La pascaline, la « machine qui relève du défaut de la mémoire »

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La machine qui relève du défaut de la mémoire
La pascaline, la « machine qui relève du défaut de la mémoire »
Auteur : Blaise Pascal (1623-1662)
Auteur de l'analyse : Daniel Temam - Administrateur de l’INSEE, co-fondateur de la revue de mathématiques Tangente
Publication :

Lettre dédicatoire à Monseigneur le Chancelier sur le sujet de la Machine nouvellement inventée par le sieur B.P. pour faire toutes sortes d’opérations d’arithmétique par un mouvement réglé sans plume ni jetons, Avec un avis nécessaire à ceux qui auront curiosité de voir ladite Machine et s'en servir. Suivi du Privilège du Roy.

Année de publication :

1645

Nombre de Pages :
18
Résumé :

Ce document est le « mode d’emploi » d’une des premières machines à calculer, la « pascaline ».

Source de la numérisation :
Mise en ligne :
mars 2009

Ce texte de 1645, écrit par Pascal à 22 ans, est tout d’abord ce que l’on peut appeler, en se permettant un anachronisme, un texte publicitaire : Pascal n’hésite pas à y vanter les mérites de sa machine. Mais l’invention révèle aussi le génie de Pascal : le principe de l’incrémentation automatique de retenue en cascade est encore à l’œuvre dans les ordinateurs actuels… Ce texte accompagne une des premières conceptualisations du calcul automatisé : la pascaline est la première d’une longue série de machines qui permettent de « relever du défaut de la mémoire » (comme le dit joliment Pascal), c'est-à-dire d’aider l’homme dans ses calculs en les automatisant.

 

 

This text, written by Pascal in 1645 at the age of twenty-two, is first and foremost – if the anachronism may be excused – an advertisement: Pascal has no qualms about extolling the virtues of his machine. But the invention also reveals Pascal’s genius: the principle of the automatic increment of the remainder in series is still used in contemporary computers… This text is an accompaniment to one of the first conceptualisations of automatic calculation: the Pascaline was the first in a long line of machines that would – to borrow Pascal’s elegant phrase – “relieve [man] from the failure of memory”, i.e. assist human beings by automatising calculations.

 


 

Daniel Temam, né en 1948, ancien élève de l’École polytechnique et de l’ENSAE, est rédacteur en chef de publications à l’INSEE, et par ailleurs un des fondateurs de la revue mathématique Tangente.

 

 

Daniel Teman (b. 1948), a graduate of the École polytechnique and ENSAE (École nationale de la statistique et de l’administration économique), is head of publications at INSEE, the French national statistics agency, and one of the founders of the mathematics journal Tangente.

 

 

 

La pascaline, la « machine qui relève du défaut de la mémoire »
Daniel Temam - Administrateur de l’INSEE, co-fondateur de la revue de mathématiques Tangente

 

 

Avant-propos
Le texte étudié ici est un ensemble cohérent de trois documents (1), les deux premiers étant de Blaise Pascal :

 

  • - La Lettre dédicatoire à Monseigneur le Chancelier sur le sujet de la Machine nouvellement inventée…
  • - L’avis nécessaire à ceux qui auront curiosité de voir ladite Machine et de s'en servir.
  • - Le Privilège pour la machine d’arithmétique de M. Pascal.

Le dernier document est un document officiel qui est en ancien français. C’est principalement le deuxième document qui est commenté ici.

 

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La précocité de Pascal est bien connue. Dès l’âge de douze ans, il découvre les éléments d’Euclide et, à seize ans, il rédige un Traité des coniques.

