, animal psychology and sociology)
(52)
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Certes, le monde d’al-Djâḥiẓ n’est pas figé, il manifeste même une certaine dynamique sensible : les êtres vivants changent, s’adaptent aux nouvelles données d’un milieu, développent de nouveaux caractères, voire même se transforment.
Cependant, la non-fixité de ce monde n’implique pas d’« évolutionnisme ». Les transformations observées et décrites par le naturaliste ne s’inscrivent pas toutes dans la durée. L’immense diversité observée ne signifie pas « diversification » des espèces dans une logique évolutionniste, même si on peut repérer des acquisitions progressives de certains caractères chez certaines espèces. La vision d’al-Djâḥiẓ n’est pas fixiste, mais le créationnisme est bien présent. Les concepts de « transformisme » ou de « sélection naturelle » sont bien évidemment exclus de son raisonnement, ne serait-ce que d’un point de vue strictement zoologique, puisque aucune analyse ne révèle des mécanismes aussi complexes et précis ; et ce n’est que surinterprétation de la part de certains commentateurs, voulant voir en al-Djâḥiẓ un précurseur des théories futures, pensant accorder ainsi à sa biologie plus de crédit et de valeur, alors qu’elle ne nécessite pas ce type de lecture pour avoir de la pertinence dans son contexte et les connaissances de son temps
(53).
En effet, le fait que ces textes n’annoncent pas le transformisme ne diminue en rien leur valeur épistémologique. Replacés dans leur contexte historique et scientifique, ils sont le témoignage d’un travail soutenu du naturaliste, qui observait rigoureusement les phénomènes de la nature et essayait de les expliquer de la manière la plus rationnelle possible. Cette observation directe, démonstration d’un empirisme comme base argumentative, jugé par certains comme méthodologie rudimentaire
(54) d’un point de vue scientifique, révèle dans ce contexte un raisonnement intéressant: elle rend compte des phénomènes, et permet à l’« observateur » curieux de les détecter, de les isoler, de les étudier, et d’essayer de les expliquer. Les hypothèses d’explication ou d’interprétation des phénomènes seront compris ou appréhendés selon les moyens disponibles et les connaissances acquises ; ils peuvent s’avérer grossiers ou insuffisants pour un observateur moderne, mais ont permis d’ouvrir des nouvelles interrogations à leur époque.
Ainsi, des observations-questions majeures sont-elles posées : les relations inter ou intra-spécifiques, l’organisation des éléments ou des êtres vivants dans la Nature, des détails anatomiques étranges observés, impliquant des ressemblances entre différentes espèces, suscitant questionnements et interprétations. C’est d’ailleurs à travers ces différentes interrogations qu’al-Djâhiz propose dans son Kitâb al-Hayawân de classer les animaux, d’expliquer leurs modes de reproduction, de décrire les phénomènes de communication animale. Même si ces questionnements ne trouvent pas toujours de réponse claire et/ou pertinente, ils ont ouvert un champ de réflexion à ces naturalistes et à ceux qui les ont suivi.
L’explication théologique et / ou l’explication environnementale se font pertinentes dans ce mode de pensée, dans une logique intellectuelle et méthodologique de l’époque, et témoignent d’une rigueur, d’une application et d’une volonté d’objectivité dans les travaux de al-Djâhiẓ. Celui-ci, dont le scepticisme scientifique face aux croyances ancestrales imprègne l’argumentation, s’oblige à confronter les données ou les théories issues de croyances aux éléments de l’observation et de l’expérience, à la logique, à la raison ; il n’admet jamais rien de manière stricte ; il faut que la réponse soit logique, vérifiable par l’observation, acceptable par la raison humaine.