 

Il va pourtant, peu de temps après, s’intéresser à une question beaucoup plus pratique. Son père vient en effet d’être nommé commissaire pour l’impôt et la levée des tailles pour la Basse-Normandie. La répartition des impôts exige de lourds calculs, qui doivent en outre effectués sans la moindre erreur.
Pascal a alors l’idée d’une « machine arithmétique » capable d’effectuer des calculs sans difficulté et sans risque d’erreur. Après plusieurs années d’efforts, il parvient à mettre au point un modèle qui le satisfait. En 1645, il a alors vingt-trois ans, il le présente à ses contemporains dans un « Avis nécessaire à ceux qui auront curiosité de voir la machine d'arithmétique, et de s'en servir ».
Ce texte est tout d’abord ce que l’on peut appeler, en se permettant un anachronisme, un texte publicitaire. Pascal n’hésite pas à vanter les mérites de sa machine. Il affirme que la machine est robuste, et prend peu de place. Son utilisation est très simple et très commode, et les calculs sont rapides : car malgré la robustesse, les roues sont maniables (« la facilité des mouvements qui ne font aucune résistance », D2). Qui plus est, les risques d’erreur sont nuls. Cette publicité n’est d’ailleurs en rien mensongère : toutes ces qualités sont bien réelles, comme le montrent les quelques exemplaires de la machine qui ont été conservés.

 

Les « pascalines » de nos jours

 

Il n’existe que neuf machines conservées d’une production qui n’a pas dû dépasser la vingtaine :

  • Quatre sont au musée des Arts et métiers (Paris), dont celle offerte au chancelier Séguier, ministre des finances, et celle offerte à la reine Christine de Suède.
  • Deux sont au Muséum d’histoire naturelle de Clermont-Ferrand, ville natale de Blaise Pascal.
  • Une est au musée de Dresde (elle avait été offerte à la reine de Pologne)
  • Une est dans les collections de l’entreprise IBM. IBM en avait fait reproduire une centaine dans les années 1960 pour les offrir à des clients, exemplaires qu’on peut parfois retrouver chez des antiquaires.
  • Une des machines est dans une collection particulière.

Bien que leur principe de fonctionnement soit le même, ces machines ne sont pas toutes exactement de la même facture, montrant qu’il y a eu plusieurs types de fabrication : machines décimales pour le calcul, machines pour l’arpentage, machines adaptées à la comptabilité (roue de 10 chiffres pour les livres, de 20 pour le sols, de 12 pour les deniers).

 

 

Figure 1 : Une des pascalines d’origine conservées au musée des Arts et métiers.

Figure 1 : Une des pascalines d’origine conservées au musée des Arts et métiers (photo WikiCommons auteur David Monniaux).

 

 

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Pour soutenir l’affirmation selon laquelle la machine ne se trompe jamais, Pascal évoque l’approbation de « ceux qui, dans Paris, sont les mieux versés aux mathématiques ». Pourquoi faut-il être versé dans les mathématiques pour vérifier des calculs ? Pascal ne le dit pas. Mais, sans doute, pour ses contemporains, les additions et les autres opérations élémentaires font partie intégrante des mathématiques. Ce qui d’ailleurs n’a sans doute pas vraiment changé quelques siècles plus tard.

 

 

La retenue : un problème brillamment résolu
Pour mettre au point sa machine, la difficulté principale que Pascal doit résoudre est le problème de la retenue. En effet, tant qu’il n’y a pas de retenue, un mécanisme d’entraînement très simple à concevoir permet d’effectuer une addition et de faire apparaître le résultat : les sommations des chiffres des unités, des dizaines, des centaines... sont en effet indépendantes. Elles peuvent dont être exécutées en faisant tourner des roues elles-mêmes indépendantes entre elles, une pour les unités, une pour les dizaines… Mais si, au cours d’une opération, la roue des unités arrive à 9 et doit être incrémentée d’une unité, il faut un mécanisme pour faire avancer la roue des dizaines d’une unité. Qui plus est, cette opération doit s’effectuer en cascade quand le processus de l’opération atteint par exemple 999 et qu’il faut ajouter une unité pour arriver à 1000…

 

Le génie de Pascal transparaît dans la solution qu’il imagine pour résoudre ce problème, un système de sautoirs en cascade. Cette solution a survécu à l’épreuve du temps. C’est un système analogue qui était en vigueur dans les calculateurs numériques jusqu’à l’apparition des calculateurs électroniques ; c’est aussi, en partie, selon un principe analogue que fonctionnent de nombreux systèmes de comptage, les compteurs kilométriques des voitures notamment.