Annexe sur la translittération
Pour les termes arabes nous utilisons un système de translittération simplifié, inspiré de celle de l’Encyclopédie de l’Islam (sauf pour la lettre «ق » qui sera « q ») :
Mars 2012
(1) La traduction arabe du corpus naturaliste aristotélicien, l’Histoire des Animaux, les Parties des Animaux et Génération des Animaux, regroupe l’ensemble dans un ouvrage composé de dix-neuf livres, intitulé « Fi ṭabâ’i‘al- ḥayawân » (Sur les natures des animaux), traduit par Ibn al-Bitriq selon de nombreuses sources. Mais de nombreux travaux récents tendent à remettre en question l’identité du traducteur (Kruke, Remke, The Arabic version of Aristotle’s Part of animals, Book XI-XIV of the Kitâb al-Hayawân, Amsterdam, 1979, pp. 18-19, citant Endress, De Caelo, p. 115., et FILIUS, L., “The Book of Animals by Aristotle”, in: Akasoy, A.A. (éd.), Islamic thought in the Middle Ages: studies in text, transmission and translation, p. 274. Cf. Endress, Die arabischen Übersetzungen von Aristoteles’ Schrift De Caelo, pp. 113-15, et D’ancona, C., « Greek sources in arabic and Islamic Philosophy”, in: Stanford Encyclopedia of Philosophy, http://plato.stanford.edu/entries/arabic-islamic-greek/. La traduction d’Ibn al-Bitriq est aussi remise en doute par Drossaart-Lulofs, Generatione animalium, p. 3.) La tradition latine a conservé la biologie d’Aristote à partir de ces traités traduits, par l’intermédiaire de la traduction de Michel Scot, exécutée à Tolède en 1220 (Libri de animalibus). En revanche, nous n’avons pas à l’heure actuelle de trace dans la tradition arabe d’autres traités naturalistes d’Aristote tels la Marche des animaux, ou le Mouvement des animaux. Il y aurait cependant quelques fragments de Parva Naturalia en arabe – cf. Pierre Pellegrin, « Corpus biologique d’Aristote », in Goulet (éd.), Dictionnaire des Philosophies antiques, pp. 472-481.
(2) Pellat, C., Hayawan, in : EI De tels arguments ont été développés par Zirkle, Conway, « Natural Selection before Origins of Species of Darwin », in Proceedings of the American Philosophical Society, 1941, Vol. 84, N°1, p. 84, Palacios, M.A., « “El Libros de los Animales” de Al-Jâhiz », in : Isis, 1930, Vol. 14, N°1, pp. 20-54. Voir aussi Bel Hadj-Mahmoud, N., La psychologie des animaux chez les Arabes, notamment à travers le Kitâb Al-Hayawân de Jâhiz, Klinsciek, Bayrakdar, « Al-Jâhiz and the rise of evolutionnism », in : Hamdard Islamicus, 1985, p. 311.
(3) Sur la chaîne trophique et les compétitions interspécifiques, cf Aarab, A., « Eco-ethological data according to Jâhiz through his work Kitâb al-Hayawân », Arabica, 47, 2000, pp. 278-86.
(4) Aarab, A., Étude analytique et comparative de la zoologie médiévale, p. 45
(5) Ce point de vue qui voit en al-Djâḥiz un des premiers penseurs à avoir exposé la chaîne alimentaire et les relations interspécifiques, et montré l’influence de l’environnement sur les animaux, adopté par Aarab, A., Op. cit. l’a été également par Egerton, F.N., « A History of the Ecological Sciences, Part 6 : Arabic Language Science-Origins and Zoological Writings, Bulletin of the Ecological Society of America, april 2002, pp. 142-146.
(6) Le sadj‘ est un style de prose rythmé. Il permet au lecteur d’avoir un plaisir auditif de lecture et de mieux retenir le texte. Ce style était très pratiqué dans la période médiévale. Cf. EI 2, VIII, pp. 732-738.
(7) Sur la rhétorique argumentative d’al-Djâhiz voir Ben Rejeb, T., « Qisat ahl al-basra min al-masdjidayn aw jadal al-wâqa‘ waz-l-fan wa-l-mantiq » (Étude de cinq anecdotes d’al-Bukhalâ d’al-Djâhiz), in : Colloque al-sardiyyât, Béchar, Algérie, oct. 2001.