 

Du jeton au composant microélectronique, en passant par la pascaline

 

Pascal interpelle (D2) son lecteur : la machine permet de « te soulager du travail qui t’a souvent fatigué l’esprit, lorsque tu as opéré par le jeton ou par la plume ». Par « la plume », il faut comprendre la pose d’opérations faites à la main ; « le jeton » correspond à l’utilisation, par les commerçants ou financiers, des jetons de jeu pour le calcul, comme dans les bouliers chinois. Si la pascaline est la première matérialisation mécanique d’un processus de calcul, elle utilise pour l’addition, comme la plume et le jeton, le principe de l’inscription et de la retenue. C’est toujours suivant le même processus mental que se réalisent les additions dans les machines à calculer et ordinateurs de nos jours : ainsi, un composant de type « full-adder 8 bits », pour ajouter deux nombres binaires d’un octet chacun (huit bits 0 ou 1), va lui aussi additionner, en utilisant les tables de vérité logiques de ses transistors, les bits successifs, de la droite vers la gauche, en posant le résultat de chaque addition élémentaire (« inscription ») et en faisant la retenue de 0 ou de 1.

 

 

Figure 2 : Schéma logique d’un « full-adder » (composant électronique de l’addition). Pour additionner les deux octets A0A1A2A3A4A5A6A7 et B0B1B2B3B4B5B6B7, le composant opère, comme à la plume et avec la machine de Pascal, de droite à gauche, par additions élémentaires, en posant à chaque fois Si et en réinjectant – par cascade – la « retenue » dans l’addition élémentaire suivante.

Figure 2 : Schéma logique d’un « full-adder » (composant électronique de l’addition). Pour additionner les deux octets A0A1A2A3A4A5A6A7 et B0B1B2B3B4B5B6B7, le composant opère, comme à la plume et avec la machine de Pascal, de droite à gauche, par additions élémentaires, en posant à chaque fois Si et en réinjectant – par cascade – la « retenue » dans l’addition élémentaire suivante.

 

 

Pour la soustraction, Pascal utilise une méthode simple, l’addition du complémentaire, couplée à un système astucieux de double affichage.

 

La machine permet aussi de faire une multiplication sous la forme d’une suite d’additions, et une division comme une suite de multiplications et de soustractions. Mais le calcul devient rapidement très long, surtout pour les divisions.

 

 

Attention aux contrefaçons !
Dans son avis, Pascal insiste sur le fait que la mise au point puis la fabrication d’une machine comme la sienne nécessite une approche théorique :

 

Il est absolument impossible à tous les simples artisans, si habiles qu'ils soient en leur art, de mettre en perfection une pièce nouvelle qui consiste ‑ comme celle-ci ‑ en mouvements compliqués, sans l'aide d'une personne qui, par les règles de la théorie, leur donne les mesures et les proportions de toutes les pièces dont elle doit être composée.
Pascal souligne ce point pour mettre en garde son lecteur contre « les mauvaises copies de cette machine qui pourraient être produites par la présomption des artisans » :
J’ai sujet particulier de te donner ce dernier avis, après avoir vu de mes yeux une fausse exécution de ma pensée faite par un ouvrier de la ville de Rouen, horloger de profession (…) mais comme le bonhomme n’a d’autre talent que celui de manier adroitement ses outils, et qu’il ne sait pas seulement si la géométrie et la mécanique sont au monde (…) ne fit-il qu'une pièce (…) tellement imparfaite au dedans qu'elle n'est d'aucun usage.
et, parlant des machines contrefaites :
Ils font paraître un petit monstre auquel manquent les principaux membres, les autres étant informes et sans aucune proportion (…) l’aspect de ce petit avorton me déplut au dernier point…
Hors ces mots assez durs, Pascal a une idée bien précise des relations entre le concepteur et le manufacturier, entre l’architecte et le maçon :
(…) pour les nouvelles inventions, il faut nécessairement que l’art soit aidé par la théorie jusqu’à ce que l’usage ait rendu les règles de la théorie si communes qu’il les ait enfin réduites en art et que lecontinuel exercice ait donné aux artisans l’habitude de suivre et pratiquer ces règles (2) avec assurance.
Mais, Pascal là non plus ne s’étend pas sur les raisons qui, selon lui, rendent nécessaires l’aide d’une personne qui connaît les « règles de la théorie ». C’est sans doute ce que sa propre expérience lui a appris : il est quand même bien dommage qu’il n’en dise pas plus, car le lien n’est pas évident. Sur le plan théorique, la conception de la pascaline et son fonctionnement sont en effet très simples : peut-être Pascal fait-il allusion à des raisonnements et à des calculs qu’il a dû faire pour déterminer la taille des pièces et leur agencement.