(8) Syllogisme, le syllogisme est un raisonnement logique à deux propositions (également appelées prémisses) conduisant à une conclusion qu'Aristote a été le premier à formaliser. Par exemple, Tous les hommes sont mortels, or Tous les Grecs sont des hommes, donc tous les Grecs sont mortels est un syllogisme ; les deux prémisses (dites « majeure » et « mineure ») sont des propositions données et supposées vraies, le syllogisme permettant de valider la véracité formelle de la conclusion.
(9) Cet exposé fait partie d’un travail sur la stylistique qui a fait l’objet d’une communication lors de deux colloques (le congrès de la SFHST, Nantes, mai 2011, et le colloque international sur la primauté d’al-Djâhiz dans les Sciences Humaines, Maroc, novembre 2011) : « Raconter une histoire naturelle : lorsque le verbe du conteur trace les observations du naturaliste, cas du Kitâb al-Hayawân d’al-Djâhiz (776-868) », Actes du colloque International sur Jâhiz, Tétouan, Maroc, novembre 2011, in A.Aarab (dir.), éd. Faculté des lettres et sciences humaines de Tétouan, Université Abdelmalek Essaadi, 2012.
(10) Canguilhem, G., La connaissance de la Vie, J.Vrin, 1992, p. 131.
(11) Canguilhem, G., Op. cit., p. 129-130.
(12) Al-Djâhiz aurait également écrit un Kitâb al-Buldân (Le livre des pays), d’après Pellat, Ch., « Inventaire de l’œuvre jahizienne », Arabica, 3, Fasc. 2, 1956, p. 154, n°35 [147-180] et « Nouvel essai d’inventaire de l’œuvre jahizienne », Arabica, 31, Fasc. 2, 1984, p.134, n°55 [ 117-164].
(13) Khurasân : région au nord est de l’Iran actuel, à l’est de la mer Caspienne, avec un climat sec et froid.
(14) À l’époque d’al-Djâhiz, les turcs occupaient plusieurs territoires allant de la région du Khurasân à l’Afghanistan actuel. On ne sait pas de quelle zone territoriale précise parle al-Djâhiz dans ce passage.
(15) Banu Sulaym est une terre rocailleuse basaltique située près de Najd (plateau de la péninsule arabique comprenant des oasis), dont les roches et les sols sont noirs, comme si la terre avait brûlé (note de l’éditeur 6, p. 71, qui renvoie aux Rasâ’il d’al-Djâhiz).
(16) Djûdj et Midjûdj désignation d’individus ou de région géographique ; forme arabisée de Gog et Magog, figures bibliques, représentées comme rois des peuples géants, ennemis d’Israël. Dans de nombreuses traditions littéraires, ces termes désignent des « peuples barbares ». D’après Meserve ( “Inhospital Land”, pp. 79-81), A.R.Anderson, Alexander’s gate, Gog and Magog and the enclosed nations, (Cambridge Mass, 1932, pp. 3-18), on peut lire “marginal form of humanity (…), Gog and Magog were regarded as an antithesis of order in Ancient times as well as in medieval Europe (…) variously identified with Magyars, Scythians, Alans, Goths, Khazars, etc.”, in: Al-Azmeh, A. « Barbarian in Arab eyes », in: Past and Present, N°134, Oxford University Press, 1992, p. 15.
(17) La théorie du corps comme « microcosme au sein du macrocosme » est esquissée par Hippocrate dans De la Nature de l’Homme, Œuvres, Trad. Littré, Baillère, 1839-1861, VI, 49-51, et également de manière plus nette dans Du régime et Des Semaines : il caractérise les quatre humeurs (phlegme, bile noire, bile jaune, sang) par les quatre qualités (chaud, froid, sec, humide) et les « rattache aux saisons, en distinguant les maladies selon la saison où elles apparaissent, ce qu’il explique par l’affinité entre le caractère climatique et l’humeur de même qualité » ; cité par Pichot, A., Histoire de la Notion de Vie, Gallimard, 1993, pp. 15-16. D’après T. Fahd, Kitâb al-ahwiya wa-l-buldân (De aere aquis locis) d’Hippocrate a été traduit par Hunayn ibn Ishâq, Fahd, T., La divination arabe, Études religieuses, sociologiques et folkloriques sur le milieu natif de l’Islam, Brill, Leiden, 1966, p. 388.
(18) Ana: petite ville sur l‘Euphrate.
(19) Littéralement « chanteuses et pleureuses », traduites par Mohamed Mestiri par « pigeonnes chanteuses et tourterelles pleureuses », in : Al-Jahiz, Le Livre des Animaux, Ibid, p. 145.
(20) Aussi, des exemples d’inadaptation individuelle aux variations des conditions du milieu ou au changement de territoire sont soulevés par Al-Jahiz: le cas des éléphants d’Iraq, ou provenant d’Inde, ou ceux qui passent de l’état sauvage à la captivité, qui ne s’adaptent pas à cette région et ne peuvent s’y reproduire (Hayawân, Vol. VII, p. 134-135 علة عدم تلاقح الفيلة بالعراق ) ; aussi, les dromadaires incapables de vivre en territoire des Rûm (C’est-à-dire dans l’empire byzantin.), et les crocodiles qui périssent s’ils sont transportés sur les rives de l’Euphrate ou du Tigre. Cette question, ainsi que les détails concernant les différents modes d’adaptation de la reproduction des animaux dans des territoires différents, l’adaptation des animaux du désert, des animaux migrateurs, etc. est traitée par Aarab, Provencal, Idaomar, « Eco-ethological data according to Gâhiz through his work Kitâb Al-Hayawân (The Book of Animals)”, in: Arabica, T. XLVII, Brill, 2000, p. 284.
(21) Région non identifiée.
(22) Mossoul, ville d’Iraq, située sur les deux rives du Tigre.
(23) Ahwâz : ville d’Iran située sur les bords de la rivière Karun, dans la province du Khuzistan.
(24) Galien, en évoquant l’altération des aliments et leurs effets sur le corps, prit pour exemple les plantes dont les qualités varient suivant la nature du terrain où elles poussent : « Une preuve évidente que la substance qui nourrit communique à ce qui est nourri une substance semblable à elle, nous est fournie par le changement qu’éprouvent les plantes et les graines, changement qui est souvent si prononcé qu’une plante très nuisible si elle pousse dans une certaine terre, perd non seulement ses qualités délétères si elle est transplantée dans une autre terre, mais en acquiert d’utiles. Ceux qui ont composé des traités sur l’agriculture ou sur les plantes en ont fait souvent l’expérience ; il en est de même que ceux qui ont écrit sur l’histoire des animaux, car ils ont constaté les changements qui sont produits chez les animaux par les diverses régions », Galien, Des habitudes, Œuvres, Daremberg, Baillère, 1854-1856, I, 103-104. Cité par Pichot, A., Histoire de la notion de Vie, 1993, Gallimard, p. 177.
(25) Mushân : dattes d’espèce supérieure et de grande taille, d’après Kazimirski.
(26) burnî : sorte de dattes de grande qualités, d’après l’éditeur, note de l’éditeur, Vol. IV, p. 130.
(27) Muql : fruit du palmier sauvage appelé دوم [dûm], d’après Kazimirski. Les trois termes de dattes sont des mots d’origine persane (note de l’éditeur, Op. Cit.)
(28) Hidjâz : région ouest de l’actuelle Arabie Saoudite.
(29) Sur la notion de climat et ses concepts au Moyen-âge, cf. Ducos, J., « Regards médiévaux sur le climat », Cahiers d’Epistémé 2, Histoire et Philosophie des Sciences et des Techniques, 2008, pp. 15-30.