 

 

Une machine complexe pour un usage simple
Bien que son texte soit destiné à vanter les qualités de sa machine, Pascal n’omet pas d’évoquer ce qui peut apparaître comme un défaut : elle est composée de très nombreuses pièces. Il fait taire par avance ses détracteurs :

 

Je sais qu’il y a nombre de personnes qui font profession de trouver à redire partout, et qu’entre ceux-là il s’en pourra trouver qui te diront que cette machine pouvait être moins composée (3).
Pascal insiste d’ailleurs sur le fait que la machine, compliquée, lui a demandé beaucoup d’efforts. Mais il souligne aussi que cette complexité est nécessaire pour que la machine soit dotée de toutes les qualités qu’il a détaillées, simplicité et robustesse en particulier. Et il ajoute :
…en quoi tu pourras remarquer une espèce de paradoxe, que pour rendre le mouvement de l'opération plus simple, il a fallu que la machine ait été construite d'un mouvement plus composé.
Ainsi, il faut que la machine soit compliquée pour que son usage soit simple. C’est exactement la même chose pour les logiciels modernes : ils sont de plus en plus complexes, pour que l’usage des ordinateurs soit plus convivial.

 

 

Le privilège du roi, ancêtre du brevet
Dans son Avis, Pascal ne fournit paradoxalement aucun détail sur les mécanismes internes de sa machine. Il explique que ce serait trop compliqué de le faire par écrit, alors qu’une présentation orale serait très simple. L’argument ne semble, à vrai dire, guère convaincant. Peut-être Pascal veut-il simplement éviter de dévoiler ses secrets ? Ce n’est qu’un siècle plus tard, grâce aux planches de l’Encyclopédie, que le public pourra prendre connaissance des mécanismes internes de la pascaline.

 

Pascal veut d’ailleurs mettre sa machine à l’abri des contrefaçons. Il obtient en 1649 un privilège signé du roi de France, qui interdit à quiconque de fabriquer une machine arithmétique sous peine d’une forte amende. C’est le même type de protection qu’apportent de nos jours les brevets, qui n’existaient pas à l’époque.
Pascal rend grâce au chancelier Séguier de lui avoir obtenu ce « privilège », poursuivant sa vitupération à l’égard de ses contrefacteurs :
(..) il plut [au chancelier] de retrancher le mal dès sa racine et d’empêcher le cours qu’il pourrait prendre au préjudice de ma réputation et au désavantage du public par la grâce qu’il me fit de m’accorder un privilège qui n’est pas ordinaire, et qui étouffe avant leur naissance tous ces avortons illégitimes qui pourraient être engendrés d’ailleurs que de la légitime et nécessaire alliance de la théorie avec l’art.
Pascal donne deux raisons pour justifier ce privilège. La première est de protéger sa machine contre des copies de moindre qualité qui lui porteraient préjudice. Ceux qui auraient entre les mains ces copies et verraient leurs défauts pourraient croire en effet que la machine originale de Pascal souffre des mêmes défauts. Comme on l’a dit un peu plus haut, Pascal avait d’ailleurs eu l’occasion d’avoir entre les mains une de ces copies déficientes.
La deuxième raison est le coût élevé de la machine. Le privilège est censé laisser à Pascal le temps de réduire ce coût, tout en préservant les qualités de sa machine. Celle-ci comprend de nombreuses pièces, qui doivent être fabriquées avec une grande précision. A l’époque, tout doit se faire à la main, et il n’est pas étonnant que le coût soit très élevé. C’est d’ailleurs ce qui en définitive empêchera la diffusion de la machine. Pascal avait oublié, ou sous-estimé, cet aspect. Il est à remarquer d’ailleurs qu’il ne l’évoque jamais dans son avis.

 

 

La machine de Pascal, premier procédé mécanique de calcul
Toutefois, ce qui reste le plus intéressant et le plus frappant dans le texte de Pascal est la conceptualisation qu’il fait de son invention, première d’une série de machines qui auront pour objectif de pallier la faiblesse de la mémoire de l’homme, ou comme le dit Pascal, de le « relever du défaut de la mémoire » :

 

Tu sais de même comme, en opérant par la plume, on est à tous les moments obligé de retenir ou d’emprunter les nombres nécessaires, et combien d’erreurs se glissent dans ces rétentions et emprunts à moins d’une très longue habitude et qui fatigue l’esprit en peu de temps. Cette machine délivre celui qui opère par elle de cette vexation ; il suffit qu’il ait le jugement, elle le relève du défaut de la mémoire.
Cette phrase a un caractère visionnaire et prémonitoire : même si, malgré les efforts de son inventeur, la machine ne sera en définitive fabriquée qu’en un petit nombre d’exemplaires, elle lui assurera, très jeune, une célébrité certaine, et elle demeure aujourd’hui un témoignage de l’étendue de son génie.

 

 

L’auteur remercie Alexandre Moatti pour les encadrés hors texte et pour l’annexe. BibNum remercie Pierre Charrier, André Devaux et Yves Serra, auteurs de sites sur la pascaline (voir rubrique « Pour en savoir plus ») qui ont bien voulu nous laisser utiliser leur iconographie et nous laisser prendre des photos de leur reproduction de la machine.

 

 

 


 

 

Annexe : explication sommaire du fonctionnement de la pascaline

 

 

On trouvera sur Internet (certains sites sont donnés en biographie) un fonctionnement détaillé de la pascaline ; nous en donnons ici un bref aperçu pour ce qui concerne l’écriture des chiffres, le mécanisme et l’addition.

 

 

Étape 1 : l’inscription d’un chiffre

 

 

Figure 1 : En haut à gauche la machine. On appelle inscripteur une des six roues dentées (en bas, photographie André Devaux). En tournant cette roue dentée (avec un butoir en bas de chaque roue, un peu comme les anciens cadrans de téléphone : ici la rotation se fait dans le sens des aiguilles d’une montre), on inscrit un chiffre sur le cadran en haut de la roue dentée (cf. les six encoches de l’afficheur en haut à gauche). En haut à droite, mécanisme d’engrenage entre l’inscripteur et le tambour d’affichage : sur cette figure, le plan AB représente le dessus de la machine, l’inscripteur (la roue à gauche du point B) en haut à droite transmet le mouvement au tambour (à droite du point A).

 

 

Étape 2 : l’addition

 

 

Figure 2 : (addition 743 + 412) À droite : comme dans un ancien cadran téléphonique, on fait tourner la roue de droite depuis la position 3 jusqu’au butoir, la roue voisine depuis la position 4 jusqu’au butoir, la troisième roue depuis la position 7 jusqu’au butoir ; ces mouvements se font dans le sens des aiguilles d’une montre (à l’inverse du cadran téléphonique) : l’afficheur indique 743. La couronne ronde de l’inscripteur, où sont écrits les chiffres, reste fixe ; seule la roue avec ses rayons tourne. Pour ajouter 412, il suffit alors de répéter la manipulation en faisant tourner la roue de droite depuis la position 2 jusqu’au butoir et ainsi de suite. Le tambour d’affichage fonctionne en plus par rapport à ce qu’il affiche, et fait apparaître le résultat 1155 (voir étape suivante pour la retenue sur la roue des centaines).