(30) Hoquet, T., « La théorie des climats dans l’Histoire Naturelle de Buffon », in : Corpus, N°34, 1998, p. 62.
(31) Désignation des slaves, et autres individus aux cheveux blonds et/ou de teint roux dans les sources islamiques médiévales, cf. EI 2, VIII, pp. 872-881. « Peuple dont le territoire se situe entre la Bulgarie et Constantinople » note de l’éditeur, Hayawân, Vol. IV, p. 71.
(32) Littéralement « ahraq » « shyât » signifient « brûler ».
(33) Dans un autre ouvrage, le Kitâb al-Bursân wa-l- ‘urdjân wa-l- ‘umîyân wa-l-ûlân (éd. A.M. Harun, 1er édition, Le Caire-Beirut, 1972, Beirut, 1990), al-Djâhiz s’intéresse aux effets des infirmités visibles (cécité, surdité, paralysie, etc.) et des maladies de la peau comme la lèpre, le vitiligo, la variole, etc. et les analyse de manière biologique (comparaisons avec les maladies de peau des animaux) et sociologique (regard de la société, protection des malades, etc.). Cf. Katouzian-Safadi, M., « Histoire de quelques infirmités visibles, les maladies de la peau : la lèpre, la variole, la rougeole », Actes du colloque International sur Jâhiz, Tétouan, Maroc, novembre 2011, in A.Aarab (dir.), éd. Faculté des lettres et sciences humaines de Tétouan, Université Abdelmalek Essaadi, 2012.
(34) Nous avons gardé volontairement le terme « utérus » pour en parler de manière générale pour toutes les espèces animales, car c’est la traduction littérale du mot arabe utilisé par al-Djâhiz, bien qu’il soit erroné de parler d’utérus dans le cas des oiseaux.
(35) Cité par Byl, S., Recherches sur les grands traités biologiques d’Aristote : sources écrites et préjugés, Académie Royale de Belgique, Coll. 8, 2ème série, T. LXIV, Fasc. 3, Bruxelles, 1980, p. 278.
(36) Un paragraphe plus loin, il répète que cette influence du rayonnement dépend très précisément de son degré, et qu’à ce titre, par exemple, chez les êtres humains, il distingue plusieurs types de blancheur de peau : il y a les blancs, les blonds, les roux – ces couleurs peuvent dériver de maladies de la peau comme les dépigmentations, qui peuvent se présenter sous forme de tâches plus ou moins étendues sur la peau (Maladie connue aujourd’hui sous le nom Vitiligo, affection cutanée qui se caractérise par une perte plus ou moins progressive et étendue de la pigmentation de la peau). Une blancheur ou une noirceur excessives sont donc, pour al-Djâhiz un signe plus ou moins important d’anomalies de pigmentation.
(37) Al-Djâhiz s’est intéressé aux changements observés chez les espèces animales dans le but d’assurer leur survie. A. Aarab évoque le cas du criquet (d’autres espèces comme le pou, le caméléon partagent cette particularité), qui change de couleur en fonction de la couleur de l’environnement dans lequel il se trouve, dans le but de se protéger contre ses prédateurs. D’autres adaptations aux rudes conditions du milieu comme le manque d’eau pour les animaux désertiques, ou encore d’autres formes d’adaptations chez les animaux migrateurs, etc. ont été décrites par al-Djâhiz et analysées par A. Aarab, Provencal, Idaomar, Op. Cit.
(38) Terme spécifique désignant la transformation ou la métamorphose d’un être en un autre, généralement en un être inférieur. Il y a une connotation « dégradante » issue de cette image coranique du châtiment. Le miskh est l’individu transformé (il ne s’agit pas du sens “transformation” qu’on peut utiliser dans un autre contexte ; la définition, ici est très restrictive).
(39) Terme non traduisible, désignant une catastrophe naturelle.