 

 

Étape 3 : la retenue, le principe du sautoir

 

 

Figure 3 : (image extraite d’une vidéo du site de André Devaux, légende BibNum). Regardons ce qui se passe sur la roue à droite de la présente figure (roue des centaines dans l’exemple précédent). Pour mettre en œuvre une retenue, elle a actionné son « sautoir » vers le bas : les deux autres sautoirs sont horizontaux, en position de repos. En revenant à sa position initiale, le sautoir va incrémenter d’une unité la roue voisine. Dans l’exemple de l’addition ci-dessus, la roue de droite est celle des centaines, elle est en mouvement (c’est pour cela que cette roue et son afficheur sont flous) ; cette addition nécessite une retenue, le sautoir va incrémenter d’une unité la roue voisine (2° en partant de la droite) des milliers. Si l’on regarde attentivement, on voit (3° roue en partant de la droite) deux barres aux centres du tambour : c’est la première barre qui, lorsque la roue tourne, se prend dans la griffe du sautoir et l’actionne vers le bas. Ce mécanisme de sautoir fonctionne en cascade, certaines opérations nécessitant un « transport de retenue » (ex. 193 + 8 = 201 : retenue sur les dizaines qui se transporte sur les centaines) ; à cet égard, les masselottes constituant les sautoirs doivent être d’un poids croissant vers la roue des unités, pour que ce mécanisme de retenue par gravité du sautoir fonctionne et se transporte.

 

 

Étape 4 : La remise à zéro

 

 

Figure 4 : Remise à zéro. Après l’addition (résultat 1155 à gauche), ou toute opération, la remise à zéro est nécessaire et est manuelle, ce qui est un inconvénient de la pascaline. Pour ceci, on fait tourner la partie mobile de chaque roue dans le sens des aiguilles d’une montre jusqu’à l’affichage zéro, en prenant soin de commencer par la roue la plus à droite (sinon un déclenchement de retenue due à la rotation risque de ruiner le travail de remise à zéro déjà effectué). Des machines ultérieures, comme l’addometer (USA XXème siècle), fonctionnant sur un principe de roues et de retenues logiquement analogues à la pascaline, auront un dispositif de remise à zéro automatique, par la tirette à droite à rentrer pour remettre à zéro (cf. photo ci-dessous, collection Yves Serra)

 

 

A.M.

 

 

 

 

 

 

 


(1) Ces documents seront référencés D1, D2, D3 dans le présent texte.
(2) Ce qu’on appelle, en parlant du travail d’un artisan notamment, les « règles de l’art ». Car, comme l’étymologie nous l’indique et comme Pascal nous le rappelle, l’artisan, comme l’artiste, pratique l’art.
(3) Par « moins composée », on entendra de nos jours « plus simple ». Le fait que la machine soit "composée" est notamment lié à un point important d’ergonomie : on pose les chiffres sur la face supérieure de la machine et non sur sa face avant, ce qui fait qu'on a et le mouvement et le résultat sous les yeux, mais au prix d'un mécanisme de renvoi à 90° du mouvement, qui complexifie la machine (voir figure 1 en annexe).
À CONSULTER (SITES)

 

 

Le site d'André Devaux, qui a pris des photographies chez l'artisan Pierre Charrier, et qui explique le fonctionnement de la pascaline (voir notamment les vidéos).

 

 

Le site d’Yves Serra, ingénieur qui a mené ce projet avec Pierre Charrier, donnant plusieurs présentations et images de la pascaline.
 
 
Une animation Flash du fonctionnement de la Pascaline (sur le site de Thérèse Eveilleau)
 
 
 
 
À LIRE (LIVRES)

 

 

René Taton, Le Calcul mécanique, Que sais-je ? n° 367 - Presses universitaires de France (1949)

 

 

Guy Mourlevat, Les Machines arithmétiques de Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, La Française d'Edition et d'Imprimerie (1988)