(40) Abraṣ, dérive de baraṣ, qui est un terme qui signifie à l’origine « couvert de tâches » et qui désigne une maladie de la peau, ce qu’on appelle de nos jours la leucodermie (diminution, perte ou absence de pigmentation de la peau pouvant faire apparaître des tâches blanches sur la peau). Al-Djâḥiẓ insiste dans son Kitâb al-burṣân wa-l- ‘urdjân…sur le fait que les tâches blanches ou la blancheur du baraṣ n’apparaît qu’après la naissance. « La blancheur de naissance ne se nomme pas le baraṣ. Cf. Katouzian-Safadi, M., « Histoire de quelques infirmités visibles, les maladies de la peau : la lèpre, la variole, la rougeole », Actes du colloque International sur Jâhiz, Tétouan, Maroc, novembre 2011, in A.Aarab (dir.), éd. Faculté des lettres et sciences humaines de Tétouan, Université Abdelmalek Essaadi, 2012.
(41) Venimeux-tacheté : grand gecko ou tarente Tarentola Mauritanica.
(42) La djurryy est le nom arabe pour l’anguille. Maalouf la désigne comme « poisson d’eau douce qui ressemble au serpent, au dos noir, doté de (shawârib), d’une tête grosse et d’une petite queue, appartenant à l’ordre des Siluriformes, famille des Clariidae, genre Clarias. Elle est aussi appelée communément « poisson-chat » ou silure. Elle ressemble à un autre genre de poisson nommé ankalîs, qui ressemble aussi à un serpent, connu sous l’appellation qarmût en Égypte, et barbûr en Syrie, et qui est l’anguille (Anguilla vulgaris). On a aussi désigné l’anguille par djurryya. » [Maalouf, A., Arabic Zoological Dictionary, Dar el-Ra’ed al-arabi, Beyrouth, 1932, p. 65, p. 95, et p. 229].
(43) Les Nabathéens sont les peuples des régions situées au Nord de l’Arabie, au sud de la Jordanie et de Canaan.
(44) Hayyât est un nom générique désignant les serpents, mais pouvant faire référence selon les passages aux reptiles ophidiens de manière générale.
(45) Littéralement sont utilisés les termes « pères » et « mères ».
(46) Dans la phrase du texte, il dit « le marmahi et le ankilis ». Il utilise la préposition « et » alors qu’il s’agit du même animal. Il semblerait qu’il pense que ce sont deux espèces proches mais différentes.
(47) cf. Génermont, J., Lamotte, M., « Place et rôle de l’adaptation dans l’évolution des organismes », Bolletino di zoologia, 53 :3, 215-237, 1986.
(48) Canguilhem, G., Études d’Histoire et de Philosophie des Sciences, Vrin, paris, 1968, pp. 20-21.
(49) L’expression « Biological Diversity » est employée pour la première fois par Thomas Lovejoy, biologiste américain, en 1980, et le terme « biodiversity » est inventé par Walter G. Rosen, autre biologiste américain en 1985, et devient courant dès 1986 dans les travaux biologiques et écologiques.
(50) Palacios, Miguel Asin, “El Libro dos animales del Gâhiz”, in: Isis, 14, 1930, pp. 20-54.
(51) Zirkle, Conway, Natural Selection before “Origins of Species”, pp. 84-85.
(52) Bayrakdar, « Al-Jâhiz and the rise of evolutionism », in : Hamdard Islamicus Fondation, Vol. VIII, N° 2, 1985, p. 31-39.
(53) Sur le mythe du précurseur, et la surinterprétation de certains textes, notamment Ibn Khaldûn et sa vision du monde vivant, cf. BEN SAAD, M., « Ibn Khaldûn et la génération des êtres vivants : réception des textes et traductions françaises », in : Bulletin de la SHESVIE, Vol. 15, N°1, 2008, pp. 73-111.
(54) Pellat, C., Hayawân, Op. Cit.